Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Haïti Kenbe la !

Publié le par Yv

Haïti Kenbe la !, Rodney Saint-Éloi, Michel Lafon, 2010

Haïti Kenbe la ! (= redresse-toi !), sous titré : 35 secondes et mon pays à reconstruire. Rodney Saint-Éloi, Haïtien, écrivain, éditeur-fondateur des éditions Mémoire d'encrier vit au Québec. Pour le festival Étonnants voyageurs, il retourne dans son pays d'origine en janvier 2010. Le soir de son arrivée, un terrible tremblement de terre a lieu, réduisant en poudre les maisons, palais de la Présidence, tuant des milliers de personnes pendant que des milliers d'autres restent sous les décombres. Vient alors le moment de rechercher ses amis, de venir en aide aux autres.

Rodney Saint-Eloi, une fois revenu au Québec écrit sur ce séisme, mais aussi sur son pays, son histoire riche et forte, les raisons de sa pauvreté et surtout sur ses habitants, tous très forts, courageux et dotés d'un optimisme et d'une vitalité obligatoires pour ce peuple qui a affronté moult épreuves.

Je n'aime pas les livres de témoignage sur tel ou tel événement de la vie, je les trouve souvent racoleurs, pleurnicheurs. Ce livre est tout le contraire. Rodney Saint-Éloi raconte comment le peuple haïtien est debout et tient à le rester, comment  le pays va se reconstruire et comment pour peu qu'on le laisse un peu tranquille (cf. les ingérences étasuniennes, les coups d'états, ...)  et qu'on lui laisse sa chance, Haïti pourrait se sortir de cette spirale de pauvreté.

"Plus de deux siècles d'Histoire. Une chronique coloniale lourde de violences. Les horreurs de l'esclavage. Le pillage des ressources. L'abêtissement de l'être dans son corps et dans son âme. L'esclave est un bien meuble, dit le Code noir, l'ensemble des règles régissant la société coloniale. Les colons pouvaient disposer de leur vies. Saint-Domingue, c'était la Perle des Antilles, la colonie française la plus prospère. L'île est aujourd'hui divisée en deux parties : la République dominicaine, à l'est, et Haïti, à l'ouest. Des tonnes de sucre, de café, d'indigo, de cacao et de bois de construction quittaient le port de Port-au-Prince en direction de la métropole. Aujourd'hui, Haïti est le pays le plus pauvre d'Amérique." (p. 210/211)

Mais comme je le disais plus haut, l'auteur parle surtout des habitants, de ceux qu'il connait bien sûr, les écrivains, Dany Laferrière, Franketienne, Lyonel Trouillot entre autres. Il nous présente aussi sa grand-grand-maman, Grann Tida qui raconte, aux enfants de son village des histoires. Des contes, basés sur la réalité de l'Histoire du pays, de ses coutumes, de ses croyances : "Tida a eu la sagesse de parsemer ses contes de leçons de vie. Aucune bouche de mensonge ne me racontera des sornettes tant il est vrai que l'histoire du pays depuis l'indépendance est une suite de séismes suivis de répliques régulières." (p.215)¨

Haïti m'a toujours intrigué. Dans ma récente lecture de Tonton Clarinette, j'ai pu "visiter" ce pays et ses habitants au travers d'une enquête policière. Dans Haïti Kenbe la !, je visite Haïti et les Haïtiens avec un guide qui connait parfaitement l'un et les autres et qui nous en fait des portraits sincères et forts. Que B.O.B et les éditions Michel Lafon soit grandement remerciés pour ce voyage au cœur d'un pays et d'habitants très attachants et dotés d'un optimisme et d'une force qui leur permettra de se reconstruire et j'espère de se reposer un peu des diverses catastrophes qu'ils ont subies.

Voir les commentaires

Kaltenburg

Publié le par Yv

Kaltenburg, Marcel Beyer, Métailié, septembre 2010

"Qui est Kaltenburg ? Un ornithologue et chercheur en psychologie comportementale, entouré de choucas, qui fonde après la guerre un institut de recherche à Dresde [...], le père spirituel du narrateur, qui perdit ses parents pendant le terrible bombardement de Dresde. [...]

Presque au terme de sa longue carrière, celui-ci, ornithologue lui-même, se souvient de son mentor, de sa brillante réussite dans les années d'après-guerre, de sa brusque disparition après la construction du mur, mais aussi d'un chapitre de son passé plus secret et beaucoup moins glorieux." (4ème de couverture)

Que dire de ce livre, écrit par un Allemand qui n'a pas connu la guerre, mais qui est très préoccupé par le comportement qu'il aurait eu s'il avait vécu à cette période ?

Très bien écrit (traduit par Cécile Wajsbrot) ; de longues phrases ponctuées par de très rares dialogues donnent un rythme lent qui sied à la recherche de souvenirs du narrateur et à leur évocation.

Par contre, je me suis perdu dans les époques, les lieux et les personnages qui changent sans vraiment qu'on s'y attende. Beaucoup de retours en arrière, à différentes époques m'ont perturbé : je ne savais jamais trop à quelle époque se situait l'action : de nos jours ? Pendant l'enfance du narrateur ? Sa jeunesse ? Son adolescence ?

Je me suis rendu compte également à la lecture de ce livre que j'étais assez ignare en ce qui concerne les années d'après-guerre en Allemagne : les lieux et les personnages ne me sont pas familiers et l'auteur ne donne pas beaucoup d'explications, ce qui a anéanti mes quelques derniers espoirs de finir ce livre. C'est une épreuve difficile de se rendre compte de sa médiocrité au hasard d'une lecture. Bon, en fait, ce n'est pas vraiment une découverte, je cerne assez bien mes limites.

J'ai commencé ce bouquin parce que les thèmes traités me tentaient bien : Allemagne des années 30 jusqu'à nos jours, ornithologie (Marcel Beyer se livre à beaucoup de très belles descriptions d'oiseaux divers).

Trop tortueux et elliptique pour moi, malgré d'évidentes qualités d'écriture. Rendez-vous raté.

Voir les commentaires

Manuel du fumeur de pétards

Publié le par Yv

Manuel du fumeur de pétards, Didier Du Castel, Ed. Tribord, 2005

En six bouffées, Didier du Castel fait le tour de tout ce qu'on a pu dire et de tout ce qui continue à se dire sur le pétard et les fumeurs du-dit pétard.  "Le fumeur de pétards se contente de rire (trop), de parler (beaucoup), de taper le carton (mal), d'assister aux spectacles (pour les oublier ensuite), de faire la fête (sans bouger) ou de contempler (tout et n'importe quoi). Options cumulables." (p.37)

Le livre est drôle, souvent au second degré. Mais sous ses airs marrants, il fait une liste exhaustive des arguments des défenseurs de la fumette et de ceux des détracteurs du shit. Il n'en oublie aucun. On sent qu'il est très partisan, du côté des fumeurs, cela va sans dire !

Parfois, la démonstration est un peu excessive, voire tirée par les cheveux, mais le trait grossi prête plutôt à rire.

"Débats autour d'un pétard :

Ceux qui fument un pétard disent tout et n'importe quoi.

Ceux qui n'en fument pas et qui en parlent disent tout et n'importe quoi." (p.51)

Bon, maintenant laissez-moi vous expliquer pourquoi j'ai cet objet de parent indigne et d'éducateur particulièrement lamentable dans ma bibliothèque, moi, dont la profession consiste justement à m'occuper et à élever les enfants qu'on me confie. Cet été, en vacances, nous sommes allés dans la petite librairie-tartinerie du très joli village médiéval de Sarrant (32) -ça, c'est pour montrer que j'assure quand même un peu côté éducation et culture- qui propose une variété assez incroyable de livres, de tous les styles, pour tous, d'éditeurs très divers. J'y ai acheté, entre autres, un livre précédemment chroniqué, chez le même éditeur : Cours accéléré d'athéisme,  et mon fils (13 ans. Précoce ?) a trouvé que ce Manuel du fumeur de pétards le tentait bien. Comme en général, il ne lit que des livres avec images, je me suis laissé gagné par l'euphorie qu'il pourrait entamer une carrière de lecteur. Bon, il a bien aimé, mais je crois que malgré l'entretien des zygomatiques que ce livre procure, il n'a pas fait naître chez mon rejeton la passion de la lecture. Mais je n'abandonne pas la lutte !

Voir les commentaires

Cours accéléré d'athéisme

Publié le par Yv

Cours accéléré d'athéisme, Antonio Lopez Campillo et Juan Ignacio Ferreras, Ed.Tribord, 2004

"A Madrid, au printemps 2003, le Gouvernement conservateur de José Maria Aznar, affidé de Rome et très proche de l'Opus Dei, a imposé l'introduction d'un cours de religion catholique dans le cursus scolaire pendant toute la durée des études primaires et secondaires à partir de la rentrée de septembre 2004."  (p.5)

Pour les parents non croyants, les enfants pourront suivre un enseignement alternatif : "l'alternative au cours de religion catholique sera un cours de l'histoire de la religioon catholique !" (p.5)

Un peu remontés par cette entrée en force de la religion au sein de l'école de la République, les deux auteurs, athées convaincus, se lancent alors dans l'écriture de ce cours d'athéisme.

Mi-philosophique, mi-scientifique, ce livre est à la portée de tous. Il a la bonne idée d'être court, pratique et intelligible. Cours en sept leçons dont : "Le croire dans le non-croire", "La morale n'a pas besoin d'être religieuse pour être morale", "L'idée de dieu n'est plus nécessaire", ...

Les auteurs sont très calés sur toutes les religions et ne s'attaquent pas à une en particulier, mais à la religion en général. Ils ne stigmatisent pas les croyants, mais les  mettent en opposition avec les athées : la religion, c'est croire, l'athéisme, c'est raisonner. Ils considèrent les religions en déclin, parce qu'elles ne sont plus nécessaires ; nées des besoins des hommes d'expliquer  la genèse de l'univers (la cosmogonie), la science les pousse vers la désuétude. Cependant, il ne faut pas faire de la science une religion : elle n'est qu'une explication du monde.

Pour eux, les divers intégrismes sont présents et visibles pour tenter de sauver les religions : revenir à des fondamentaux archaïques pour tenter de faire peur, de culpabiliser comme l'ont été nos parents, grands-parents et parfois nous-mêmes (ça dépend de l'âge des lecteurs !)

Les auteurs disent également, ce qui confirme mes convictions, que les valeurs religieuses sont avant tout des valeurs humaines et que point n'est besoin d'être croyant pour vivre en citoyen à l'écoute et au service des autres.

"Ce qui est propre à l'athéisme, c'est sa morale laïque, dans le sens éthymologique du terme : c'est-à-dire qui appartient au peuple, sans castes." (p.6)

Un petit livre intelligent paru chez un éditeur belge, Tribord, à un prix très abordable (4€). J'espère surtout l'avoir bien compris et n'avoir rien déformé des propos des auteurs.

Antonio Lopez Campillo est docteur en physique de la Sorbonne, et Juan Ignocio Ferreras est professeur de philosophie en France, aux Etats-Unis et en Espagne.

Voir les commentaires

Le paradis des femmes

Publié le par Yv

Le paradis des femmes, Ali Bécheur, Elyzad, 2006 (Elyzad poche, 2010)

Parce qu'il rencontre Luz, une comédienne de théâtre, le narrateur, un écrivain en plein questionnement sur le sens de son métier, de sa vie, se replonge dans son histoire personnelle. De son enfance en Tunisie, dans une famille riche, son père est un des premiers avocats tunisiens, en passant par son adolescence, jusqu'à sa vie d'homme, il raconte surtout son éveil aux sens, son désir d'approcher "Le paradis des femmes". Bercé dans son enfance par les contes de sa tante Ommi Khadouja, il deviendra écrivain, jamais vraiment accepté parce que "ce n'est pas un métier" et parce qu'il écrit en français, jamais rejeté non plus, parce qu'il est du clan, de la famille.

J'ai découvert, il y a plusieurs mois les éditions Elyzad et leurs beaux bouquins. Celui-ci, dans la collection poche bénéficie d'une couverture remarquable et très réussie, comme d'ailleurs, un autre déjà chroniqué ici. Mais faire de jolis livres, n'est pas tout encore faut-il qu'il y ait du contenu. Eh bien, comme pour mes précédentes lectures élyzadiennes (une autre ), c'est encore le cas pour Le paradis des femmes. Ali Bécheur évoque des thèmes souvent évoqués dans la littérature : l'enfance, le passage à l'âge adulte, la découverte des filles, les premiers émois, l'omniprésence de la mère pendant les jeunes années, puis, la circoncision faisant du petit garçon un homme traçant sa route "dans le sillage du père et du grand-père" (4ème de couverture).

Situé en Tunisie, son roman en ressort la chaleur, la moiteur, les rites sociaux propres aux pays d'Afrique du nord, surtout dans les années 50/60, l'évolution et l'ouverture du pays après l'Indépendance, sa transformation à des fins touristiques. Et puis, thème principal de ce livre, l'amour spirituel et physique est très largement décrit par Ali Bécheur : les premières tentatives de séduction et de passage à l'acte charnel du narrateur, les rencontres de femmes, la sienne bien sûr, mais aussi ses maîtresses d'un jour ou plus. A chaque rencontre, un jeu de séduction commence. Le roman d'Ali Bécheur est très sensuel, il aligne les mots d'une manière poétique, fait de belles longues phrases donnant un rythme lent qui sied parfaitement au narrateur qui prend son temps, qui profite de ces moments de séduction.

Ci-après un extrait qui décrit bien, selon moi, l'écriture d'Ali Bécheur : "A la fin des cours, Mounir me refile un livre mince, sous le manteau, comme un album de photos cochon. Les Fleurs du Mal. L'illumination, page après page je découvre qu'on peut lire le rêve, dire l'imaginaire, le nommer, l'inventorier, rendre ses couleurs, ses irisations, ses moires, ses odeurs, toute la gamme de ses sonorités. Entendre les vers retentir en soi, longuement, jusqu'à l'imprégnation et qu'ils s'impriment dans la mémoire, gravant leur empreinte, entraînés par la musique qu'ils composent. Les poèmes se dissolvent dans le sang, viennent à la bouche de leur propre mouvement, fleurs s'épanouissant grâce à la seule force de leur vitalité. De leur désir." (p.113/114)

Armande a également beaucoup aimé ce livre, elle écrit : "L'auteur trouve des mots somptueux pour évoquer l'amour charnel, d'une poésie puissante et magnétique." J'acquiesce et j'opine et je rajoute même que j'ai la certitude d'avoir découvert un grand écrivain à la langue admirable, riche et brillante.

Voir les commentaires

L'effacement du monde

Publié le par Yv

L'effacement du monde, Eric Pessan, Ed. La différence, 2001

Un homme, marié, père d'une petite Lalie, père au foyer s'aperçoit un jour qu'il oublie des mots. Et puis, de jour en jour, il perd l'usage du français, parlé, lu et écrit. Il s'exprime dans ce qu'il appelle une nouvelle langue qui n'est qu'un charabia compréhensible de lui seul. Mais il est persuadé, au départ que ce sont les autres qui ont changé et pas lui. Dès lors, comment vivre avec les autres ? S'il réussit à cacher sa différence à sa femme, universitaire très absente du foyer pour cause de travail, aux autres personnes avec qui il n'a que peu de relations, sa fille Lalie le regarde bizarrement et ne le comprend plus.

Roman fin et très maîtrisé qui pose des questions importantes, essentielles : qu'est-ce-que le langage, la communication ? Peut-on vivre sans communiquer ? Quelle importance ont les mots ?  Le langage est-il inné ? Tout le monde y a-t-il accès ?

"L'oubli de la genèse est-il inscrit dans le processus d'apprentissage de la lecture et de l'écriture ? Est-il une condition au bon fonctionnement de nos capacités ?

Cette journée passée à espionner les plus petits m'avait fait constater que j'apprenais des choses, que je ressentais comme naturels des processus qui ne l'étaient pas. Jamais je n'avais touché de manière aussi tangible la réalité de l'école." (p.59/60)

Dans ce roman superbement écrit, Eric Pessan choisit et pèse chaque mot, chaque phrase. Il maîtrise totalement sa langue et il ressort de ce livre une atmosphère pesante, lourde. Ce n'est tout de même pas rien de perdre le moyen de communiquer avec autrui.

Une intrigue et un roman qui tiennent la route ; une idée originale, un brin "fantastique" ou flirtant avec une irréalité qui pourrait être réelle, c'est vraiment un livre à découvrir. L'auteur que j'ai découvert il y a quelques années avec d'abord le très bon roman : Les géocroiseurs (lu avant la naissance de ce blog, et donc non chroniqué) et avec L'écorce et la chair, livre original et particulièrement soigné, est un auteur que vous ne pouvez plus rater maintenant que je vous en ai parlé.

Voir les commentaires

Un rude hiver

Publié le par Yv

Un rude hiver, Raymond Queneau, L'imaginaire Gallimard, 1939 (renouvelé en 1966)

"Il ne se passe apparemment pas beaucoup de choses dans Un rude hiver : un réactionnaire plein de rancœurs va déjeuner chez son frère, se promène au bord de la mer avec une Anglaise en uniforme, et emmène au cinéma deux enfants qu'il a rencontrés dans un tramway.

La première fois, je me suis émerveillé de cette histoire tranquille en me demandant comment elle faisait pour m'émouvoir.

Depuis, à chaque relecture, je découvre un détail auquel je n'avais pas prêté attention [...]

Aucune de ces découvertes n'est vraiment originale [...] mais, de surprise en surprise, de découverte en découverte, Un rude hiver, pour moi, s'achemine doucement vers l'inépuisable." Georges Perec (4ème de couverture)

Pas facile de dire quoi que ce soit après ce compliment de Perec à Queneau, mais comme on ne joue pas vraiment dans la même cour, je ne prends aucun risque à passer derrière eux.

C'est un roman dont l'action est située au début de la première guerre mondiale, dans ces moments où les Français croient encore à une victoire facile et à une guerre à l'issue -favorable, il va sans dire- rapide. Le héros, Lehameau, blessé dès le tout début du conflit traîne sa carcasse et son air blasé dans les rues du Havre. Il côtoie la bonne société havraise, son frère notamment, mais ne rechigne pas à se promener dans les quartiers pauvres, ce qui n'est pas bien vu de sa famille et de ses relations. Il converse dans le salon de son frère et de sa belle-sœur, mais ses opinions, qu'il exprime au grand dam des invités, vont à l'encontre de celles des autres convives.

Comme le dit Georges Perec, il ne se passe pas grand chose. Entendez par là, qu'il n'y a ni meurtre, ni hémoglobine, ni action tumultueuse. Juste le plaisir de lire du Queneau. C'est tout ! Chez  cet écrivain, tous les mots sont pensés, pesés et placés là où il faut. Même ceux dont on peut  se demander pourquoi il les a mis là ou pourquoi il les orthographie ainsi. Un rude hiver n'est pas un roman drôle comme certains de Raymond Queneau, même si certains passages valent de larges sourires. C'est un beau roman, mélancolique. Assez différent de ce que je connaissais déjà de cet auteur, mais je crois que ça, je le dis à chaque fois que je lis du Queneau, ce qui prouve qu'outre son immense talent d'écrivain, il savait se renouveler. Queneau est pour moi l'un des plus grands écrivains français. Celui, qui après des classiques du 19ème siècle, m'a donné le goût de la lecture, je dirais même le goût des mots. J'adore sa façon de franciser les mots étrangers -anglais pour la plupart-, de triturer la langue, de tordre, de transformer mots et phrases, de jouer des répétitions. Dès que je trouve un bouquin signé Queneau que je n'ai pas lu, je ne peux pas résister, je plonge, et à chaque fois avec bonheur. Et souvent, je pousse même la "fan-attitude" jusqu'à relire mes acquisitions queneauïennes. Plusieurs fois pour certaines !

Assez peu connu et quasiment pas chroniqué sur les blogs, je ne peux que vous conseiller Un rude hiver, vous passerez un merveilleux moment.

Voir les commentaires

La vengeance du comte Skarbek

Publié le par Yv

La vengeance du comte Skarbek, Yves Sente et Grzegorz Rosinski, Dargaud, 2004 et 2005 (2 volumes)

Le comte Skarbek arrive à Paris joliment accompagné de Violette, sa servante noire. Auréolé de mystère, il rend visite au banquier Ferrat, puis se fait présenter aux riches et influents notables, dont le marchand d'art Daniel Northbrook. Il semble très intéressé par les oeuvres du peintre Louis Paulus, disparu une dizaine d'années auparavant et dont Northbrook se dit l'unique vendeur. Bientôt, Mieszko Skarbek rencontre deux autres passionnés de Paulus et leur révèle que Northbrook les escroque en leur faisant croire qu'il possède l'intégralité des tableaux de ce peintre et en montant donc les prix. Car lui, Skarbek possède 227 toiles de Paulus et peut faire couler la cote du peintre quand il peut. Commence alors la vengeance du comte contre Northbrook.

Histoire qui rappelle celle du comte de Monte-Cristo et que, très habilement, le scénariste, Yves Sente signale comme antérieure à celle d'Alexandre Dumas. Celui-ci se serait même inspiré du comte Skarbek pour écrire son fabuleux roman. L'idée de base est évidemment la même et je trouve intéressant d'oser adapter une histoire si connue avec des personnages, un milieu, et des rebondissements différents. Le second tome s'éloigne un peu du modèle pour créer quelques surprises bienvenues.

Contrairement à Lystig, qui m'a donné l'envie de (re)lire cette bande dessinée, j'ai beaucoup aimé les dessins de Grzegorz Rosinski, assez sombres, qui rajoutent du mystère et servent idéalement l'ambiance lourde. La palette est large et chaque case est un petit tableau à elle seule. Sans être un chef d'oeuvre absolu, voici une BD qui se laisse lire et regarder avec énormément de plaisir.

Voir les commentaires

Ce soir je vais tuer l'assassin de mon fils

Publié le par Yv

Ce soir je vais tuer l'assassin de mon fils, Jacques Expert, Ed. Anne Carrière, 2010

Première scène, Antonio Rodriguez se prépare pour aller tuer l'assassin de son fils. Seconde scène, Jean-Pierre Boulard, N°2 de l'entreprise dans laquelle travaille Rodriguez, au volant de sa voiture renverse un enfant à vélo. Il a bu quatre pastis avec des copains et de peur des ennuis qu'il court, il ne s'arrête pas. Le lendemain, il apprend que le petit est mort. Ce petit, c'est Victor, le fils de Rodriguez. Tout l'enjeu pour Boulard est de ne pas se faire prendre, et pour Rodriguez, de retrouver l'assassin de son fils.

Dans ce roman, Jacques Expert fait parler quatre personnes : Jean-Pierre Boulard et sa femme Christine, Antonio Rodriguez et sa femme Sylvia. Chacun révélant des indices, des éléments sur les uns ou les autres. Le couple Boulard est à la limite de la caricature, sans doute un peu trop pour être réellement crédible. Lui, en beauf, arriviste et opportuniste et elle en femme délaissée et vengeresse, qui déteste son mari et qui n'aime pas beaucoup ses enfants qui le lui rendent bien. Les Rodriguez vivent dans leur chagrin et ne réussissent à le surmonter que grâce à l'espoir que leur procure la vengeance et la future mort -inévitable pour eux- de l'assassin de Victor. Ils respirent malgré la douleur, s'éloignent l'un de l'autre, mais leur amour et la haine envers l'assassin de leur fils les aide à tenir.

J'ai déjà lu de cet auteur, La femme du monstre qui m'avait fait un fort effet. Là, la surprise ne joue plus, la construction du livre est à peu près la même et les "méchants" sont faciles à haïr, autant le coupable que sa femme qui veut protéger sa petite vie plutôt que de souffrir le déshonneur et la honte d'être mariée à un monstre. Ce livre est beaucoup moins fort et dérangeant que La femme du monstre, même si l'auteur situe son intrigue autour d'un fait divers particulièrement cruel : la perte d'un enfant dans des conditions terribles.

Au début, lorsque Boulard s'exprime, j'ai senti une grosse faiblesse stylistique, mais peut-être est-ce dû à la limitation intellectuelle du narrateur ? Toujours est-il que ce n'est pas le style littéraire de l'auteur qui emportera l'adhésion. Néanmoins, je dois dire qu'à travers des phrases simples, directes, sans fioriture, Jacques Expert sait créer un suspense efficace. Lorsque j'ai commencé son livre, j'ai su tout  de suite qu'il fallait que j'arrive au bout vite, très vite. Et ce qui est bien, merci M. Expert, c'est qu'il se lit rapidement. Un après-midi pluvieux ou gris cet été, ou après, puisque la saison se termine ? Voici un livre pour ne pas voir le ciel menaçant, puisque les yeux resteront sur les pages, et pour faire passer cette demi-journée prestement.

Voir les commentaires