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Prix du roman France Télévision 2011

Publié le par Yv

prix-roman.jpg Cette année, France Télévision repart pour son Prix du roman. La sélection est la suivante :

- Bessora, Cyr@no (Belfond)

- Sorj Chalandon, Retour à Killybegs (Grasset)

- Brigitte Giraud, Pas d'inquiétude (Stock)

- Christian Oster, Rouler (L'Olivier)

- Sylvain Tesson, Dans les forêts de Sibérie (Gallimard)

- Delphine de Vigan, Rien ne s'oppose à la nuit (Lattès)

Pourquoi je vous en parle ? Et bien, tout simplement, parce que j'ai la chance d'être sélectionné avec 20 autres lecteurs pour être juré. La lecture se fera jusqu'au 3 novembre (vous aurez la primeur de mes avis sur le blog, bande de veinards !), et ce même jour aura lieu la délibération dans les locaux de France Télévision. Avec un peu de chance, je verrai peut-être Michel Drucker !

Non, j'déconne !

Non, mais on ne sait jamais, si vous regardez la télé sur un grand écran, peut-être vous pourrez voir dans le journal du midi, un petit bout de ma tête : la ratez pas, des fois que je devienne une star, après, vous pourrez dire : "je le connaissais bien avant, au début de son blog, quand il s'la pétait pas encore. Quoique..."

Ah la la, quelle médisance, voyez comme vous êtes, le petit "quoique" final n'est-il pas superflu ? J'me la pête pas du tout ! J'ai su rester humble et discret et je le resterai même si je deviens célèbre et riche. Bon, je claquerai un petit peu mon pognon, quand même. Y'a pas de raison et surtout y'a pas de mal à se faire du bien, comme on dit couramment. Mais je m'emballe, je m'emballe, pourquoi je dis tout ça moi ? Ah oui, pour mon l'éventuelle possibilité probable qu'on voie un carré de 2 millimètres sur trois de mon visage à la télé.

Bon, allez Yv, va prendre ta tisane et va te coucher t'es encore tout énervé et tu vas faire des insomnies !

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Les morues

Publié le par Yv

Les morues, Titiou Lecoq, Au diable Vauvert, 2011

Ema, Gabrielle et Alice sont les Morues, un groupe féministe qui se retrouve dans un café, organise des soirées DJ. A ce groupe, il faut ajouter Fred, un garçon avec les mêmes caractéristiques. Charlotte, la copine d'Ema et de Fred vient de suicider, mais Ema doute. Elle décide, seule contre ses amis de savoir pourquoi Charlotte en est arrivée là.

C'est un roman fourre-tout : il commence comme un roman de filles, puis bifurque (heureusement !), hésite entre polar, roman politique, féministe, ... Très franchement, le début m'a un peu effrayé, parce que je le sentais parti comme un roman léger, écrit par une fille pour des filles. Pas des femmes, des filles. Et puis, Titiou Lecoq amène gentiment son lecteur vers une enquête journalistique pour connaître les raisons de la mort de Charlotte : "Le lendemain matin, avant même d'ouvrir les yeux, Ema sentit qu'il y avait un truc nouveau dans sa vie mais dont elle n'arrivait pas encore à se souvenir. Et puis tout lui revint d'un coup. La nouveauté, ce n'était pas que le jour de Noël avait été avancé de quelques mois ou qu'on lui avait offert la direction de la rubrique société à Vanity Fair mais bel et bien qu'elle avait enterré sa meilleure amie. Malgré la fatigue de la veille, elle retrouva brusquement l'intuition que quelque chose ne collait pas dans tout ça. Elle se leva en se répétant que le tableau était faux." (p.47)

Au fil de ses recherches, elle va se coltiner des rapports sur la Révision Générale des Politiques Publiques, autrement appelée la RGPP qui, comme un dogme, institue la réduction du nombre de fonctionnaires par deux (on voit aujourd'hui où cela nous mène, notamment dans l'éducation et dans les hôpitaux). Titiou Lecoq est bien documentée et elle explique assez bien les causes et les conséquences de cette RGPP appliquée au titre de l'idéologie, au mépris des dégâts occasionnés. Des dégâts collatéraux en somme. Elle dévoile les dessous de cette politique, qui vise à la privatisation du patrimoine culturel au nom de la rentabilité.

Mais ce roman est aussi un roman de femmes qui se cherchent. Des trentenaires (ou à peine) : celle qui ne veut pas s'engager, celle qui cherche un ami et celle qui est la maîtresse d'un homme haut placé, et Fred qui cherche l'âme sœur désespérément.

Les personnages de Titiou Lecoq ne sont pas trop caricaturaux, Ema, violée quelques années auparavant ne s’appesantit pas sur cette douleur et décide de vivre avec, au grand dam de son ex, qui lui, ne comprend pas qu'elle puisse "oublier" cet acte et vivre quasi normalement. Dans un style direct, franc et parfois cru, elle raconte leurs pensées, leurs actes, chez l'auteure un chat est un chat et l'on sait clairement où elle veut nous emmener. Un peu long par moments (le début surtout, j'ai failli abandonner, mais j'ai bien fait de persévérer), mais on peut passer vite certaines scènes inutiles ou redondantes.

C'est finalement une excellente surprise que ce premier roman de cette jeune auteure qui parle aussi de l'Internet, des blogs, de la vie des trentenaires parisiens (il y a quand même un petit côté parisiano-parisien un brin agaçant, un côté bobo-je-vis-comme-je-veux-et-je-l-affiche) en ce début de XXIème siècle : très actuel.

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Intermittence

Publié le par Yv

Intermittence, Andrea Camilleri, Métailié, 06 octobre 2011

"La Manuelli, l’une des plus grandes entreprises d’Italie, est à un tournant : ses dirigeants préparent la fermeture de certains établissements en même temps que l’absorption d’une autre société, l’Artenia. A cette occasion, les cruels jeux du pouvoir et de l’argent vont voir s’affronter le vieux Manuelli, père fondateur, tout imprégné de son importance historique, son fils Beppo qu’il méprise, De Blasi, directeur, vrai patron de la société et requin impitoyable, sa secrétaire Anna, amoureuse d’un gigolo, la très troublante et ambitieuse Licia, fille du fondateur de l’entreprise absorbée, un sous-secrétaire d’Etat avide et bigot, des ouvriers en grève et des hommes de main sans scrupules." (4ème de couverture)

Brrr, qu'elle est glaçante cette plongée dans le monde économique ! Magouilles, prises illégales d'intérêts, manipulation et donc manipulateurs-manipulés et vice-versa.

Andrea Camilleri -plus connu pour ses polars avec le désormais célèbre commissaire Montalbano- s'essaie au thriller économique qui n'a rien à envier au bon vieux thriller classique avec ses tueurs en série, ses flics désabusés et ses coulées d'hémoglobine. De rebondissements en retournements de situation, il nous trimbale gentiment dans le monde des requins de la grande entreprise.

Les personnages ont quasiment tous un double visage : le patron, beau gosse, habile, à qui tout réussit, d'un cynisme exacerbé et insupportable, le vieux capitaine d'industrie, peut-être pas si amoindri que cela ; même les femmes ne sont pas épargnées : la femme docile, belle et un peu nunuche -en apparence- et la jeune femme ambitieuse et prête absolument à tout pour en tirer profit. Alors, loin de moi et loin de l'auteur -enfin, là je m'avance, parce que je ne le connais point du tout, et donc j'imagine, je devine que...- l'idée de dire "tous pourris" ou "tous les mêmes" ; il y a bien sûr des gens honnêtes, mais pas sûr qu'il faille les chercher dans les plus hautes sphères de la société civile ou politique. Alors, clichés ? Stéréotypes ? Caricatures ? Peut-être ! Sûrement même ! Mais de la même façon qu'il y a quelques années, un coureur du Tour de France disait qu'on ne pouvait pas gagner une course aussi difficile sans tricher, je me demande si l'on peut parvenir aux sommets totalement propre. Sûrement certains y réussissent-ils ! (Ne voyez dans ma comparaison avec la bicyclette aucune tentation de faire allusion à qui que ce soit. Ce n'est pas mon genre.)

Très largement dialogué, ce roman se lit sans mal et c'est dans ces passages que l'on reçoit en pleine face le cynisme et l'absence totale de scrupules des protagonistes envers ceux qu'ils licencient ou qu'ils spolient en en claquement de doigts.

"- J'ai trouvé un accord avec Pennachi [le sous-secrétaire d'Etat]

- Je n'en doutais pas, dit Marsili.

- On va fermer l'établissement de Nola.

- Et nous laisserons tourner ceux de Gallarte et Saronno, complète Marsili.

- Naturellement.

- Et pour les réductions d'effectifs ?

- Cinq cents unités, saupoudrées ici et là.

- On n'avait pas dit huit cents ?

- Oui, mais Pennachi veut limiter les dégâts. En échange, il va nous aider dans l'opération Artenia. Il m'a formellement garanti que le gouvernement ne ferait pas d'histoire.

- Comment comptes-tu procéder ?

- Toi, tu convoques qui tu dois convoquer et tu officialises la chose. Et prépare-toi à l'attaque des syndicats et aux aboiements des journalistes qui vont monter en épingle les assemblées, les banderoles de protestation, les manifs, les quatre connards qui vont monter sur une grue." (p.40)

Andrea Camilleri distille des infos deci-delà qui questionnent le lecteur et qui trouvent leur explication dans le final, méthode usitée et efficace dans le polar ; l'écriture est simple, classique : mais on ne lit pas Camilleri pour l'exercice stylistique. Ce roman manque néanmoins d'un peu de souffle qui le propulserait sur les hauteurs des 40 PAL (Piles A Lire) les plus courues (là, j'ai tenté une petite blague avec PAL 40 et CAC 40, mais je crains qu'elle ne fasse flop, que ce ne soit un krach abyssal).

Cependant, ce qui est intéressant, c'est l'angle par lequel l'auteur aborde son thème : ses personnages principaux sont des dirigeants sans vergogne, corrompus, véreux. C'est donc un anti-roman social : les ouvriers trinquent, mais on ne les voit pas ; un parti-pris original qui fait de son roman un premier du genre "thriller économique" comme le qualifie l'éditeur.

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Mes statistiques

Publié le par Yv

J'avais fait il y a longtemps un petit article concernant les mots-clefs amenant à mon blog et à l'époque certains m'avaient surpris. Et depuis, presque plus rien ! Ah zut alors, mais pourquoi, je n'ai pas de mots cochons qui dirigent vers mon blog ? Pourtant, j'ai tout fait pour : j'ai chroniqué un roman pornographique (le lien est ici pour les plus vicieux d'entre vous, mais pas de problème, c'est discret, personne n'ira cafter !)

De temps en temps, je consulte donc, mais rien ne m'affole. J'ai bien eu une grosse surprise lorsque le livre Le sang des bistanclaques est devenu subitement l'article le plus demandé et le plus consulté. Renseignement pris, merci Laura, c'est en fait parce que Gérard Collard de la librairie la Griffe Noire en a parlé. Ce fut de courte durée, Le Chat de Geluck a repris sa place de leader (d'où sa représentation pour illustrer mon billet, j'espère que M. Geluck ne m'en tiendra pas rigueur, étant donné que grâce à moi, il vend énormément) ! Le Spinoza encule Hegel, de J-B Pouy fait toujours recette, bien sûr !

Alors, venons-en aux mots-clefs, j'ai bien un petit "tableau femme erotic" ou un "femme erot" (probablement un timide qui n'a pas osé tapé le mot en entier), mais rien d'affriolant. J'ai pas loin une "directrice severe", mais je ne sais si c'est un fantasme ou du vécu douloureux de collégien !

Une requête m'interroge, un énigmatique "sommeil, roger schmitt (t/m)" dont j'avoue ne jamais avoir entendu parler : les méandres googleiens sont parfois abstrus.

La dernière demande qui mène sur mon blog et qui me surprend, cette fois-ci sans vraiment me faire sourire c'est "photo des femmes violées au mali". Sans commentaire si ce n'est que j'imagine la déception du demandeur lorsqu'il est arrivé sur Lyvres !

Sur ce, comme on dit par chez moi, je m'en vais vous laisser consulter vous aussi vos statistiques pour voir si vous attirez les pervers ou les intellos, ou les deux, ou ceux qui sont les deux à la fois.

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Le cercle de Faidherbe

Publié le par Yv

Le cercle de Faidherbe, Emmanuel Sys, Ed. Ravet-Anceau, septembre 2011

Patrick Rihois est retrouvé mort chez lui, assassiné. Il était directeur d'une agence bancaire à Lille. Mais 20 ans auparavant, il était étudiant en Prépa au lycée Faidherbe. La piste que suivent les policiers Monin et Preux les mène vers un groupe d'amis, qui dans les années 90, en Prépa avait créé un groupe très soudé. Qui parmi eux a eu intérêt ou l'occasion ou le besoin de supprimer Patrick Rihois de trois coups de club de golf ?

Petit polar par le format du livre, édité par un éditeur du nord, Ravet-Anceau. Format poche donc, parfait pour lire en voyage et à peine 180 pages : idéal pour un trajet en train ! Bon, par contre, pour les ceusses, qui comme moi vieillissent, prévoir de chausser une paire de lunettes, les caractères sont petits.

C'est la cinquième enquête du tandem Preux et Monin, Sylvie de son prénom. Pour Preux, je n'ai pas su le sien, mais c'est un garçon !

L'enquête commence doucement et n'aura jamais un rythme échevelé : ça repose ! Néanmoins, un énorme bon point pour ce bouquin : je n'ai trouvé le coupable qu'à 15 pages de la fin, en même temps que l'enquêteur ! Pas mal du tout. Avant, on se demande qui peut être coupable et pourquoi, mais aussi qui ne l'est pas, tellement tous les suspects ont des motifs d'en vouloir à la victime, autant les hommes que les femmes :

"- ...L'ordre des coups est impossible à déterminer.

- Docteur, une femme aurait-elle pu les asséner ?

- Certainement. Lorsque je vois, lors de la vaisselle, ma femme s'approcher de moi, une poêle à la main, pour me faire constater que je l'ai mal essuyée, je n'ai aucun doute sur le fait que si je niais, elle pourrait me fracasser le crâne avec. Un club de golf ne pèse pas si lourd que ça et, si vous ajoutez la fureur qui décuple les forces, il n'y a pas d'hésitation à répondre par l'affirmative à votre question." (p.70/71)

Vous le voyez, l'humour n'est pas absent de ce livre, même si c'est loin d'être sa marque de fabrique. Non, l'auteur nous fait visiter Lille et sa proche banlieue, et s'attache à ses deux personnages principaux : leurs vies personnelles, pas vraiment au top, et assez différentes l'une de l'autre. Ils sont d'ailleurs bien sympathiques ces deux enquêteurs, aimant leur métier, motivés malgré les embûches, malveillances et autres croche-pieds dont ils peuvent être victimes. Pas une ambiance de franche rigolade donc dans le commissariat, ni dans la ville, mais il faut dire que le pluie fréquente n'amène pas les sourires sur les lèvres. Probablement moins dépaysant qu'un polar à Marseille ou en Italie, au soleil, mais authentique et crédible.

Bien écrit, simplement, même si un mot m'a surpris et que j'ai été obligé d'aller chercher sa signification : "Son amour-propre blessé lui commandait de la faire endêver à son tour." (p.111) Eh bien, sachez le endêver = enrager, tourmenter. Point de scène scabreuse ou difficile à supporter, ce roman-policier, classique, à l'ancienne pourrait-on même dire est lisible par un très large panel de lecteurs et lectrices.

Je disais récemment, dans mon article sur le livre de Hervé Jaouen, que les romans dits régionaux avaient à mes yeux -et aux yeux de beaucoup- une image empoussiérée et négative. C'était avant ma lecture du roman breton. Ce "polar en nord" -du titre de la collection- enfonce le clou et aux tenants de bons livres qui ne pourraient être que parisiens et de grands éditeurs, je dirais qu'ils devraient aller voir du côté des petits éditeurs régionaux qui font un travail formidable de découverte et de diffusion. Travail relayé en partie par Les Agents Littéraires par le biais de qui j'ai pu recevoir et lire Le cercle de Faidherbe.

 

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Tous nos petits morceaux

Publié le par Yv

Tous nos petits morceaux, Emmanuelle Urien, Ed. D'un noir si bleu, 2011

Le principe est simple et inventif : nos miroirs voient tous nos petits défauts, nos travers, mais aussi nos qualités et beautés. Emmanuelle Urien a donc décidé de les faire parler dans ce recueil de nouvelles.

Ce qui lie dans l'ensemble de ces nouvelles c'est que les narrateurs sont des miroirs ; la première nouvelle intitulée Éclats de miroir recense ce qui se fait en terme de miroirs, ceux que l'on retrouvera ensuite dans les différentes histoires.

Les deux nouvelles suivantes sont un peu fades, voire anecdotiques : le vie d'un miroir de médecin, celui qui recueille le dernier souffle et celle d'un miroir d'une belle femme qui se convertit à la vie monastique. Si l'idée de départ est plaisante, le propos est une peu convenu, attendu et superficiel. Par contre, les autres remontent très nettement le niveau. Emmanuelle Urien alterne les nouvelles fortes, violentes, crues parfois, plus légères voire même poétique pour l'une d'entre elle. Toujours le miroir raconte, mais il y met parfois de l'émotion, il ne reste pas froid et terne : il vit ce qui se déroule sous ses yeux, si je puis utiliser ce terme pour une glace.

La nouvelle est parfois à chute, mais parfois non. Ce qui est bien dans ce livre c'est qu'à chaque fois, on est surpris par l'angle de l'auteure, par son langage, par les personnages vus à l'envers. Et puis l'écriture change d'une nouvelle à l'autre. Parmi mes préférées, je note trois histoires dures et violentes dont je vous donne les premières phrases :

Témoin spéculaire : "Il l'embrasse. D'accord, elle le laisse, elle répond comme il faut, elle met la langue elle aussi, la baudruche de l'orgueil, elle s'applique, elle se demande sans doute si elle embrasse assez bien pour lui, un beau mec comme ça, plus âgé qu'elle, c'est sûrement un honneur." (p.83)

Gentille alouette : "Nous avons peur du noir, tous nos petits morceaux. Il est l'heure : Maman va fermer les volets. Le bébé crie, nous frémissons." (p.91)

Le signe du miroir : "Planté devant la glace, il crache. Sur qui ? Sur lui qui me regarde, ou sur moi qui le dévisage ? Lequel de nous deux vient de cracher, d'un grand jet jaune, sur l'image de l'autre ?" (p.105)

Mais il y en a aussi de plus douces, plus légères :

Le jour où la neige a recouvert la plage : "Je me souviens de vous, mademoiselle. Cette large tache bleue que vous aviez sur le menton. Couleur myrtille, indélébile. Je n'avais jamais de bleu si noir, de noir si bleu, une teinte contradictoire et mal placée." (p.127) Dans ce début, l'auteure réussit à placer le nom de la maison d'édition, pas mal !

Tentative réussie d'approche de l'infini : "- Tiens, regarde : les revoilà. C'est la troisième fois, ce mois-ci. Ces deux-là, ils ne se rendent pas compte : la foule du Café des Sports un dimanche matin avant les résultats du PMU, ça n'a jamais étouffé l'amour." (p.143)

Tous ces petits extraits pour vous donner envie d'aller au-delà du miroir -oui, je sais, elle est un peu facile, mais de temps en temps, les références ou allusions évidentes méritent d'être dites sous peine qu'elles manquent aux lecteurs. Après votre lecture, peut-être vous surprendrez-vous à entamer la conversation avec vos miroirs, glaces, psychés. En tous les cas, vous ne vous regarderez plus dedans de la même manière, sachant qu'ils vous observent. Quant à moi, je ne vous remercie pas Emmanuelle Urien, parce que déjà, j'avais l'habitude de parler aux différents automates (pompes essence -encore hier, j'ai répondu à l'une d'elle qui me brusquait, que j'avais mon temps et qu'elle se répétait en vain-, distributeurs de billets et autres appareils parlants), maintenant, je vais en plus m'entretenir avec mes miroirs : je crains la camisole, l'internement ou au minimum, l'interrogation de mes proches... Encore que, je crois qu'ils sont habitués à mes bizarreries. Finalement c'est peut-être leur non-étonnement qui m'effraiera le plus...

Merci Gilles Paris.

Clara a lu et aimé elle aussi. 

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Le héron de Guernica

Publié le par Yv

Le héron de Guernica, Antoine Choplin, Ed. Le Rouergue, 2011

Au tout début du roman, Basilio est à Paris pour voir le tableau de Picasso, Guernica, exposé à l'Exposition internationale des arts et techniques. Ensuite, en flashback, on apprend que Basilio est un jeune habitant de Guernica. Qu'il peint des hérons. Que pour cela il s'isole dans les marais proches de la ville et approche les oiseaux au plus près pour tenter d'en restituer l'authenticité dans sa peinture. Mais un jour, en pleine inspiration, des bombardiers nazis survolent et bombardent la petite ville espagnole.

C'est un petit roman qui met en exergue l'amour de Basilio pour la peinture et des hérons. Tout est construit là-dessus et sur l'opposition à la barbarie qui va faire s'abattre sur Guernica les bombes nazies. "T'as l'aviation allemande qui nous passe à ras la casquette et qui balance des bombes sur nos maisons et tu voudrais qu'on s'émerveille devant un héron qui s'envole." (p.81) Mais il est aussi une représentation de ce qui a été vécu là-bas pendant le bombardement. Comment cette petite ville vivait paisiblement entre ses marchés, ses habitants qui allaient au bal, qui draguaient, qui peignaient, qui encadraient... Comment elle fut totalement détruite.

Ce qui me frappe c'est que Antoine Choplin nous décrit un jeune peintre qui ne fait que des hérons, des toiles représentatives, figuratives alors que le tableau de Picasso qui représente ce drame est une toile cubiste, déstructurée. Je ne suis pas capable de dire ce qu'il faut en tirer comme conclusion -peut-être aucune d'ailleurs-, mais ce détail m'a sauté aux yeux.

Ceci étant dit, ce livre alterne les bons passages et des moins intéressants. Antoine Choplin, par une écriture simple, directe, parfois orale décrit le quotidien de Basilio et s'attarde sur ses moments d'isolement, lorsqu'il peint. Descriptions des paysages, du héron et des questionnement du peintre :

"Basilio se dit qu'il conviendrait peut-être un jour ou l'autre de se résoudre à oublier le héron lui-même pour ne s'intéresser qu'à l’abîme qui s'ouvre à l'interstice de son regard. Plonger un peu là-dedans, et seulement ça.

D'ailleurs, de cette façon, on pourrait au passage abandonner tout le reste. Le héron lui-même donc, son plumage, ses allures fières, la flèche de son bec, mais aussi tout ce qui façonne son environnement. [...] On se dirait que oui, sans doute, la réalité profonde du héron peut être détachée de celle de la matière et des paysages qui l'entourent." (p.55/56)

C'est dans ces réflexions-là qu'on se dit que Basilio s'approche au moins mentalement du Maître, Picasso. Et c'est là sans doute la relation entre leurs peintures : Basilio, sans connaître celle de Picasso s'en approche au moins par la pensée (pour apporter une tentative d'explication à mon interrogation précédente sur le choix de l'auteur de prendre deux peintres totalement différents), mais n'ose pas encore franchir le pas : "Il conviendra seulement, comme les autres fois, mieux que les autres fois, mieux qu'il ne l'a jamais fait jusqu'à présent, d'ausculter ce héron du regard, avec un application parfaite, d'en cueillir quelques traits cachés, et surtout une petite lueur de vie. Et c'est tout." (p.56/57)

J'ai beaucoup aimé ces passages sur la peinture, sur les paysages, mais ils sont parfois un peu longs et manquent de couleurs, de lumière. C'est un peu terne. Ainsi en est-il aussi du bombardement de Guernica qui dure, qui dure sans que jamais vraiment l'émotion ne gagne le lecteur. Je ne saurais dire à quoi c'est dû, d'autant plus que l'écriture d'Antoine Choplin m'a plu. Beaucoup même, parce qu'avec une économie de moyens, il sait raconter une histoire, des personnage et décrire des lieux. Point d'envolées lyriques, qui peuvent être utiles ou réjouissantes parfois, mais qui ici, auraient été probablement déplacées.

Pour résumer, je dirais que j'ai une toute petite déception dans un roman qui mérite très largement d'être ouvert -et lu, bien sûr !- ne serait-ce que pour se retrouver en compagnie de Basilio lorsqu'il peint dans les marais de Guernica, dans un silence seulement perturbé par les cris des oiseaux aux alentours. Et puis, cette opposition entre ce calme complet, cette quiétude gâchée, assassinée par le bombardement meurtrier est une idée de livre qui marche formidablement bien.

Un merci particulier à Caroline de la Librairie Dialogues

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A l'encre de Chine

Publié le par Yv

A l'encre de Chine, Christian Lejallé, Ed. Imagine & Co, 2011

"1860. Après trois mille ans d'histoire, le Céleste Empire s'effondre.
Seul le Maître peut encore venir à bout des maux qui le rongent. Pour détruire ce vice-empereur de Chine qui conteste son pouvoir, l'impératrice Ts'eu-hi va utiliser le plus terrifiant des poisons : l'amour.
Sacrifier l'Empire ou sauver celle qu'il aime, le Maître n'a pas d'autre choix. En essayant de sortir de ce piège machiavélique, il va entraîner Yuna, sa fille, dans la plus bouleversante des épopées." (4ème de couverture)

Christian Lejallé fait débuter son récit bien avant 1860 et remonte lentement l'histoire de la Chine. Les empereurs, les guerres, la grande histoire, mais aussi la lignée du Maître, sorte de diplomate, de conseiller en chef, de sage. A cette époque, les futurs maîtres sont éduqués par des maîtres avérés qui doivent faire naître en eux l'intérêt de la rhétorique, de l'analyse et du conseil politique, économique ou stratégique.

Ce premier tome de A l'encre de Chine est intitulé Le Maître et c'est donc son histoire qui en est le thème principal. De la naissance de ses ancêtres en passant par la sienne jusqu'à la naissance et l'éducation de Yuna, sa fille, qui sera l'héroïne du second tome.

Une jolie manière de plonger dans les méandres de l'empire chinois, dans les arcanes des diverses familles qui gouvernent et sont liées les unes aux autres, dans la diversité des clans, des peuples : Mandchous, Mandarins, Mongols, ... On est parfois un peu submergé par tous ces noms, ces peuples qui ont crée le pays, mais l'art de Christian Lejallé est de nous remettre toujours en selle avec l'histoire du Maître : le personnage fil rouge qui nous permet de ne pas le perdre (le fil, bien sûr !)

C'est aussi le livre de la montée en puissance, et la cruauté de Ts'eu-hi, future impératrice. Prête à tout pour arriver au sommet, son parcours est semé d'embûches qu'elle déjoue en n'hésitant pas à massacre ses opposants ou ses alliés qui la gênent ou encore son peuple, pour servir ses intérêts : "Dans un exode lamentable, l'impératrice Ts'eu-hi s'était réfugiée à Xian et toute la cour avec elle. Pour être à même de payer la nouvelle indemnité de guerre exigée par les Occidentaux, Ts'eu-hi fit doubler les taxes gouvernementales dans toutes les provinces du sud. [...] Pendant toute l'année de son séjour à Xian, Ts'eu-hi saigna à blanc le pays qui croulait déjà sous la plus infâme misère. Des cadavres jonchaient les rues et jusque sous les fenêtres des palais où elle vivait, mais Ts'eu-hi n'en voyait rien, aveugle au monde et à tout ce qui  ne nourrissait pas d'une manière générale la grande oeuvre de destruction qu'elle avait entreprise." (p.161/162)

Dans un style volontiers poétique, lent, une écriture tout en paraphrases, imagée, Christian Lejallé nous promène dans ce pays de l'époque médiévale jusqu'au début du XXème siècle. L'histoire n'avance pas vite, il faut prendre le temps de s'imprégner des lieux, des paysages, des personnages. Point de scènes de guerres violentes et terribles, mais plutôt des stratégies et des constats. Il faut aimer ce rythme imposé par l'auteur qui permet de bien se rendre compte de la lenteur de la machination ourdie par Ts'eu-hi contre le Maître. Pas forcément du goût de tout le monde. Personnellement, ça me va.

NB : Ts'eu-hi a vraiment existé et a régné en tant que régente de 1861 à 1908, n'hésitant pas à faire tuer ceux qui pouvaient lui ôter le pouvoir. Alors, j'en sais des choses, hein, vous êtes épatés ? Pour être franc, lorsqu'un livre éveille ma curiosité, je vais creuser un peu à droite et à gauche (histoire de ne froisser personne), ce qui fut le cas pour ce roman.

 

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L'héritage de Guillemette Gâtinel

Publié le par Yv

L'héritage de Guillemette Gâtinel, Joseph Bialot, Ed. Rivages/Noir, 2011

Guillemette Gâtinel, une riche ex-habitante de la commune de Rocbelle meurt. Elle laisse en héritage à cette commune une somme plus que rondelette, à la seule condition que la mort de son fils, Sylvain, survenue presque 40 années plus tôt soit réétudiée. Classée comme accident, Guillemette était sûre qu'il s'agissait d'un meurtre. Le maire de Rocbelle demande à Antonin Merlot, ancien journaliste, fils du pays et accessoirement ancien camarade de Sylvain d'enquêter. Très vite, il est persuadé du caractère criminel de la mort de son ancien ami.

L'intrigue peine un peu à s'installer, les personnages principaux ne sont plus très jeunes et dégainent moins vite que les p'tits jeunots. Cependant, elle prend place sur fond de guerre d'Algérie, de France des années 60, celle dans laquelle des bidonvilles fleurissaient encore aux abords des villes. La ville ici s'appelle Arbase :

"Arbase... Elle ressemblait à une ville, avait l'allure d'une ville, ses mouvements, ses odeurs, sa vie, mais ce n'était pas une ville. Elle n'avait pas de couleurs. Agitée, retournée, par les remous des guerres de décolonisation, minée par les manques de toutes sortes, cette caricature citadine m'a vu naître, grandir, traîner dans ses jardins de déchets et de pierrailles, évoluer avec elle.

Elle possédait une mairie, une école, des commerces, un club de foot. Il lui manquait une âme pour l'unifier." (p.29)

Antonin et son ami Alvaro, ex-flic dont il a demandé l'aide se retrouvent confrontés à des gens qui entendent bien laisser cette enquête au point mort. Des gros sous ont disparu pour on ne sait quel profit : sortir le mort du fossé dans lequel il a été retrouvé ne sent pas bon du tout.

A franchement parler, je ne peux pas dire que je me sois vraiment laisser captiver par cette histoire : ni désagréable, ni emballante, j'avoue que je me suis un petit peu ennuyé. Et pourtant le contexte me plaisait bien. C'est sans doute la construction du roman qui m'a gêné : des flash-backs, des informations données au compte goutte, distillées parcimonieusement. Un puzzle un peu difficile à reconstituer : je n'ai jamais été bon à ce jeu, déjà les puzzles dix pièces lorsque mes enfants étaient petits, ça m'agaçait !

L'écriture oscille entre classique et argot, phrases courtes plutôt, sans vraiment de chichis.

J'aimais bien le titre pourtant, ce prénom désuet m'attirait. Dommage.

Deux autres avis, l'un qui ressemble au mien : Topsy, l'autre très enthousiaste : Claude Le Nocher.

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