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La petite

Publié le par Yv

La petite, Michèle Halberstadt, Albin Michel, août 2011

""J'ai 12 ans et ce soir je serai morte"

Méfiez-vous des enfants sages..." (4ème de couverture)

L'accroche est simple, directe, franche. Personnellement j'ai choisi le livre sur cette quatrième de couverture, car si je connaissais l'auteure pour l'avoir vue à la télévision, il y a quelques années, je ne l'avais jamais lue.

En fait, cette phrase terrible est la première du roman. Vous voulez la suite ? Ah, je sens votre impatience, alors, la voilà :

"J'ai douze ans, et ce soir, je serai morte.

Ce matin, j'ai vidé les tubes de somnifères et tous les médicaments que Maman range en haut du placard de la salle de bains pour éviter qu'on y touche. Il m'a fallu cinq grands verres d'eau pour tout avaler. Ensuite, j'ai mangé une tartine, bu mon jus d'orange, et je suis partie à l'école.

Je n'ai rien dit à personne. Je ne suis ni abattue ni surexcitée. Je me sens sereine, comme on l'est quand on fait ce qu'on a vraiment envie de faire. Et moi, j'ai envie de disparaître." (p.11)

C'est le premier paragraphe, ensuite, l'auteure déroule la journée de la jeune fille. Puis, la partie suivante explique le cheminement de la demoiselle pour en arriver à ces extrémités. Pas difficile de saisir qu'elle est mal dans sa peu, mal dans sa vie. Seule, sans amie, se sentant délaissée par sa famille. Sauf son grand-père avec lequel elle a une relation forte. Ils s'adorent : il lui fait découvrir la vie, l'amour que l'on peut donner à autrui et recevoir. Mais il meurt, relativement jeune, la laissant seule, totalement désemparée. "Il était facétieux, impérial. Il comprenait tout et je pouvais lui confier des secrets effrayants dont il n'aurait pas songé à se moquer. Il ne jugeait pas, ne condamnait jamais et, mis à part les bonnes manières sur lesquelles il était intransigeant, il avait la pardon facile" (p.37)

Difficile d'en dire plus lorsque l'accroche du livre ne se fait que sur une phrase aussi lapidaire. Assez difficile également de dire le ressenti après lecture. D'un côté -le moins bon- j'ai lu l'histoire d'une jeune fille qui va mal, comme j'en ai déjà lu quelques unes -et encore, je ne suis pas "spécialiste" du genre ! Rien de plus. Rien de moins. Rien de bien nouveau.

D'un autre côté, j'aime bien l'angle pris par Michèle Halberstadt, à savoir, faire de la jeune la narratrice, mais sans tomber dans l'exercice facile et puéril de la faire parler comme une ado typique- si tant est qu'il y ait un langage ado typique ! Elle se déteste, se trouve moche et inintéressante et depuis que son grand-père n'est plus là, personne ne la contredit :

"A quoi bon vivre quand on craint à ce point d'être soi-même ?

J'avais peur de tout. Des baisers des garçons, du jugement de ma tante, du rire de ma sœur, du regard de ma mère.

Il n'y avait qu'avec mon grand-père que je n'avais peur de rien.

Ce soir-là, en éteignant la lumière, j'ai pensé pour la première fois qu'il serait doux de le rejoindre." (p.92)

Le roman est court (148 pages) et ne tombe pas dans la psychologie de comptoir -merci, merci. Il est bien écrit : les extraits que je cite sont assez représentatifs du style de l'auteure : clair, net, rapide, franc et direct. J'aime bien lorsque les écrivains vont au cœur des choses et de leurs personnages rapidement, sans tergiverser, même si parfois tergiverser n'est pas mal non plus.

A la lecture, j'ai eu l'impression du regard d'une adulte sur ce qu'elle eut pu être et ce qu'elle eut pu faire adolescente. Une sorte de mise au point sur une idée -ou un passage à l'acte- des années plus tôt. Pas forcément une autobiographie, mais une vieille pulsion enfouie depuis des années qui remonte à l'esprit, et qui loin d'inciter au passage à l'acte fatal, incite à l'acte de création artistique, littéraire pour le coup. (Ouah ! Là, je crois que je suis super bon sur ces dernières phrases, peut-être totalement à côté de la plaque -mais seule Michèle Halberstadt peut me contredire ou au contraire me dire que j'ai raison-, mais mon analyse -qui se rapproche très dangereusement de la psychologie de comptoir que je dénonçais juste au-dessus- me plait bien. Alors je la garde.)

Roman pas révolutionnaire mais sensible, juste, touchant avec une petite héroïne attachante à qui l'on aimerait dire qu'elle a encore plein de choses à dire et à accomplir et que la solution qu'elle choisit nous privera de sa charmante compagnie.

Merci à Flora et Paola -deux filles pour moi tout seul, je suis gâté- des éditions Albin Michel pour mon premier roman de cette rentrée littéraire qui sort aujourd'hui même.

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The reader

Publié le par Yv

The reader, Stephen Daldry, 2009

Et me revoilà dans le cadre du comité de lecture de la bibliothèque municipale, ce mois-ci lecture et cinéma. Je viens donc de visionner The reader, tiré du livre de Bernhard Schlink, Le liseur. J'ai lu ce roman il y a quelques années sur les conseils d'un ami. Quel beau conseil d'ailleurs. J'ai beaucoup aimé, l'histoire, la complexité des personnages, le contexte, tout quoi. Pas commenté sur mon blog parce que lu bien avant son ouverture.

Comme ce roman est encore très présent, je suis passé directement au visionnage du film. Trois parties, la première raconte l'histoire d'amour entre Michael et Hanna, la seconde parle du procès des femmes gardiennes de camps, dont Hanna et la dernière de l'après procès. Pour être franc, j'ai trouvé la première partie un peu longuette. Je dis longuette, parce que c'est un peu moins fort que "longue" -enfin, c'est mon ressenti très personnel. D'aucuns lui trouveront au contraire une intensité plus forte que "longue". Tout ça pour dire que sur ce film qui dure presque deux heures, quelques minutes auraient pu être gagnées -par le spectateur- pour aller aux toilettes, pour se faire un sandwich, que sais-je ? Tout cela à condition bien sûr de voir le film en DVD, je déconseille de se faire un sandwich au cinéma ou d'aller aux toilettes en pleine séance sous peine de ne pas retrouver son siège.

Par contre les deux autres parties sont passionnantes, le procès montre bien le dilemme de Michael et d'Hanna. La difficulté à surmonter pour l'une sa honte et pour l'autre l'affection, l'amour qu'il a pour cette femme et la manière dont elle a chamboulé sa vie.

Excellents acteurs, Kate Winslet en tête, mais aussi David Kross ( Michael jeune) ou encore Ralph Fiennes (Michael moins jeune). Des jeux d'acteurs tout en finesse et en pudeur pour montrer des sentiments forts et réels. Néanmoins on ne tombe pas dans la larme facile.

Un film, qui comme le livre, bouleverse. Et même s'il est un peu différent dans la forme, dans la narration de son modèle écrit, il réussit à faire réfléchir sur la nature humaine, sur la responsabilité, sur la culpabilité. Enfin, sur plein de thèmes importants et graves. Film et livre intelligents. A voir, à lire, à faire voir et à faire lire.

Le liseur, Bernhard Schlink, Gallimard, 1996

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On n'arrête pas la connerie

Publié le par Yv

On n'arrête pas la connerie, Jean Yanne, Le cherche midi, 2007, 2009, 2010

"Toute sa vie, Jean Yanne a été captivé par la connerie. Plus fascinante encore que l'intelligence, parce que sans limites, elle a été sa grande passion. Doué d'un véritable génie pour la débusquer dans ses manifestations les plus variées, les plus discrètes comme les plus éclatantes, il remarquait : "J'ai la faculté d'assimiler la connerie ambiante comme les abeilles butinent les fleurs et prennent le pollen pour en faire leur miel."

Cette intégrale des textes, répliques et pensées de Jean Yanne, agrémentée de nombreux inédits, représente quelques-uns des grands moments de la lutte incessante et nécessaire contre la connerie menée par l'un de ses opposants les plus fidèles et les plus spirituels." (extraits 4ème de couverture)

Lorsque j'ai vu ce livre en vitrine, l'an dernier, je me suis dit qu'il devait absolument rejoindre ma bibliothèque personnelle. Quelques mois ont passé et le voilà donc atterri à la maison. Vous connaissez tous Jean Yanne, le beauf, le mal dégrossi, le vulgaire, le grossier, le râleur, le cynique, l'ironique, le "j'me fous de tout", le mal embouché, le vilain, le taquin, l'acteur qui jubile à faire des gens pas sympathiques : toutes ces images -et d'autres- lui collent à la peau, et il n'a rien fait pour s'en défaire. Au contraire. A chaque fois, il en a rajouté une louche. Mais bien sûr, c'est sa façade d'homme public, son personnage. Il prouve dans ce livre qu'il est drôle, extrêmement cultivé, qu'il écrit vachement bien, et qu'il a un don pour trouver la réplique qui fait mouche. Il remet une petite couche de mauvaise foi, de beaufitude, de misogynie, de misanthropie et qu'est-ce qu'on se marre ! Des exemples ? Je sens que vous piaffez. Allez, je vais être bon, je vais vous en mettre quelques uns, dont un premier qui aurait pu aller dans la bouche d'Eva Joly récemment :

"- Les institutions, les rites, les traditions... vraiment pas pour moi, j'ai beau me forcer, le 14 juillet, ça n'évoque rien... Noël non plus, la République, la patrie, le sens du devoir. Toutes ces conneries n'évoquent absolument rien pour moi.

- Alors, à quoi êtes-vous sensible ?

- Au camembert." (p.15)

"Le vocabulaire évolue. A travers la presse en particulier. Aujourd'hui, un avion ne "s'écrase" plus, il "s'abîme". A ce rythme-là, les morts s'en sortiront bientôt avec seulement quelques égratignures." (p.59)

"Le Viagra, ils devraient le faire prendre en suppositoire, ça doublerait le plaisir de certains." (p.60)

Attaché à la bonne bouffe et au plaisir en général, je ne suis pas sûr qu'il appréciait les hamburgers :

"Je serais à la place des agriculteurs qui déposent du fumier devant les McDo, je me méfierais parce que les gérants vont finir par croire qu'il s'agit d'une livraison." (p.70)

Misogyne je disais plus haut, mais pas que :

"Vivre en couple : je ne vois pas pourquoi je sacrifierais l'admiration de milliers de femmes au sens critique d'une seule." (p.113)

"-Jean, vous auriez aimé être une femme ?

- Oui.

- Pourquoi ?

- Déjà, parce que ça m'aurait évité d'en avoir une." (p.114)

" Il ne m'est jamais venu à l'esprit de traiter les femmes comme mes égales. Quelle femme aimerait être traitée comme l'égale d'un gros barbu, vieux et soupe au lait ?" (p.115)

Mais Jean Yanne n'a pas écrit que ces aphorismes, ces blagues ; il a aussi écrit des chansons, des textes, notamment des contes, drôles, cruels et loufoques que je ne me risquerais pas à lire à de très jeunes têtes blondes ou brunes ou rousses ou auburn ou ... autres avant de les endormir. Il a été bien sûr acteur et réalisateur.

Je pourrais vous citer encore plein de passages, des petites phrases, des extraits de textes -sa version du Petit Poucet vaut le détour- mais le mieux, c'est d'aller feuilleter ou carrément lire ce gros livre de 495 pages qui se picorent comme ça entre deux lectures différentes. Une petite dernière -que j'affectionne particulièrement- pour la route, idéale pour les sujets aux maux des transports, dont je suis :

"Les rares fois où j'ai pris un bateau, j'ai exigé qu'on ne me serve à manger que de jolies choses. Parce que j'étais sûr de les revoir rapidement." (p.128)

Jean Yanne (1933-2003)

 

rire-copie

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Joséphine

Publié le par Yv

Joséphine, Pénélope Bagieu, Ed. J-C Gawsewitch, 2008 (tome 1), 2009 (tome 2), 2010 (tome3)

Joséphine est une jeune femme au gros fessier et petits seins, complexée, un brin timide et décalée qui rêve du grand amour. Ses parents (sa mère surtout) n'apprécient pas vraiment son mode de vie de célibataire, sa sœur étant déjà mariée avec un homme plein d'avenir et, rendez vous compte, elle est mère de famille, elle !

Archétype de la célibataire urbaine de ce début de vingt-et-unième siècle, Joséphine ne vit pas très bien sa solitude. Alors, certes, elle a des amis qui l'entourent et la supportent, mais bien sûr, ça ne lui suffit pas. Il lui faut un mec, le Prince Charmant quoi ! Oh, elle en trouve, mais des inattentifs ou des mariés. Elle s'en lasse ou ils se fatiguent, toujours est-il qu'à chaque fois Joséphine se retrouve seule. Enfin, pas tout à fait, puisque Bradpitt lui tient chaud et compagnie. Bradpitt, écrit comme cela, c'est son chat.

BD dont on dit un peu partout qu'elle fait un tabac auprès des femmes. Ah, mince, me voilà encore en dehors de la cible. Décidément, il va falloir que je consulte ou que je fasse un dosage de mes hormones mâles et femelles : un boulot de fille, et maintenant des lectures de fille. Bon, c'est promis, si je découvre quelque chose, je fais mon coming-out ici, sur ces pages ! (C'est bon pour le buzz, ça !)

A moins, explication plus plausible -enfin, je dis ça pour me rassurer sur ma virilité-  que ces messieurs ne lisent les exemplaires de leurs femmes ou de leurs copines en cachette. Voilà, c'est ça ! Et y'a que moi qui ose le dire, dussé-je pour dire la vérité en rabattre sur ma masculinitude (masculinité eut été plus correct ? Ah oui ? Tant pis, je garde, il y a des exemples des mots en "tude" en haut lieu) ! Bon, allez, j'arrête mon quart d'heure perso pour revenir à Joséphine.

Bien que je sois donc un garçon, j'ai bien aimé cette BD. D'abord, je trouve Joséphine drôle, attachante, énervante, égoïste, malheureuse, touchante, maladroite, de mauvaise foi, tout ce qu'on aime chez les filles quoi ! (c'est mon côté masculin qui reprend le dessus. Enfin ! Ouf, rassuré.) Les situations dans lesquelles elle se trouve ou dans lesquelles elle se met elle-même sont amusantes, parfois douces-amères, mais elle s'en sort toujours, pas forcément bien, me direz-vous. Certes, mais elle s'en sort pour se remettre dans une autre situation tout aussi loufoque ou drôle.

PS : j'ai trouvé la photo de l'intégrale sur le site de l'éditeur (ici), pour ma part, j'ai pu lire les trois tomes rapidement parce qu'ils étaient tous les trois disponibles à la bibliothèque municipale. Et en plus, l'auteure, elle a un blog aussi : c'est !

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Le démon dans ma peau

Publié le par Yv

Le démon dans ma peau, Jim Thompson, Gallimard, 1966 (Folio, 2010)

Lou Ford est adjoint du shérif à Central City, une petite ville du Texas qui s'est agrandie ces dernières années grâce au pétrole. Lou est un malade, un psychopathe qui n'hésite pas à tuer sa maîtresse -une prostituée- et Elmer Conway, le fils du plus riche et plus influent homme de la ville. Tout cela pour se venger de celui-ci qu'il considère être à l'origine de la mort de son frère Mike.

La bibliothèque municipale que je fréquente s'est dotée d'un comité de lecture dont je fais partie et qui nous voit nous réunir régulièrement autour de lectures communes sur un thème donné. Le précédent était la littérature italienne. Le prochain, que je prépare activement, est : littérature et cinéma. Un livre à lire et le film tiré de ce livre à visionner. J'ai déjà vu le formidable Persépolis, et là, je m'attaque donc à un polar étasunien, d'un écrivain un peu délaissé de son vivant et redécouvert au point d'être soi-disant devenu un classique.

Le livre : j'ai eu du mal à me sentir bien dans ce roman : la narration ne me convient pas, les personnages ne sont pas du tout attachants ni sympathiques -mais, bon, ça, c'est secondaire, parce qu'avec des personnages antipathiques, on peut faire de bons romans. Mais surtout, je n'y entends rien. L'enquête menée par dialogues interposés n'aide pas à ma compréhension ; certains détails importants me sont totalement passés au-dessus. Et puis, quelques flashbacks censés expliquer le comportement de Lou l'opacifient un peu plus. 

N'aimant pas voir un film puis lire le roman ensuite, je me suis quand même demandé s'il ne valait pas le coup de visionner le DVD pour ensuite, éventuellement, retourner au roman avec des explications.

The killer inside me, de Micheal Winterbottom, 2010

Le film : très très fidèle au roman, je vous laisse donc deviner quelle fut ma déception ! S'il explique certains détails mal compris dans le roman -par moi uniquement sans doute !-, il complique encore plus les flashbacks, totalement incompréhensibles. Casey Affleck qui joue le rôle de Lou Ford est coincé, imperturbable à le même visage lisse de bout en bout ; je ne saurais dire si c'est une performance, un plus pour le film et le rôle ou une marque de désintérêt total ou pire, un acteur pas très bon. Les filles, Jessica Alba et Kate Hudson (je vous donne les noms des acteurs et actrices, mais c'est pour vous, moi, je n'en connais aucun !) sont jolies et peu vêtues. Tout cela ne suffit pas à me captiver. Non pas que je n'aime pas regarder de jolies filles peu vêtues, mais il en faut un peu plus pour me retenir derrière mon téléviseur. Ou alors pas vêtues du tout ? Peut-être, mais là, c'est ma vie privée, alors si vous permettez, je vais m'arrêter là avant d'en dire trop et de passer pour un vieux satyre. Et d'abord, je ne suis pas vieux !

Allez, je referme le tout, roman et DVD, je retourne à la bibliothèque voir si un autre ensemble film+livre est disponible.

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Les trois lumières

Publié le par Yv

Les trois lumières, Claire Keegan, Ed. Sabine Wespieser, 2011

Parce que sa mère est enceinte, une petite fille est confiée à un couple sans enfant, le temps que ses parents puissent faire face à la future naissance. Elle arrive donc chez les Kinsella et s'y sent rapidement bien. Ce couple de fermiers l'accueille et la vie tourne autour d'elle, dans la campagne profonde irlandaise.

Très beau petit roman d'une centaine de pages. Très fin. On suit la petite fille, on voit par son œil, c'est elle la narratrice. Elle s'étonne de certaines attitudes et de certains comportements des adultes : ses parents comme les Kinsella. Petit à petit, le lecteur découvre et apprend l'histoire de ses hôtes. Tout en douceur, tout est suggéré, puis confirmé parfois brutalement au détour de la jalousie et des ragots d'une voisine.

Dans une langue simple, directe, sans artifice, Claire Keegan décrit le pays, les maisons, les personnages :

"Elle m'emmène dans la maison. Il y a un moment très sombre dans le couloir ; alors que j'hésite, elle hésite avec moi. Puis nous passons dans la chaleur de la cuisine où il faut que je m'assoie, que je me mette à l'aise. Sous l'odeur de pâtisserie, un désinfectant, un produit javellisé pointe. Elle retire du four une tarte à la rhubarbe qu'elle pose sur le plan de travail pour la laisser tiédir : du sirop bouillonnant prêt à déborder, de fines feuilles de pâte sculptées dans la croûte. Un courant frais souffle par la porte mais ici tout est chaud, tranquille et propre. De grandes marguerites sont immobiles comme le grand verre d'eau dans lequel elles se dressent. Il n'y a de trace d'enfant nulle part." (p.14)

Pas de mot de trop, mais une grande sensibilité. De la pudeur, de la retenue. Néanmoins les (grands) sentiments sont bien là, universels.

Une heure ou une heure trente de lecture, pour ma part allongé dans le hamac, à l'ombre du mimosa pour la tête et du cerisier pour les pieds. Une fin de samedi après-midi d'été ensoleillé -l'un des premiers de cette saison cette année. Une soirée qui commence donc bien grâce à un livre qui, bien qu'il ne traite pas forcément d'un sujet drôle, rend optimiste et donne le sourire -oui, je sais que vous allez dire qu'il m'en faut peu ! Eh bien oui, je l'avoue, je suis de nature optimiste ! Manquerait plus qu'un apéro suive, dans le jardin, puis une collation et la soirée finirait aussi bien qu'elle a débuté.

D'autres lecteurs et lectrices qui partagent cet avis : Clara, Jérome, Moustafette.

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Le serment des Highlands

Publié le par Yv

Le serment des Highlands, John-Erich Nielsen, Ed. Head over Hills, 2011

Archie Sweeney est inspecteur à Edimbourg. Il passe des vacances dans les Highlands, bien décidé à faire des randonnées, à grimper dans le massif du Kintail. Mais son travail et sa curiosité vont le titiller lorsqu'il apprend de ses hôtes que sept disparitions ont eu lieu depuis deux ans en lien, selon les gens du village avec la légende du dragon anglais -un militaire, pas l'animal cracheur de feu !- qui s'est perdu dans la brume en 1719, en poursuivant des Highlanders rebelles. Piqué au vif, il décide donc d'aller à la pêche aux informations.

Huitième enquête de cet inspecteur, que personnellement je découvre grâce au partenariat avec Les Agents Littéraires. Nous voilà donc en plein cœur de l'Ecosse en compagnie de l'inspecteur Sweeney et de sa tante Midge -qui l'a élevé depuis la disparition de ses parents lorsqu'il avait 5 ans. La légende et les paysages sont présents, oppressants. Les habitants pas très causants, voire franchement hostiles.

"Par ici, dans les Highlands, les gens entretiennent un tas de croyances saugrenues. En plus, avec le loch Ness dans les parages, et tous ces farfadets ou autres lutins qui gambadent sur la lande, il faut s'attendre au pire !" (p.32)

L'intrigue tient la route du début à la fin, laissant traîner un mystère, subsister une once d'irrationnel. Tout cela donne un roman policier très agréable. Très ancré dans la réalité et dans l'époque moderne par les moyens mis en oeuvre mais en même temps totalement décalé et un brin désuet grâce à des personnages -Sweeney et sa tante notamment- qui semblent ou anachroniques (et qui le seraient probablement dans toutes les époques) ou intemporels, ou un peu des deux, si cela est possible. Les lieux sont tellement empreints de légendes qu'ils servent également cette impression d'intemporalité. Pour ancrer son héros dans notre époque, l'auteur lui fait utiliser un portable ou toute sorte de moyens de communication modernes. Néanmoins, il lui laisse un mystère dans sa manière de résoudre les enquêtes : ".. tout m'est venu d'un coup. Ça marche toujours comme ça. [...] Oui, je fonctionne comme ça, [...]. Tout m'apparaît en une seule fois, comme si un film me passait à travers la tête. Et après, je sais que tout colle... Ma tante dit que c'est une forme particulière d'intuition." (p.238)

Cette sensation d'être toujours entre deux époques est un plus, donne un charme indéniable au roman.

Loin des polars hémoglobineux, trash, rapides et violents. A rapprocher plutôt des romans policiers d'Exbrayat, d'Agatha Christie ou, plus récemment, des excellentes enquêtes de Viviane Lancier -ici et - de Georges Flipo. A mettre donc entre toutes les mains, devant tous les yeux, même ceux des lecteurs occasionnels, voire très occasionnels : j'en ai un spécimen à la maison et je vais lui proposer cette lecture de ce pas.

L'écriture de John-Erich Nielsen est sobre, efficace, va droit au but. Non dénuée d'humour, elle concourt bien entendu à la réussite du livre et au plaisir évident du lecteur à suivre les aventures de l'inspecteur à la barbe rousse hirsute et toujours muni de son sand wedge (club de golf).

Si j'ajoute à tout ce que je viens d'écrire encore trois informations importantes, vous ne pourrez que réserver votre prochain voyage -immobile- dans les Highlands :

- premièrement, l'éditeur a un site sur lequel on peut en savoir plus sur l'inspecteur Sweeney et sur ses enquêtes précédentes : Head over Hills

- deuxièmement, les livres sont très abordables, de format poche, à 4.90€ sur le site susnommé (mais 5.45€ sur la quatrième de couverture)

- troisièmement, je me coltinerais bien les aventures précédentes de Sweeney moi, il me plait bien cet inspecteur et sa tante Midge aussi !

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Homo erectus

Publié le par Yv

Homo erectus, Tonino Benacquista, Gallimard, 2011

A Paris, il existe un groupe de parole masculin : des hommes qui sans se connaître, se rencontrent le jeudi soir et parlent des femmes, de leurs relatons à elles. Attention, pour faire partie de ce groupe, il ne faut point être heureux en ménage, il faut avoir vécu ou continuer de vivre des amours douloureuses, malheureuses voire maudites. Dans ce groupe secret, chacun est invité à monter à la tribune raconter son histoire.

J'ai craint un moment que Tonino Benacquista ne nous inonde de témoignages, de listes de pratiques sexuelles diverses et de dévergondages et malheurs nombreux. Mais il est rusé et il sort du groupe trois hommes totalement opposés pour brosser leurs portraits et à travers eux faire le point sur les hommes modernes. Philippe Saint-Jean, sociologue-philosophe, prompt à tout intellectualiser, incapable de se débarrasser de son carcan de chercheur et de scrutateur de la société. Denis Benitez, "serveur dans une brasserie", qui sait deviner les femmes rien qu'en les voyant, mais qui voit petit à petit sa libido et son capital relationnel diminuer voire disparaître. Yves Lehaleur, ex-heureux en ménage : sa femme l'ayant trompé avec un strip-teaser, ne pouvant pardonner, il la quitte, prêt à vivre d'autres expériences.

J'ai été un peu dérouté et pas vraiment passionné par la première partie du bouquin qui raconte le groupe de parole, qui étale les vies et pratiques des uns et des autres, excepté le témoignage d'un homme qui vient d'accompagner sa femme dans ses derniers instants :

"Après plusieurs semaines de soins palliatifs à l'hôpital de Villejuif, sa femme venait de mourir dans ses bras. il raconta l'événement comme s'il s'agissait d'une adolescence inversée, à cette époque de la vie où tout est une "première fois" : la première cigarette, la première lettre d'amour, le premier baiser. Dans cette chambre aseptisée, sa femme et lui venaient de vivre une douce et belle série de dernières fois, le dernier rire à deux, le dernier verre d'alcool, le dernier baiser. Il lui avait lu in extenso le roman d'un auteur qu'elle appréciait : le tout dernier livre de sa longue vie d'ardente lectrice." (p.15)

J'ai néanmoins continué ma lecture et bien m'en a pris, parce que lorsque T. Benacquista commence à s'intéresser à ses trois personnages principaux, il les décrit joliment. On entre en eux, en leurs pensées et en leurs désirs des plus simples aux plus inavoués. Chacun peut bien sûr représenter une part de ce que nous sommes, nous pauvres hommes. Chacun en prend pour son grade, mais les femmes aussi, ouf ! Mais jamais méchamment. Tonino Benacquista aime ses personnages et n'a pas l'air d'être misanthrope ni misogyne, bien au contraire. Tous, malgré leurs défauts ont une porte de sortie, un moyen de devenir si ce n'est meilleurs, au moins plus proches, plus à l'écoute des autres et d'eux-mêmes. C'est plutôt notre société qui est égratignée, critiquée, la consommation à outrance, le besoin d'images, la reconnaissance par ce que l'on montre et non parce que l'on fait ou par qui l'on est : "A l'inverse, ce Grégoire, qui redoutait tant de se lier à une femme, non parce qu'elle se prostituait, mais parce qu'elle était grosse, résumait à lui seul une époque décadente où les interdits et les tabous n'étaient plus dictés par la morale mais par les impératifs du profit et la hantise d'un ridicule médiatique" (p.230)

Néanmoins et sans doute dans le but d'étayer la critique de cette société, on n'échappe pas aux clichés sur le couple formé par le philosophe-penseur, loin du vrai monde et par la top modèle aux mensurations parfaites ne vivant que par et pour son image, incapable de lire un article un peu sérieux, mais finalement pas si bête que cela. Un peu agaçant, mais surmontable.

D'aucuns pourront dire que la fin est un peu bâclée ou trop souriante ou trop prévisible, une sorte de happy end où tout le monde aurait sa rédemption. Peut-être ! Sûrement même ! Mais autant je ne suis pas preneur habituellement  d'un genre de final où "tout-le-monde-il-est-beau, tout-le-monde-il-est-gentil", autant là, j'avoue que je suis assez satisfait de cette fin optimiste. Le petit clin d’œil ultime est la cerise sur ce roman agréable mais sûrement pas inoubliable.

D'autres lecteurs et lectrices : Cathe, Alain, Flora, Asphodèle

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Je cherchais une rue

Publié le par Yv

Je cherchais une rue, Charles Willeford, Rivages/Noir, 2011

Un homme raconte sa jeunesse dans les États-Unis de la grande crise de 29 et les années suivantes. Né dans une famille pas riche, mais loin d'être dans le besoin, il se retrouve vagabond à quatorze ans, suite au décès de sa mère, aux départs de son beau-père, des son oncle. Il part donc sur les routes et découvre toute la misère de l'époque.

Chronique qui sera assez courte, parce que je n'ai pas aimé ce livre. Ou plutôt, il m'a laissé indifférent, pour être franc, je ne peux même pas dire que je ne l'ai pas aimé, je n'en sais rien. On peut compatir à la descente de ce jeune garçon (l'auteur himself !), mais tout ce qu'il raconte a déjà été vu ou lu ailleurs, et ce n'est pas son angle de vue, sa manière d'écrire qui retiennent le lecteur. Tout est fade et insipide, sauf l'histoire bien sûr qui aurait mérité un traitement plus original ou plus fort.

Ou alors, c'est moi qui l'ai trouvé ainsi parce qu'avant j'avais aligné des lectures particulières, passionnantes voire impressionnantes (Anaisthêsia, La vie mode d'emploi, Danser au bord des abîmes, ...). Un peu comme lorsqu'on mange un piment, et qu'on ne peut retrouver le goût des aliments moins forts, classiques avant un petit moment, le temps que s'estompe la brûlure.

Je vais donc m'en retourner en cuisine, histoire de me retrouver si ce n'est un piment, au moins un truc qui pique !

 

dialogues croisés

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