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La baie de Hanalei

Publié le par Yv

La baie de Hanalei, suivi de Les crabes, Haruki Murakami, Audiolib, textes lus par Irène Jacob

Deux nouvelles de Haruki Murakani extraites de son livre Saules aveugles, femme endormie, paru en français en 2005.

Une femme japonaise apprend la mort de son fils, surfeur, suite à l'attaque d'un requin, dans la baie de Hanalei. Elle prend l'avion pour reconnaître le corps et faire le nécessaire pour l'inhumation.

Plus que du livre, je voudrais parler ici du procédé audiolib, qui consiste comme chacun le sait à écouter sur CD un livre lu. Celui-ci, je l'ai gracieusement reçu en lot de consolation suite à ma participation à un jeu sur le site facebook d'audiolib. C'est ma première expérience récente d'écoute d'histoire. Ah, comme beaucoup, j'ai bien entendu Pierre et le Loup lorsque j'étais petit avec des redites lorsque mes enfants sont passés au même âge. J'ai même eu droit -et encore maintenant avec le plus jeune-, aux CD de J'aime lire, écoutés si possible bien forts pour que toute la maison -pourtant grande- en profite !

Bon, alors de retour de vacances, car l'enveloppe contenant ce CD m'attendait sagement, je me suis précipité (enfin, comme on peut se précipiter lors d'un retour de vacances, c'est-à-dire, très lentement. Vous visualisez bien le concept de précipitation la plus lente possible ?) sur le lecteur CD d'un des deux petits -comme ça, je me venge un peu de ses écoutes fortes de ses CD, non mais, qui c'est qui commande ?-, j'insère l'objet et appuie sur le bouton "play" et alors,  Irène Jacob me susurre l'histoire de Haruki Murakami dans les oreilles.

Je ne sais si c'est l'expérience ou le livre en question, mais je ne suis pas convaincu pour ma propre utilisation. J'aime prendre un livre, le lâcher exactement au moment où moi je veux et non pas à la fin d'une plage de CD. Parfois même, il m'arrive de prendre mon bouquin et de ne lire qu'une dizaine de phrases, ce qui est difficile avec l'audiolib. J'adore lire des passages rapidement parce qu'ils ne me plaisent pas vraiment et revenir sur d'autres, voire m'y arrêter, les lire, les relire, les re-relire parce qu'ils me bluffent totalement. Pas très aisé avec un livre-CD.

Je reste donc à mes bons vieux livres papier que je peux triturer, lire à mon rythme ; je peux même écrire mes notes dedans, mes remarques, etc, etc. Mais comme il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis, rien ne dit que je ne retenterai pas l'expérience avec bonheur.

Reste que le principe est plaisant et j'en discute très souvent avec un ami malvoyant qui ne jure désormais que par des livres lus. Il en est fan et n'a jamais autant lu que depuis qu'il connaît soit l'audiolib soit d'autres moyens à disposition des malvoyants. Et l'audience est beaucoup plus large que ces seules personnes. Je connais certaines personnes qui, depuis, qu'elles ont mis le doigt dans l'engrenage du livre-CD ne peuvent plus s'en passer, même si elles prennent un livre-papier de temps en temps également, les deux ne sont donc point incompatibles ! Au contraire.

Un grand merci à Audiolib et Télérama, partenaires de ce jeu qui m'ont permis cette expérience de livre lu.

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Les talons hauts rapprochent les filles du ciel

Publié le par Yv

Les talons hauts rapprochent les filles du ciel, Olivier Gay, Éd. Le masque, 2012

Fitz, diminutif de John-Fitzgerald, est un clubbeur. Un des ces garçons qui ne vit que par et pour les soirées dans les lieux les plus branchés de Paris. C'est aussi un dealer. Petits bras. Il ne deale que ce qui lui est nécessaire pour vivre selon ses envies : boire, payer le loyer de son petit studio près des Champs-Élysées, et draguer, domaine dans lequel il excelle. Chaque soir, une nouvelle conquête passe dans son lit ou dans un autre, mais toujours avec lui. Jessica, son ex, la seule avec laquelle il ait vécu longtemps, accessoirement commissaire de police chargée de l'enquête sur le tueur en série qui agresse, torture, découpe et tue des jeunes filles adeptes de la nuit parisienne le convoque un jour pour lui demander de collecter des renseignements dans ce milieu qu'il connaît parfaitement. Pour Fitz, c'est l'entrée dans un monde qu'il n'imaginait pas du tout et pour lequel il n'est pas taillé : celui des enquêteurs !

Pas mal du tout ce polar. Alors, certes, l'intrigue est assez linéaire, sans vraiment de rebondissements ni de surprise, même si elle n'est pas totalement dénuée d'intérêt, le livre a plus d'un atout en son sein.

D'abord, il se déroule dans le monde des clubbeurs, des jet-setteurs, bien décrit -enfin, ça, c'est ce que je pense, puisque, personnellement, je n'y connais rien. Et ensuite, Olivier Gay fait montre d'un réel talent d'écriture : humour, détachement, personnages à la fois sympathiques et antipathiques. Fitz est un glandeur, un mec qui n'a aucune ambition et qui ne veut pas travailler. C'est un parasite. Totalement inadapté à la "vraie" vie et a fortiori à celle des flics, il découvre ses limites au fur et à mesure de son aventure. "Je restai un instant prostré sur mon futon. C'était donc ainsi qu'elle me voyait. Un dragueur, un charmeur, mais aussi un loser sans avenir." (p.226) Dans le même temps, il n'est pas dupe du monde dans lequel il évolue ; il sait que les relations qu'il entretient ne tiennent qu'à la coke qu'il vend, à petit prix et régulièrement. Qu'il stoppe son commerce et ses amis lui tournent le dos. "Ici, les prédateurs se voulaient sexuels. De belles filles à l'argent hésitant souriaient à des héritiers, des footballeurs, des stars des médias aux dents ultrabrite. Si j'avais voulu verser dans le cynisme, j'aurais pu dire qu'on voyait ici la prostitution dans sa forme la plus moderne, la beauté et la jeunesse agitées comme un hochet devant de grands enfants prêts à tout dépenser pour satisfaire leurs fantasmes. (...) Et puis du sexe, du sexe mou et gluant, du sexe humide comme la pluie qui me coulait encore dans la nuque, du sexe alcoolisé dans lequel toute dignité disparaissait au profit d'une étreinte bestiale. (p.63/64) 

D'aucun pourront dire que ce roman policier n'est point réaliste. Sans doute : un clubbeur-enquêteur, ça ne fait pas sérieux. Mais il est plaisant et récréatif, original par le personnage principal et le monde dans lequel il évolue. Bon, certes, il y a un énième tueur en série, modèle à la mode des polars actuels, mais bon, il est pardonné à l'auteur.

Très sympa ce polar donc, très loin des standards habituels qui décrivent par le menu les supplices des victimes. Ici, malgré le calvaire qu'elles subissent -certes dit-, le sang ne coule pas, l'horreur n'est pas à toutes les pages. Merci Olivier Gay de nous épargner des descriptions insoutenables et de préserver vos lecteurs. Idéal pour ces vacances ou pour d'autres, ou pour des occasions différentes. Enfin, idéal, tout court !

 

thrillers

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Impures

Publié le par Yv

Impures, Martina Cole, Fayard noir, 2012

Retour de Kate Burrows pour ce dernier tome de la trilogie (chaque roman peut se lire indépendamment). Cette fois-ci, Kate, en semi-retraite est confrontée à un tueur de prostituées. Les péripatéticiennes de Grantley se font agresser violemment, torturer et meurent de manière atroce. Kate, consultante est chargée de donner un coup de main à Annie Carr, l'enquêtrice. Bientôt, il apparaît que Patrick Kelly, le caïd de la ville et l'ami de Kate est indirectement impliqué. C'est la séparation immédiate qui les fait souffrir tous les deux.

Je retrouve avec joie les rues et le commissariat de Grantley, quelques années après La cassure. Kate a pris des cheveux blancs, mais son caractère ne s'est pas adouci. Au contraire ! Elle est explosive, la dame ! Rigide, elle préfère quitter l'homme qu'elle aime au lieu de s'expliquer sur sa brève et légère implication dans l'enquête. Elle est de mauvaise foi, colérique, sans-gêne, elle manque de savoir vivre lorsque par exemple, après avoir quitté Patrick, elle retourne dans sa maison qu'elle loue à Annie sa collègue et amie, sans se soucier des désagréments et des états d'âme de celle-ci :

"... avec Kate, elles vivaient à deux dans un mouchoir de poche. Cela faisait deux ans qu'elle lui louait sa maison, et elle s'y trouvait bien. Mais là, Kate était revenue pour de bon et, d'intruse un peu honteuse, elle avait repris la posture de la proprio en titre. Or il n'y avait rien d'agréable à se retrouver reléguée au statut de locataire." (p.140)

Tout cela la rend terriblement humaine, sujette aux sautes d'humeur et sur-investie dans l'enquête au détriment du tact et de la diplomatie dont elle devrait faire preuve dans ses relations à autrui. "... sache que pour un enquêteur, personne ne compte tant qu'il, ou elle, cherche à résoudre une énigme. A mon époque, je me suis engueulée avec la terre entière, ou presque, et tu feras la même chose." (p.153)

Et puis, elle a son franc parler Kate, entre gouaille, jargon de flic, argot  et grossièretés, comme quoi ce n'est pas l'apanage des flics hommes. Et tant mieux. Là où je tique un peu c'est qu'entre deux jurons, entre deux aphorismes bien sentis, Martina Cole glisse des formules dignes des plus mauvais romans d'amour lorsque l'inspectrice se sent en empathie avec le témoin ou avec une collègue. Pas terrible, évitable mais finalement, pas vraiment perturbant, juste agaçant.

Ce qui me gêne en fait ce sont ces petites facilités alors que le contexte du roman est fort. Martina Cole nous entraîne dans les bas-fonds de la société anglaise, le monde des prostituées. Certes, celles dont il est question ne travaillent pas dans la rue, mais dans des appartements luxueux, mais les clients sont les-mêmes, avec leur vices, leurs faiblesses, leurs difficultés, leurs demandes particulières et leur mépris pour ces filles. Toutes issues de familles décomposés, battues, violées pour certaines, elles se retrouvent à exercer ce métier en espérant en tirer un profit pécuniaire et en sortir vite. Elles le font souvent pour survivre ou pour nourrir leurs enfants. Parce que c'est leur dernière chance de s'en sortir. Une plongée sordide, bien documentée, dans le monde des violences ordinaires : "Ma mère était dingue, mes frères avaient lâché la bonde et mon père était une brute qui tapait sur n'importe qui, du moment qu'il tapait. On a toutes été en foyers, on a toutes été suivies par les assistantes sociales. Faut pas s'étonner qu'on finisse comme des marginales. Toute notre vie, on s'est senties mises au ban de la société." (p.340) Une peinture sans fard de la société de consommation (du sexe) anglaise, de ses travers, qui est sans doute très largement répandue.

Quant à l'intrigue, elle est bâtie sur le même modèle que la précédente et se révèle passionnante mais réserve moins de surprises. Très fréquentable tout de même. Associée au contexte cette enquête policière saura plaire à ceux qui recherchent du fond et un contexte dans un polar.

Merci Lilas

 

thrillers

 

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La nébuleuse du crabe

Publié le par Yv

La nébuleuse du crabe, Eric Chevillard, Ed. Minuit, 1993

"La première fois que Crab fut pris pour un éléphant, il se contenta de hausser les épaules et passa son chemin. La deuxième fois que Crab fut pris pour un éléphant, il laissa échapper un geste de mauvaise humeur. La troisième fois, enfin, devinant que ses ennemis avaient comploté de le rendre fou, il ceintura vivement l'insolent et l'envoya valser à dix-huit mètres de là... Tel est Crab, dont ce livre voudrait rapporter quelques gestes remarquables et que l'on verra ainsi avec un peu de chances plier le ciel comme un drap ou se tuer par inadvertance en croyant poignarder son jumeau, puis devenir torrent pour mieux suivre sa pente. A moins évidemment qu'il ne se terre plutôt tout du long dans son antre obscur, s'agissant de Crab, on ne peut rien promettre." (4ème de couverture)

Ce livre n'est pas un roman tel qu'on l'entend habituellement avec un début un développement et une fin. C'est plutôt une suite de petites histoires, d'anecdotes plus ou moins longues, des sortes de mini-nouvelles -voire très mini- avec le même personnage principal presqu'unique, mais qui en fait n'est jamais le même, ou alors le même mais qui aurait vécu plusieurs vies, parfois ressemblantes parfois totalement opposées, vides, longues, mornes, vives, sanglantes, sexuées ou vierges de tout rapport, crues, violentes, totalement creuses, insipides, inintéressantes pour quiconque même pour Crab soi-même !

Tout n'y est pas de même intérêt : des longueurs, des paragraphes plus plats, moins cinglants, mais au détour d'un passage plus calme, on lit des aphorismes ou des phrases qui valent un arrêt de réflexion :

"Ainsi, le prix Nobel de physique a été décerné au professeur Y. pour ses remarquables travaux sur la désintégration fulgurante, tandis que Crab doit se contenter cette année encore du prix Nobel de la paix, ayant dérobé puis détruit les plans de la terrible invention du professeur Y." (p.22/23)

"N'ayant pas écouté le bulletin météorologique faisant état du froid intense qui règne sur le pays, et les pluies ininterrompues, Crab sort de chez lui en chemisette et profite tout l'après-midi d'un grand soleil estival, par ignorance, exactement. Il pourrait se tenir un peu plus au courant de l'actualité." (p.36)

Humour absurde, j'adore ! Mais il n'y a pas que cela dans ce bouquin. C'est un exercice de style. Eric Chevillard s'essaie à faire de belles phrases chiadées, à jouer sur les mots et les expressions et avec eux. Il écrit, se lit, se relit, réécrit, s'écoute écrire et le résultat est là, réussi. Il a du talent, une patte évidente pour tenir son lecteur jusqu'au bout de son raisonnement aussi absurde ou décalé soit-il. Et il ne faut rien passer trop vite sous peine de rater un passage à retenir, une formule, une phrase, un paragraphe, un assemblage de 2 ou 3 mots. Parfois, comme on l'a vu tout à l'heure, drôles, absurdes, "surréalistes", parfois poétiques :

"Sa longue pratique de la méditation solitaire lui aura au moins appris à distinguer toutes les qualités de silence qu'une oreille non exercée considère du même air stupide. Il existe donc -entre autres- un silence à cordes, un silence à vent, un silence de percussion, qui ne se ressemblent pas davantage que les instruments mêmement nommés, s'il arrive aussi que leurs harmonies se mêlent dans un silence symphonique ou alternent des mouvements lents et graves, ou martiaux, et de petites phrases sautillantes, de soyeuses arabesques, jouant ainsi sur des thèmes et des rythmes divers afin d'exprimer toute la complexité de la situation, quelle que soit d'ailleurs la situation." (p.27/28)

Et pour finir ce billet en beauté, voici l'extrait que je préfère de ce texte, il est musical encore une fois :

"Ce dimanche-là, sous les arcades, Crab avait pensé que oui, peut-être, il existerait une possibilité de bonheur pour le monde si l'exemple de ce glorieux musicien était unanimement suivi, qui aspirait par le nez l'air ambiant saturé d'infections, de gaz d'échappement, de virus, d'idées noires, et le remettait en circulation, purifié de tous ces miasmes, frais comme le premier printemps de la Terre avant l'éclosion des marguerites méphitiques, ou comme le premier gardon avant qu'il ne commence à puer le poisson, un air léger, vibrant, et la perspective tremblait jusqu'au plus lointain, et même les robustes piliers des arcades frissonnèrent au lieu de hausser les épaules comme ils font d'habitude, systématiquement, quand l'homme paraît." (p.29/30)

Un texte plus qu'une histoire. Édité chez Minuit. Normal !

Alex n'a pas aimé. L'auteur tient assidûment un blog intitulé L'autofictif.

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Les Pirates dans une aventure avec Napoléon

Publié le par Yv

Les Pirates dans une aventure avec Napoléon, Gideon Defoe, Le Dilettante, 2012

Vexé de n'avoir pas eu le Prix du Meilleur Pirate de l'année, le capitaine pirate cède encore une fois à son vieil ennemi Black Bellamy et devient pour 100 doublons le légitime propriétaire de l'île de Sainte Hélène, luxuriante et pleine de femmes avenantes selon Black Bellamy. Quelle déception lorsque résolu à devenir apiculteur sur cette île, le capitaine pirate découvre d'une part que c'est un caillou improductif et dépourvu des femmes dont il a rêvé et d'autre part que son acte de propriété est un faux. Et en plus, arrive bientôt sur son bout de rocher, un visiteur illustre : Napoléon soi-même !

Je me faisais une joie de retrouver toute l'équipage du bateau pirate. Tous plus barrés, déjantés, carrément à l'ouest les uns que les autres. Je les avais laissés un peu en retrait suite à leurs deux premières aventures, avec les savants et avec les baleines. Avant tout, il est bon de préciser que les aventures se lisent indépendamment les unes des autres ou à la suite, ou dans le désordre, c'est comme on veut ! J'ai passé Une aventure avec les communistes et doit sortir bientôt Une aventure avec les romantiques.

Mais revenons à Napoléon. C'est drôle comme les autres : même humour, mêmes personnages et situations ressemblantes, ce qui fait que parfois j'ai pu ressentir une certaine lassitude, une envie d'aller un peu plus vite. Mais, ne boudons pas notre plaisir, c'est si rare de rire en lisant que quand on y parvient, il faut le dire. C'est chose faite ici. Pas hilarant jusqu'à un blocage de mâchoire, mais très très souriant avec parfois des accès de rires sonores. Vos zygomatiques résisteront-ils à ce passage : "En entendant le ploc caractéristique d'une enveloppe tombant sur le paillasson, les pirates bondirent vers la porte, tous excités. En comparaison avec les autres bruits qui avaient excité les pirates lors de leurs précédentes aventures, le "ploc caractéristique d'une enveloppe tombant sur le paillasson" n'était pas si formidable que cela. D'ordinaire ils s'attendaient au "sifflement de la mitraille déchirant la voilure", au "fracas d'une lame s'abattant sur le pont" ou aux "hoquets du pirate en vert atteint du mal de mer". Mais, avec leur nouvelle existence domestique, ils se rendaient bien compte qu'ils devaient se contenter de ce qu'ils avaient." (p.94) ?

Tout est dans le même genre, décalé, ironique, sarcastique. Anachronismes et interventions de l'auteur sont présents et pour les anachronismes très fréquents. Les pirates ne sont pas désignés par un nom, mais par un détail qui leur est propre : "le pirate avec de la goutte", "le pirate grisonnant à la peau fripée", "le pirate avec un écharpe", ... ; seule l'unique femme de l'équipage est affublée d'un prénom, Jennifer.

Chaque scène est visualisable, c'est souvent cela qui fait sourire : ceci expliquant cela, le film sorti en mars 2012 et intitulé Les Pirates ! Bons à rien mauvais en tout est tiré des aventures des Pirates et scénarisé par Gideon Defoe.

Dernière info : le dernier tome des aventures des Pirates (avec les romantiques) a changé de crèmerie et est édité chez Wombat. Faites-vous plaisir avec n'importe la(les)quelle(s) des aventures des Pirates pour dérouiller un peu les muscles rieurs avant ou pendant l'été.

Peu de critiques sur ce livre : Babelio.

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Noir et blanc en couleurs

Publié le par Yv

Noir et blanc en couleurs, Edoardo Di Muro, Éd. Roymodus, 2009

Tyara décide de quitter son pays le Sénégal, avec d'autres Africains pour gagner l'Europe. Traversée du désert, de la mer, autant d'épreuves dures qui ne sont rien en comparaison de la vie qui lui sera faite dans le pays dans lequel il finit par arriver. Heureusement, les émigrés avec qui il a fait le voyage et ceux déjà installés l'aident. Ils se soutiennent entre eux dans les moments difficiles. Quelques autochtones également. Mais sera-ce suffisant ?

Allez, une BD pour changer des polars et pour préparer aux vacances. Que je vous raconte comment celle-ci est passée entre mes mains. D'abord, j'ai lu chez Ys un article concernant une autre BD du même éditeur Le soldat inconnu vivant. Puis, je suis allé sur le site de Roymodus et j'ai échangé deux ou trois mails avec l'éditeur en personne qui m'a dit texto : "je vous conseille "Noir et blanc en couleurs" d'Edoardo Di Muro, la plus belle BD que j'ai éditée à ce jour". Une simple phrase qui évidemment a ouvert ma curiosité. Achat effectué rapidement. Lecture aussitôt et billet qui suit.

C'est effectivement une belle BD. D'abord par les dessins et les couleurs : les nuits africaines bleutées, avec un ciel magnifique étoilé, même les grandes villes européennes sont colorées ; par contre, les traits des personnages ne sont pas parmi ceux que je préfère (c'est difficile à expliquer : disons que les traits ne sont pas aussi précis que dans une BD franco-belge et que parfois, ça me gêne ;  j'ai le même souci avec J. Sfar par exemple, mais en plus, lui, ses textes sont illisibles, contrairement à E. Di Muro  !)

Ensuite l'histoire : excellente. L'émigration vue par ceux qui la vivent dans leur chair : on devrait faire lire cette BD dans les écoles et notamment du Sud de la France ! La difficulté à vivre dans les villages d'Afrique, le terrible choix de partir et les conditions dans lesquelles le trajet se fait, puis, pour finir, l'accueil des Européens, l'exploitation d'une main d'oeuvre qui se tait, ... Mais cette BD c'est aussi la solidarité, les croyances, notamment celles des Beliyans (Hommes de la terre rouge). Le caméléon, le messager, celui par qui toutes les nouvelles arrivent aussi loin qu'on soit pour peu qu'elles aient été envoyées de l'arbre consacré à Edash Andjang, leur Dieu. Ce n'est pas une confrontation des civilisations en en plaçant une au dessus de l'autre, mais E. Di Muro montre comment il est difficile de s'adapter d'une civilisation à l'autre : "En Europe vous avez inventé les montres, mais nous en Afrique on a inventé le temps... Votre vie est prisonnière comme votre Edash." (p.82) Pas de manichéisme sur les gentils noirs et les méchants blancs ou vice-versa, mais un constat sur les vies de chacun, sur leurs souhaits, leurs ambitions ; pas de jalousies ou d'envies de ce qu'est l'autre, mais une constatation que l'on peut vivre ensemble avec nos différences.

Les Beliyans vivent entre le Sénégal et la Guinée, ils ont pu préserver leurs traditions sociales et sont très dépendants et respectueux de la nature : les esprits veillent sur l'équilibre de l'écosystème, en régulant la transformation de l'environnement et leur impact sur leur milieu. (D'après les notes de fins de volume)

Vous avez donc ce qu'il vous reste à faire, pour ma part, je me porte acquéreur du second numéro de la série à sortir bientôt : L'esprit de la savane !

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Lambersart-sur-Deuil

Publié le par Yv

Lambersart-sur-Deuil, Michel Bouvier, Ravet-Anceau, 2012

Joseph est un étudiant coincé, extrêmement timide, orphelin dès son plus jeune âge, qui a été élevé par une amie de ses parents, Mme Gorlet. Depuis très longtemps, il passe ses vacances chez sa tante, dans sa propriété de l'Avesnois. Lors de son séjour, il apprend que Mme Gorlet vient d'être retrouvée dans son jardin, nue, assassinée. Attristé, intrigué, Joseph veut en savoir plus sur cette femme que finalement il connaît fort peu.

Amateurs de thrillers sanguinolents, de polars vifs dans lesquels la rapidité vaut plus que la vraisemblance ou l'intrigue, passez votre chemin ! Ou alors, venez, mais au risque d'être surpris. Nous sommes dans un roman policier lent, écrit. L'un de ceux qui peuvent réconcilier le genre avec la littérature proprement dite. D'ailleurs, est-ce vraiment un polar ? Certes, intrigue il y a. Mais j'aurais tendance à mettre ce livre dans la catégorie des romans initiatiques, de ceux qui font passer un héros de l'enfance à l'âge adulte grâce à des épreuves.

Quoiqu'âgé de 25 ans, Joseph est encore, par ses attitudes, ses atermoiements, un grand ado. Il est extrêmement brillant : thésard en sciences, mais emprunté dans ses relations à autrui en général et aux femmes en particulier. Totalement sous le joug de la religion enseignée par sa tutrice, il n'ose pas vivre comme les gens de son époque de peur de s'attirer les foudres de Dieu. Sa religion -celle que lui a transmise Mme Gorlet- est au centre de toutes ses interrogations :  le carcan qu'elle met en place pour qui veut vivre selon ses principes, la culpabilité qu'elle installe dès lors que Joseph veut vivre plus librement ; sans cesse, il y revient, un peu trop parfois, certains passages sont longs et répétés (mais cela est sûrement dû à mon anticléricalisme primaire hérité d'une éducation religieuse dans laquelle j'ai pu ressentir cette culpabilisation, ce carcan)

On est donc dans le roman d'un jeune homme qui se cherche, dans ses émois, ses tourments, ses interrogations concernant les grands sujets de la vie : les origines -pour lui qui est orphelin, c'est d'une importance capitale-, la religion -encore et toujours-, la spiritualité, l'amour, la mort. Un roman du XIXème ou du début du XXième siècle ? Tout pourrait le faire penser, l'écriture, superbe aux longues phrases subordonnées -avec un "dont" magistral !-, l'ambiance qui découle de cette écriture, les hésitations et les questionnements de Joseph qui font plus XIXème que contemporain, la lenteur, ... L'élégance du style, très "vieille France" -prenez-le comme un compliment-, de très bon aloi impose une sorte d'intemporalité voire un anachronisme puisque ce roman est bien situé de nos jours. Dès les premières pages, on entre dans cette belle écriture par des descriptions des personnages, des lieux, des fleurs, des arbres, et même des légumes du potager ! Richesse du vocabulaire, des tournures, emploi fréquent du mode subjonctif -j'arrête ici mes louanges, il m'en faudrait à peine plus pour que je me pâmasse ici, en direct !-, tout cela apporte une "classe" évidente. "Elle portait solennellement les restes au chien, un énorme mâtin qui lui mettait les pattes aux épaules pour lui léchouiller les joues, et dont Joseph avait une peur affreuse, bien qu'il fût toujours enfermé derrière les grilles de son chenil. Joseph craignait tous les animaux, mais plus particulièrement les poules et autres emplumés de basse-cour, qu'heureusement sa tante n'élevait pas ; pourtant, il aimait écouter les oiseaux, les observer parfois, à la condition que ce fût de loin et qu'ils ne bougeassent pas." (p.10)

On sent que Michel Bouvier -professeur de littérature et spécialiste de la littérature française du XVIIème siècle- s'est fait plaisir et nous fait plaisir en écrivant ce roman qualifié de policier, qui me fait quand même plus penser -au risque de passer pour un radoteur et non pas un rat d'auteur (ouais, bof,...- à un roman initiatique au charme désuet plus qu'évident -de l'art de lire des classiques en lisant du moderne- qu'à un polar contemporain.

Un dernier extrait, qui réunit le genre policier à la belle écriture : "L'inspecteur aimait beaucoup la règle ; il l'évoquait chaque fois qu'il pouvait. Joseph fut gêné de ne ressentir aucune émotion quand on ôta le drap du visage de Mme Gorlet. Elle n'avait rien au visage et il vit à peine son cou tuméfié. L'inspecteur l'observait, mais il en fut pour ses frais : s'il s'attendait à le voir pleurnicher, il pourrait repasser. La tante ne manifesta rien non plus. Elle, c'était par cette force d'âme dont, depuis toujours, il l'admirait d'être si bien fournie ; lui, par contre, il ne comprenait pas bien pourquoi il restait souvent froid aux choses dont il craignait pourtant, bien avant de les affronter, qu'elles le bouleversassent, et il avait peur que ce fût par sécheresse de cœur, bien qu'il s'estimât aussi d'être capable de résister à ses sensations immédiates." (p.93/94)

Excellent surprise !

 

région thrillers

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La cassure

Publié le par Yv

La cassure, Martina Cole, Fayard noir, 2011

Grantley, Royaume-Uni, des enfants disparaissent. Certains sont retrouvés dans des endroits improbables, pour d'autre, malheureusement, il est trop tard. La police, et plus particulièrement Kate Burrows enquête sur ces meurtres et ces disparitions qui ont un point en commun : les enfants sont issus de familles instables, mères prostituées, droguées et/ou alcoolisées et pères au mieux absents voire totalement inconnus, même des mères. C'est au cœur de l'aide sociale à l'enfance anglaise que Kate doit travailler. En parallèle, son compagnon, Patrick Kelly, caïd de la ville, est abattu en pleine rue par des malfrats avides de prendre sa place.

Après Paraphilia qui traitait des déviances sexuelles en se mettant régulièrement dans la tête des pédophiles, c'est un nouveau polar anglais qui traite du sujet, mais cette fois-ci, du côté des flics et des travailleurs sociaux qui atténuent les circonstances. C'est un thème délicat à aborder mais qui risque bien de se développer dans la littérature policière étant donnée le nombre d'affaires du genre de plus en plus médiatisées : "Il y a une trentaine d'années, la maltraitance enfantine et la pédophilie passaient complètement inaperçues, les parents étaient terrorisés à l'idée de déballer tout ça au grand jour. Du coup, le pédophile s'en tirait, au pire, avec une bonne raclée. La police n'était même pas informée, tout ça restait sous le manteau. C'est encore trop souvent le cas, tu sais. La plupart des gens se taisent, sans se rendre compte qu'ils offrent aux agresseurs la possibilité de recommencer." (p.285)

Moins dur que le livre dont je parlais plus haut, c'est néanmoins un roman qui secoue et qui tient en haleine du début à la fin. Le plus difficile est de se retrouver dans la multitude d'intervenants, mères célibataires, témoins des enlèvements, personnes qui fortuitement retrouvent les enfants disparus, malfaiteurs en plein règlement de compte, ... Tous ont des noms, des descriptions physiques plus ou moins sommaires qui embrouillent surtout si l'on ajoute les diminutifs des prénoms, les coquilles (une femme se prénomme Kathy p.270, puis Kelly, p.271, pour revenir à Kathy). Ceci étant mis à part, voilà un gros polar (presque 600 pages) qui se dévore. L'auteure nous plonge dans les bas-fonds de l'Angleterre, dans ce qu'elle a de plus miteux : misère, prostitution, drogue, alcool, prostitution enfantine, des indignités presque ordinaires dans certains milieux. C'est fort, c'est cru et direct. Un polar qui ne laisse pas insensible ses lecteurs et qui doit rester en mémoire par les images qu'il y imprime. Parent d'une part et travaillant à l'Aide sociale à l'Enfance auprès des enfants en difficulté, il trouve en moi un double écho.

L'écriture accentue encore ce ton franc et direct, le langage de Kate Burrows, femme-flic, est assez fleuri :

"Kate lui répondit par un sourire lourd de sarcasme.

- Gardez donc ça pour les jurés, ils adorent ce genre de conneries. Je vais vous ficeler un dossier tellement serré qu'à côté un cul de poule aura l'air d'un trou d'obus." (p.247)

Bon, là, évidemment, je tente de visualiser, et sans aller jusque dans mon poulailler -dans lequel, paisibles grattent Fernande et Félicie (années des "F", hommage à la chanson française) et Honorine (plus jeune, année des "H")- je vois nettement l'image. Bon, blague à part, le style est -pardonnez-moi l'expression, mesdames en particulier- "couillu", les jurons pleuvent, les paires de baffes aussi, les images abondent et les invectives fusent de part et d'autre de la table d'interrogatoire. Décapant et réjouissant.

Venons-en à l'histoire maintenant : glauque, terrible qui tient la route jusqu'au bout, surtout si on l'associe à l'agression de l'ami de Kate, à son combat pour avoir une vie en dehors du commissariat. Tout ce que j'aime : une flic dont on peut suivre en parallèle des enquêtes, la vie personnelle, pas facile, bien sûr.

L'été arrive et la lecture des polars monte en flèche -la preuve, regardez ce blog qui est quasiment devenu un repaire de lecteur de romans policiers- ; celui-ci peut et doit faire partie de vos futures plongées dans les mondes troubles des enquêtes "flicales " (j'ai cherché un synonyme à "policières" pour éviter la répétition et n'ai rien trouvé).

NB : à savoir que Kate Burrows apparaît dans un premier roman intitulé Le tueur et dans un troisième (La cassure étant le second), Impures (que je vais lire pendant mes vacances qui approchent à grands pas, et dont je vous parlerai à mon retour) ; chaque livre peut se lire indépendamment.

Merci Lilas.

 

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Éloge du dégoût

Publié le par Yv

Éloge du dégoût, Bernard Morlino, Éd. du Rocher, 2012

"Les présentateurs-vedettes-de-la-télé ont remplacé Albert Camus et François Mauriac. Être intelligent ne sert plus à rien.

Il faut se forger soi-même son propre goût qui impose le dégoût des politiciens -des carriéristes sans dimension spirituelle-, des abonnés aux émissions télévisées, de tout ce qui nous éloigne de l'essentiel.

Rester neuf pour accepter la surprise." (extraits de la note de l'éditeur)

Bernard Morlino part de sa vie, de son enfance pour nous dire ce qu'est le dégoût, son dégoût. Yv, sois franc et direct et ne tergiverse point ! Bon, j'y vais : je n'ai pas aimé ce bouquin du tout ! Ouf, voilà, c'est dit. Je n'ai pas aimé le ton systématiquement polémique, toujours opposant l'avant et le maintenant au détriment de ce dernier, bien sûr ! Je n'ai pas aimé le "tous pourris " pour les politiques. Ce livre est finalement aussi nauséabond que ce qu'il dénonce, à savoir une culture au rabais, un manque de curiosité et d'audace des différents programmateurs et des spectateurs, visiteurs, auditeurs, téléspectateurs, amateurs, ... Un livre un peu facile sur le "c'était mieux avant". De fait, dans mon éloge du dégoût, je placerai ce livre : donc finalement, but atteint pour B. Morlino ?

C'est fort dommage d'ailleurs et ma critique sévère est sans doute à mesurer à l'aune de ma déception. Car je partage certains points de vue avec l'auteur : on ne prend plus le temps de déguster, de regarder, d'admirer. Être contemplatif aujourd'hui est une tare. Vivre à un autre rythme est suspect. De quoi ? Je ne sais pas, mais suspect aux yeux des autres -je le sais, moi qui ai adopté un rythme absolument pas aux normes actuelles, je me fais parfois envier, souvent moquer (ou vice-versa, puisque la moquerie vient de l'envie). J'acquiesce aussi à la dénonciation d'une certaine culture au rabais dont je parlais plus haut, au manque de curiosité et à la volonté de flatter nos plus bas instincts pour "être connu" ou pour "vendre du temps de cerveau disponible", pour reprendre une formule désormais célèbre. B. Morlino cite beaucoup d'exemples et notamment celui de la télévision et des émissions dans lesquelles les invités ne peuvent gère parler plus d'une minute ou deux : désespérant et navrant ! Tout à fait en phase avec lui également lorsqu'il parle de littérature et de création :

"Ne devraient créer que ceux qui ont vraiment quelque chose à dire. Comment peut-on publier autant après Apollinaire, Proust, Joyce ou Céline ? On ne demande plus : "Comment écrit-il ?" mais : "Combien a-t-il vendu ?"" (p.21)

Un autre point sur lequel je suis d'accord, c'est sur Gaston Chaissac : "Chaissac aimait passer pour un plouc provincial. Il adorait l'art brut. De vieux balais, il faisait des personnages coiffés en brosse." (p.91) Mais encore une fois, il ne peut aimer Chaissac qu'en comparaison -avec Dubuffet. Moi, j'aime Chaissac et un point c'est tout ! Point besoin de comparer ses tableaux, ses oeuvres à d'autres.

Un point de discorde supplémentaire : B. Morlino aime le football. Moi, pas ! Des pages vite lues sont consacrées à ce sport ; il écrit dessus aussi sur son blog, si l'envie vous prend, c'est ici.

J'ai l'impression que B. Morlino est resté sur ce qu'il a lu et vu et que jamais oh grand jamais il ne pourrait dire du bien de livres, films, émissions actuels. C'est de la nostalgie amère. De l'acrimonie.

Premier livre de cette collection que je n'aime pas. Ça devait arriver ! Ou alors peut-être tout cela est-il de l'humour ? Je dois en manquer !

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