La petite

La petite, Michèle Halberstadt, Albin Michel, août 2011
""J'ai 12 ans et ce soir je serai morte"
Méfiez-vous des enfants sages..." (4ème de couverture)
L'accroche est simple, directe, franche. Personnellement j'ai choisi le livre sur cette quatrième de couverture, car si je connaissais l'auteure pour l'avoir vue à la télévision, il y a quelques années, je ne l'avais jamais lue.
En fait, cette phrase terrible est la première du roman. Vous voulez la suite ? Ah, je sens votre impatience, alors, la voilà :
"J'ai douze ans, et ce soir, je serai morte.
Ce matin, j'ai vidé les tubes de somnifères et tous les médicaments que Maman range en haut du placard de la salle de bains pour éviter qu'on y touche. Il m'a fallu cinq grands verres d'eau pour tout avaler. Ensuite, j'ai mangé une tartine, bu mon jus d'orange, et je suis partie à l'école.
Je n'ai rien dit à personne. Je ne suis ni abattue ni surexcitée. Je me sens sereine, comme on l'est quand on fait ce qu'on a vraiment envie de faire. Et moi, j'ai envie de disparaître." (p.11)
C'est le premier paragraphe, ensuite, l'auteure déroule la journée de la jeune fille. Puis, la partie suivante explique le cheminement de la demoiselle pour en arriver à ces extrémités. Pas difficile de saisir qu'elle est mal dans sa peu, mal dans sa vie. Seule, sans amie, se sentant délaissée par sa famille. Sauf son grand-père avec lequel elle a une relation forte. Ils s'adorent : il lui fait découvrir la vie, l'amour que l'on peut donner à autrui et recevoir. Mais il meurt, relativement jeune, la laissant seule, totalement désemparée. "Il était facétieux, impérial. Il comprenait tout et je pouvais lui confier des secrets effrayants dont il n'aurait pas songé à se moquer. Il ne jugeait pas, ne condamnait jamais et, mis à part les bonnes manières sur lesquelles il était intransigeant, il avait la pardon facile" (p.37)
Difficile d'en dire plus lorsque l'accroche du livre ne se fait que sur une phrase aussi lapidaire. Assez difficile également de dire le ressenti après lecture. D'un côté -le moins bon- j'ai lu l'histoire d'une jeune fille qui va mal, comme j'en ai déjà lu quelques unes -et encore, je ne suis pas "spécialiste" du genre ! Rien de plus. Rien de moins. Rien de bien nouveau.
D'un autre côté, j'aime bien l'angle pris par Michèle Halberstadt, à savoir, faire de la jeune la narratrice, mais sans tomber dans l'exercice facile et puéril de la faire parler comme une ado typique- si tant est qu'il y ait un langage ado typique ! Elle se déteste, se trouve moche et inintéressante et depuis que son grand-père n'est plus là, personne ne la contredit :
"A quoi bon vivre quand on craint à ce point d'être soi-même ?
J'avais peur de tout. Des baisers des garçons, du jugement de ma tante, du rire de ma sœur, du regard de ma mère.
Il n'y avait qu'avec mon grand-père que je n'avais peur de rien.
Ce soir-là, en éteignant la lumière, j'ai pensé pour la première fois qu'il serait doux de le rejoindre." (p.92)
Le roman est court (148 pages) et ne tombe pas dans la psychologie de comptoir -merci, merci. Il est bien écrit : les extraits que je cite sont assez représentatifs du style de l'auteure : clair, net, rapide, franc et direct. J'aime bien lorsque les écrivains vont au cœur des choses et de leurs personnages rapidement, sans tergiverser, même si parfois tergiverser n'est pas mal non plus.
A la lecture, j'ai eu l'impression du regard d'une adulte sur ce qu'elle eut pu être et ce qu'elle eut pu faire adolescente. Une sorte de mise au point sur une idée -ou un passage à l'acte- des années plus tôt. Pas forcément une autobiographie, mais une vieille pulsion enfouie depuis des années qui remonte à l'esprit, et qui loin d'inciter au passage à l'acte fatal, incite à l'acte de création artistique, littéraire pour le coup. (Ouah ! Là, je crois que je suis super bon sur ces dernières phrases, peut-être totalement à côté de la plaque -mais seule Michèle Halberstadt peut me contredire ou au contraire me dire que j'ai raison-, mais mon analyse -qui se rapproche très dangereusement de la psychologie de comptoir que je dénonçais juste au-dessus- me plait bien. Alors je la garde.)
Roman pas révolutionnaire mais sensible, juste, touchant avec une petite héroïne attachante à qui l'on aimerait dire qu'elle a encore plein de choses à dire et à accomplir et que la solution qu'elle choisit nous privera de sa charmante compagnie.
Merci à Flora et Paola -deux filles pour moi tout seul, je suis gâté- des éditions Albin Michel pour mon premier roman de cette rentrée littéraire qui sort aujourd'hui même.