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La fille qu'on appelle

Publié le par Yv

La fille qu'on appelle, Tanguy Viel, Minuit, 2021

"Quand il n'est pas sur un ring à boxer, Max Le Corre est chauffeur pour le maire de la ville. Il est surtout le père de Laura qui, du haut de ses vingt ans, a décidé de revenir vivre avec lui. Alors Max se dit que ce serait une bonne idée si le maire pouvait l'aider à trouver un logement." (4ème de couverture)

Avec ce titre un peu mystérieux, en fait, traduction littérale de call-girl, Tanguy Viel écrit un roman formidable en écho et en accompagnement aux divers mouvements de ces dernières années de femmes osant porter plainte ou dénonçant leur agresseur. L'histoire de Laura est malheureusement et honteusement banale, celle d'une jeune femme qui va devoir accepter les avances sexuelles d'un édile contre un hypothétique logement et un encore davantage hypothétique travail.

Le roman s'ouvre sur la jeune femme qui raconte son histoire à des policiers : on imagine qu'elle porte plainte ou qu'il s'est passé un événement qui l'a amenée à être entendue par la police. Et Laura raconte les faits, la succession des mots, des avances qui n'en sont pas vraiment tout en ne pouvant y échapper et qui mènent vers l'inéluctable. Ses descriptions sont entrecoupées par ses réflexions, son sentiment de culpabilité parce qu'elle n'a pas su ou pu refuser ou repousser le maire ; elle est prise au piège, ne peut s'en défaire sûre de s'y être elle-même mise et n'ayant jamais su ou pu saisir l'occasion de fuir. C'est remarquablement construit, de sorte qu'on sait comment Laura s'est retrouvée enfermée et qu'on comprend qu'elle n'ait pas pu sortir. "Ils se sont regardés à nouveau, les deux policiers, se demandant de plus en plus à qui ils avaient affaire, à force de cette manière un peu digressive, un peu désaffectée aussi, qu'elle avait de raconter son histoire, comme si elle ne lui appartenait pas vraiment, comme si elle se regardait elle-même la raconter sans qu'à aucun moment, non, elle n'ait cherché à les prendre par les sentiments -sa manière à elle, finiraient-ils par comprendre d'y parvenir." (p.74)

Comme souvent dans les livres de Tanguy Viel, c'est un monologue intérieur, une lutte des petits contre les puissants et de profondes réflexions du personnage principal, formidablement mis en mots dans des phrases longues, ponctuées, virgulées, parfois tortueuses mais tellement belles et toujours compréhensibles. On est vraiment dans l'idée que je me fais de la belle littérature. Ouvrir un livre de Tanguy Viel, c'est comme revoir un ami qu'on n'a pas vu depuis longtemps : on retrouve tout ce qu'on aime chez lui et l'on reprend la conversation là où l'on l'avait stoppée sans incompréhension,. J'aime ce sentiment de me retrouver, dans les mots d'un écrivain -ça me le fait aussi avec Jean Echenoz-, en toute simplicité comme si nous étions à discuter autour d'un verre ou d'un repas, un truc qui fait du bien même si le sujet n'incite pas à la rigolade, parce qu'entre amis, on peut aussi parler de sujets lourds.

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Du sang sur le Quai

Publié le par Yv

Du sang sur le Quai, Pierre Pouchairet, Palémon, 2021

Au cours du célèbre salon dédié aux polars, Le Goéland Masqué à Penmarc'h, un auteur est retrouvé mort, assassiné. Puis un autre meurtre quelques mois plus tard dans un autre salon aussi fameux, Le Chien Jaune à Concarneau. Les deux victimes avaient en commun d'avoir été lauréats de Prix du Quai des Orfèvres. C'est cette direction que prend l'enquête menée par Léanne Vallauri, cheffe de la police judiciaire du Finistère, assistée de ses deux amies Vanessa psycho-criminologue et Élodie médecin-légiste et de toute son équipe d'enquêteurs de Brest et Quimper et notamment Isaac qui aura même l'opportunité d'aller en Russie pour interroger un suspect.

Tome 8 de la série Les trois Brestoises et comme à chaque fois, Pierre Pouchairet invente et évite de calquer à ses héroïnes des modèles d'intrigue et d'enquête tous faits. A chaque fois, il change de contexte ce qui fait qu'à part les personnages principaux, on n'a jamais la sensation de lire le même livre. C'est entre autres, ce que j'apprécie et qui est à noter, parce que ce n'est pas le cas dans toutes les séries et que Pierre Pouchairet qui écrit beaucoup pourrait aisément céder à quelques facilités.

Cette fois-ci, nous voici donc autour d'un prix littéraire important dans le monde du polar et que l'auteur connaît bien puisque, comme le précise le bandeau, il en est l'un des lauréats -en 2017-, avec Mortels trafics -l'un sinon le seul livre de lui que je n'ai pas lu. Et Pierre Pouchairet de nous parler du prix, de lancer quelques piques vers quelques écrivains de polars qui aiment faire couler l'hémoglobine sur le papier mais qui flanchent dès qu'ils en voient. Je ne sais pas s'il a raison, mais la remarque me fait sourire surtout que je ne suis pas fan des polars dans lesquels le sang coule abondamment ou dans lesquels les descriptions sont légion et gore, cela ne m'apporte rien, je préfère la suggestion et qu'on me laisse me faire mes images.

J'aime bien l'angle pris par le romancier pour nous faire vivre l'enquête : si Léanne est directement défiée par le tueur et agit en conséquence, ce sont son collègue Isaac et Vanessa la psychologue qui, sur ce tome, sont mis en avant. Une enquête qui tranche avec la précédente, Le pont du diable, ce que fait régulièrement Pierre Pouchairet : une intrigue lourde et forte, suivie d'une davantage locale et classique, preuve qu'il maîtrise et aime tous les genres et nous les fait aimer.

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Ambernave

Publié le par Yv

Ambernave, Jean-Hughes Oppel, Payot&Rivages, 1995

Ambernave, ville portuaire, il y a des dockers et Émile, un ancien unijambiste, alcoolique et misanthrope. Il rencontre Johé, un colosse mutique accompagné d'un chiot. Affamés, tous les deux. Émile les recueille, les nourrit et se prend d'amitié.

Ambernave, il y a aussi le croque-mitaine, surnommé ainsi par la presse. Un tueur en série qui sévit dans les quartiers du port. Il y a donc des flics, Lombard et Brison, des patrouilleurs. Un duo qui pourrait bien être celui qui connaît le mieux le tueur.

Il y a aussi M. Wong, mafieux local, qu’Émile renseigne, se faisant quelques billets supplémentaires pour finir le mois lorsque la pension d'invalidité ne suffit pas.

Le roman débute ainsi :

"Dans le port d'Ambernave, il y a des marins, ce qui en soi n'a rien d'étonnant.

Dans le port d'Ambernave, il y a des marins qui ne chantent pas, parce que le cœur n'y est plus. Parce qu'il n'ont plus de rêves. Ce qui les hante, c'est la fermeture totale des chantiers navals, le chômage, la mise au rancart. La crise." (p.9) Et Jean-Hughes Oppel continue ainsi son prologue pendant quatre pages. Quatre pages qui font venir les images et la musique et la voix de Brel. Ensemble qui ne nous quitte plus du livre.

Roman insolite, original. Noir, évidemment. D'une qualité littéraire rare et réjouissante. C'est un festival de bons mots, de belles phrases, bien tournées, bien troussées, de celles qui font s'ébaubir à chaque page, qui donnent au roman une ambiance poisseuse, noire, collante, un truc dont on ne se défait pas. D'aucuns qui dédaignent encore le roman noir parce qu'il n'est pas assez bien, trop populaire peuvent sans risque ouvrir celui-ci qui les réconciliera avec le genre.

"La véritable nature de sa bienveillance [celle de la mère maquerelle] à l'égard de l'ancien docker est plus subtile et lui échappe complètement. C'est un alibi ; un élan de charité noyé dans le vice. Inconscient, informulé, n'osant pas dire son nom, mais un élan quand même -une bonne action pour brandir à la corbeille du Jugement Dernier. Encore que : s'il y a une chose sur laquelle madame Angèle s'assoit (après son cul), c'est bien la religion." (p.152/153)

Écrit en 1995, découvert en bouquinerie cet été, quel pif j'ai eu de tomber dessus et de ne pas le laisser dans les rayons !

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Noire campagne

Publié le par Yv

Noire campagne, Patrick S. Vast, Le chat moiré, 2021

Fin 2019, Seclemars, ville de la banlieue lilloise, se prépare mollement aux prochaines élections municipales. Le maire sortant, Alexandre Montjeune, en place depuis 1983 se représente pour son ultime mandat et est certain d'être élu. Un jeune homme ambitieux, Gérald Régnier, se met à son service pour profiter de son influence et au dernier moment, se présenter contre son mentor. Voilà qui anime un peu la campagne politique jusqu'ici morose. Tout cela sur fond d'un virus venu de Chine qui commence à faire parler de lui et pourrait bien déjouer les plans des uns et des autres.

Patrick S. Vast est un auteur de polar expérimenté, qui, sans effets, sans hémoglobine ni courses-poursuites ou grabuges à tous les coins de rue captive son lectorat. Il sait décrire les situations du quotidien avec précision et raconter les travers, les magouilles, influences et manipulations dont sont victimes et/ou complices voire coupables, certains prétendants au titre d'édile. C'est un constat amer et négatif d'une certaine politique, mais ce n'est pas Patrick S. Vast qui a commencé. Beaucoup de gens en place depuis des décennies ont montré un exemple déplorable et ont desservi la politique. Pas étonnant que certains électeurs se tournent vers des figures qu'ils pensent moins marquées -quoique dans le lot, il y ait des condamné(e)s parfois amateurs de doigts d'honeur- et aux propos ignobles, nauséabonds, pour rester poli.

Le roman de Patrick S. Vast est drôlement bien construit, à coup de retours en arrière, le début s'ouvrant dans une église lors d'une sépulture d'on ne sait qui. Il décortique les rapports entre politique et économie et entre les hommes -car, oui, il s'agit souvent d'hommes- qui les incarnent. Entre ceux qui semblent honnêtes mais qui auront beaucoup de mal à résister aux pressions, car il faut beaucoup de force pour refuser certaines propositions, et ceux qui fonceront tête baissée. C'est fin, bien vu et ses personnages sont tour à tour pétris de bonnes intentions, puis, aveuglés par l'ambition, puis tellement pris dans le tourbillon de leurs vies mouvementées qu'ils en oublient les bases. Patrick S. Vast décortique les relations humaines, les mauvais coups, les ambitions des uns et des autres habilement et l'on ressort de ce roman en se disant que la politique est vraiment un monde de brutes. Néanmoins, il évite le "tous pourris" ce dont je lui sais gré.

Depuis quelques années Patrick S. Vast publie chez Le chat moiré éditions ses romans policiers joliment présentés dans cette belle couverture jaune-orangée.

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Avez-vous lu les classiques de la littérature IV ?

Publié le par Yv

Avez-vous lu les classiques de la littérature IV ?, Soledad Bravi, Pascale Frey, Rue de Sèvres, 2021

Retour du duo détonnant qui sait résumer les grands livres de la littérature à coup de petits dessins et de phrases humoristiques.

Pascale Frey, qui écrit les textes, en faisant preuve de beaucoup de dérision, d'humour parfois potache. Elle dépoussière les classiques avec une langue moderne; anachronique et peut même susciter l'envie d'en ouvrir certains qu'on a oubliés ou pas lus, par flemme, parce que l'on s'était dit que c'était pas facile à lire ou toute autre bonne raison.

Soledad Bravi n'est pas en reste question humour avec ses petits dessins décalés, ses personnages parfois ridicules, surtout les méchants.

Tout cela est donc fait dans la bonne humeur, et l'on ressort de l'album en pouvant parler des livres qu'on n'a pas lus et encore une fois, dans cette sélection, il y en a pas mal dont je ne connais que les titres et auteurs. Miass j'ai toujours la satisfaction de voir ainsi résumés ceux que j'ai lus, ici Le Cid, Hansel et Gretel, Les trois mousquetaires, Boule de suif, Germinal, Le portrait de Dorian Gray, Le chien des Baskerville, Croc-Blanc, L'affaire Saint-Fiacre, Voyage au bout de la nuit, La nuit des temps, -je ne fais pas l'injure de citer les auteurs. J'en suis à peine à la moitié, 11 sur 23, mais je peux maintenant parler des autres...

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Oxymore mon amour !

Publié le par Yv

Oxymore mon amour ! Dictionnaire inattendu de la langue française, Jean-Loup Chiflet, Éditions retrouvées, 2021 (Chiflet et Cie, 2011)

Si vous aimez la langue française, ses mots rares, inusités parfois désuets, ses accords pas aisés, ses figures de style, ses particularités, ses spécificités, anagrammes, pléonasmes dont il fait si souvent mention dans les médias et dans notre langage habituel... eh bien, ne cherchez plus l'ouvrage qui les répertorie, il est là, aujourd'hui -tiens pléonasme autorisé, alors que penser de "au jour d'aujourd'hui", double pléonasme- présenté sous vos yeux ébahis.

Les éditions retrouvées ont la joie et la bonne idée de rééditer ce dictionnaire qui, comme ses homologues, est instructif, mais à l'inverse d'iceux est très drôle. Et apprendre en s'amusant, y-a-t'il meilleure pédagogie ?

Je pourrais citer des pages et des pages : savez-vous que l'alouette ainsi que la mésange zinzinulent ? Que le rhinocéros barète ? Que "tranchecouiller" signifie châtrer -celui-ci, je vous l'accorde, on peut le deviner-, mais "patrociner" auriez-vous pensé que c'est défendre son point de vue ? Que l'épitochrasme est une figure qui consiste à accumuler des mots courts et expressifs "Son esprit, strict, droit, bref, sec et lourd" (Alfred de Vigny). Que certains mots n'existent qu'au pluriel... ? J'en passe et des meilleures pour user d'une expression toute faite, genre que n'aime pas l'auteur du dictionnaire -ni moi d'ailleurs-, alors que nous aimons tous deux, mais lui d'abord, parce que c'est quand même l'auteur, l'oxymore -ou oxymoron- qui donne son titre à l'ouvrage et qui consiste à coordonner deux termes contraires : "Un silence assourdissant" (Albert Camus), "l'obscure clarté" (Pierre Corneille)...

Empli de citations, de références, d'extraits des plus grands auteurs français, classiques et modernes, ce dictionnaire de JL Chiflet est un trésor à garder pas loin de soi, à ne surtout pas remiser dans une bibliothèque où il serait oublier. Il faut l'ouvrir de temps en temps, y piocher une ou deux idées, le prêter, le récupérer pour le ré-ouvrir et le laisser à la portée de tous, chacun y trouvera son bonheur

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La vague arrêtée

Publié le par Yv

La vague arrêtée, Juan Carlos Méndez Guédez, Métailié, 2021 (traduit par René Solis)

"Magdalena a quitté le Venezuela pour Madrid, elle est devenue une enquêtrice réputée, tout va bien pour elle, à l'exception d'un amant envahissant et indiscret. On lui propose une nouvelle affaire : un homme politique madrilène lui demande de retrouver sa fille et de la lui ramener, elle aurait été enlevée et retenue à Caracas.

Magdalena est sûre de ses compétences et elle a une arme secrète : des dons que lui a accordés Maria Lionza, la déesse guerrière vénézuélienne, bref elle est un peu sorcière et a des intuitions salvatrices." (4ème de couverture)

Caracas est considérée comme étant l'une des -si ce n'est la- villes les plus dangereuses du monde, entre les milices, les gangs qui souvent sont les mêmes, les enlèvements quotidiens, les meurtres, crimes, agressions et j'en passe. Autant dire qu'enquêter là-bas, surtout lorsqu'on est une Vénézuélienne qui est partie du pays n'est pas une sinécure. C'est un pays qui "est une destination très logique pour des gamins qui aiment voir des gens avec des drapeaux rouges et un type qui crie qu'ils doivent anéantir la bourgeoisie tout en portant une Rolex au poignet." (p.56). La critique est cinglante et elle l'est dans tout le livre. Juan Carlos Guédez Méndez n'est pas tendre, et c'est un euphémisme, avec les dirigeants de son pays qui l'ont mené a bord du gouffre et qui ont fait de sa capitale cette ville ultra-violente dans laquelle il ne vaut mieux pas traîner lorsque la nuit tombe.

Magdalena est une enquêtrice atypique qui invoque Maria Lionza, la déesse, qui a des flash par intermittence, elle ne sait jamais vraiment quand mais toujours pourquoi : ça lui permet d'échapper à un accident, une fusillade ou l'aide dans son travail. Néanmoins, malgré cette ville et Magdalena, le roman se répète parfois, il aurait sans doute mérité d'être resserré, plus concis, il eut été plus dense et ainsi aurait passé le cap du simple bon polar pour passer dans la catégorie supérieure. Et l'écriture de Juan Carlos Méndes Guédez est parfois cash, parfois plus descriptive, elle a recours à des images fortes ou sait les faire naître.

Bon polar donc, qui permet de découvrir le Venezuela et une enquêtrice pas commune.

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Walk me to the corner

Publié le par Yv

Walk me to the corner, Anneli Furmark, çà et là, 2021 (traduit par Florence Sisask)

Elise, la cinquantaine dépassée, vit avec Henrik depuis de nombreuses années. Ils ont ensemble deux grands fils. Lorsqu'elle rencontre Dagmar, une femme de son âge, mariée à une femme et maman de deux jeunes filles, l'attirance est immédiate et elles nouent bientôt une relation passionnelle. Elise en parle assez vite à Henrik et lui assure qu'elle l'aime toujours, mais Henrik s'éloigne peu à peu.

Anneli Furmark est suédoise et a publié plusieurs romans graphiques. Le titre de la version française (?) d'icelui est tiré d'une chanson de Leonard Cohen, Hey, that's no way to say goodbye.

Voilà un roman graphique original dans la forme, alternant les pages aux petites cases et texte adjacent ou en-dessous, d'autres avec six petites cases muettes et d'autres avec des cases plus grandes voire uniques, enfin rien n'est figé, la forme change sans cesse. Ainsi que les couleurs : du noir et blanc, des fonds verts ou bleus ou jaunes, comme à l'aquarelle et des contours de personnages noirs. On ne sait pas en tournant la page quel format  ou quelle teinte on va trouver. Quasiment que des personnages, très peu de paysages, l'histoire étant centrée sur Elise et Dagmar.

Cette histoire qui n'est pas banale non plus : une femme qui découvre une passion homosexuelle a plus de cinquante ans et qui décide de ne pas résister, d'oser vivre au risque de tout casser. C'est très sobrement raconté, pas d'effet racoleur, pas de dessins trash. Comme quoi, on peut aller en profondeur dans des personnages et des situations avec pudeur. Car si elle raconte ses doutes, ses peurs, ses angoisses, ses sentiments, Elise reste pudique.

Un roman graphique à découvrir, il y a un travail sur le dessin, les couleurs et la mise en page original et très intéressant.

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Nuuk

Publié le par Yv

Nuuk, Mo Malø, La Martinière, 2020 (Points, 2021)

Qaanaaq Adriensen est de retour au Groenland, à Nuuk après un passage au Danemark suite à son aventure précédente qui l'a chamboulé. Il retrouve son poste de chef de la police mais doit se soumettre à une visite de tous les postes du pays, parfois très éloignés de la capitale, isolés et répondre aux questions d'une psy avant de pouvoir enquêter de nouveau. Mais un suicide inexpliqué d'une jeune femme dans un des lieux qu'il doit visiter et la réception d'un colis macabre à son nom, l'obligent à contourner cet empêchement.

Qaanaaq est aussi le père de jumeaux adoptés trois ans auparavant et Massaq, sa compagne est enceinte, ce qui expose le futur père à des questionnements importants.

Troisième tome de cette trilogie et donc, par définition le dernier, sauf si Mo Malø se dit que ce serait bien d'en écrire d'autres, et donc du coup, ce ne serait plus une trilogie mais ce livre resterait le troisième tome...

Digression mise à part, la série fonctionne vraiment bien et le dépaysement est garanti. Mo Malø s'est plongé dans les us et croyances des Inuits pour dresser une toile de fond originale et marquante : "Au Groenland moins qu'ailleurs, la population ne prenait la peine de signaler l'absence inexpliquée d'un proche aux autorités. La disparition d'un chasseur ou d'un pêcheur s'inscrivait dans l'ordre des choses, une manière pour la nature de reprendre ses droits : sauf cas rares, personne n'y voyait un présage réellement funeste. L'éventualité d'un meurtre ou d'un enlèvement était bien la dernière des idées qui serait venue en tête. De toute façon, le naturel optimiste des Inuits attisait l'espoir comme un tapis de braises, à grand renfort de rumeurs et d’anecdotes." (p.72)

Et je dois dire que rarement, j'ai rencontré dans mes lectures des héros de polars qui sont autant liés à la nature, contraints par elle et obligés de composer avec elle. En outre, Mo Malø a réussi au fil de ses trois romans à bâtir une équipe de flics, à Nuuk, qui tient la route et se sert les coudes. Ils évoluent tous, chacun à son rythme mais ne restent pas figés dans des principes et des stéréotypes. Et il y a bien sûr, l'intrigue, fouillée, dense qui rebondit régulièrement, qui y va parfois un peu fort -je me demande comment un homme peut résister à tout cela et ce que l'auteur trouvera la prochaine fois pour rester au moins au même niveau, mais bon si c'est une trilogie, il n'aura plus à se creuse les méninges-, mais finalement, je me laisse avoir et porter par tout ce que j'ai décrit plus haut et dans les tomes précédents : Qaanaaq et Diskø. Et pire, si Mo Malø se décide à prolonger, je repars au Groenland, ravi.

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