Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Boulogne stress

Publié le par Yv

Boulogne stress, Patrick-S Vast, Éd. Ravet-Anceau, 2012

Bertrand est un jeune cadre dynamique de l'entreprise New Events, spécialisée dans l'événementiel. Mais rien ne va plus, il est littéralement harcelé par son patron, qui lui demande de signer une fausse attestation qui lui permettrait de licencier un collègue de presque 60 ans. Bertrand peut d'autant moins s'y résoudre que les derniers quinquagénaires virés se sont suicidés : 3 en à peine un an. Le patron, Franck Brasseur, ne dirige ses troupes qu'en usant de harcèlement, moral pour les hommes, sexuel et moral -double dose- pour les femmes. Un jour, arrive dans la société, un jeune aux dents extra-longues, Lionel Durieux, ambitieux, prêt à tout pour réussir. Brasseur le colle dans les pattes de Bertrand.

Les éditions nordiques Ravet-Anceau -elles sont situées à Villeneuve d'Ascq- font dans le polar régional. La plus grande partie de leurs titres se passe dans le Nord, mais elle est aussi délocalisée. J'ai déjà eu l'occasion de lire le très bon Le cercle de Faidherbe et me voici maintenant à Boulogne.

Comme d'habitude, je vais évacuer vite les points faibles de ce livre pour ensuite me consacrer à ce que j'ai bien aimé, puisque globalement c'est un petit polar que je conseille. Je trouve que parfois l'auteur cède à la facilité : certaines situations ou des rebondissements sont prévisibles -mais il faut dire à décharge qu'il n'en est pas avare, et que donc dans le nombre, d'autres sont plus intéressants. De même parfois, Patrick-S Vast tourne court : il "torche" en deux phrases une fin de chapitre, de situation alors qu'elle aurait mérité un peu plus de développement et qu'en tant que lecteur j'aurais aimé en savoir un peu plus. Mais bon, le format du livre ne se prête pas aux débordements intempestifs.

Par contre, là où il est bon, c'est qu'il situe son roman dans le monde du travail ; en outre il y est question de harcèlement moral et sexuel ce qui le rend très actuel puisque le Conseil Constitutionnel  déclaré le 4 mai 2012 que la loi française sur le harcèlement était non-conforme à la Constitution. P-S Vast doit avoir un sixième sens puisque son livre est sorti en mai 2012 ! Le monde du travail est un contexte malheureusement formidable pour y situer un polar. Certes, dans Boulogne Stress, le patron cumule les fautes et les tares, mais pour marquer les esprits, il faut grossir un peu le trait. Encore que je ne sois pas sûr que de tels spécimens n'existassent point. "Ben, si je voulais donner dans le second degré, je dirais qu'en presque trente ans de carrière, c'est la boîte la plus nickel qu'il m'ait été donné de voir. Tout semble baigner. Les salariés ne se plaignent jamais. Les filles doivent porter des minijupes et des chemisiers transparents, mais c'est de leur bon vouloir, il y a deux cents salariés et aucun élu du personnel, mais c'est parce que personne n'en voir l'utilité... " (p.33)

Le suspense est bien mené qui monte inexorablement vers un acmé et qui reste sur ce point culminant en ajoutant rebondissements et  retournements de situation assurant au lecteur le plaisir de tourner les pages rapidement pour redescendre lentement vers un final plutôt bien vu.

Et puis, il y a aussi le pays, car c'est un roman régional -mais si l'on y réfléchit bien, tous les romans sont régionaux, ils se passent bien dans un endroit précis, n'est-il pas ? Sauf à faire voyager le héros aux quatre coins du globe-, et là je soupçonne l'auteur d'aimer cette région. A tel point qu'on a envie de découvrir la côte qu'il décrit, la Pointe de la Crèche sur laquelle Bertrand fait son jogging. Tiens, petits veinards que vous êtes, si vous êtes curieux comme moi, eh bien, voici -avant que vous n'y alliez en chair et en os- un site qui permet de découvrir ces lieux : Eden 62

En résumé : bon petit polar, pas exempt de défauts bénins et mineurs, qui vous fera passer un bon moment dans le monde du travail et dans une région qui doit mériter le déplacement.

L'auteur a un site : ici.

Voir les commentaires

Éloge du non

Publié le par Yv

Éloge du non, Jean-Claude Lamy (avec Fabienne Deval) Éd. du Rocher, 2012

"En janvier 1961, à la veille du référendum sur l'autodétermination des populations algériennes, Jean-Paul Sartre estime que la question posée n'a aucun sens. " La meilleure façon de refuser le jeu truqué auquel on veut nous faire participer ce n'est pas de dire "je ne joue pas", mais de dire "non", "non" au plan qu'on nous propose. (...) On ne peut pas se défiler en disant "je ne suis pas dans le coup". On y est. Et du moment que le piège est en place, la seule façon de ne pas y tomber, c'est de dire non." Résister, c'est dire non. (présentation de l'éditeur)

J'ai déjà lu dans cette collection, Éloge du contraire de François Bott et Éloge de la vulgarité de Claude Cabanes, tous deux très bons livres, drôles et intelligents. En voici donc un troisième , alors qu'il existe d'autres titres disponibles : Éloge de la trahison, de dégoût, de l'arrogance, du mensonge, du mauvais goût. Pourquoi écrire des éloges de vices plutôt que de vertus ? Le directeur de cette collection, François Cérésa "propose tout simplement de savoir tirer le meilleur du pire ou, mathématiquement, le plus du moins.(...) Et cela grâce à l'humour, au talent et au style d'écrivains qui, par l'alchimie du paradoxe, ont su dénicher la qualité d'un défaut, le défaut d'une qualité, ou encore le défaut d'un défaut, ce dont nul ne pourra se plaindre." (préface, p.7)

Jean-Claude Lamy part d'exemples pour nous faire son éloge du non : le premier c'est le non peu fréquent -du moins j'espère- mais néanmoins objet de certains fantasmes -peut-être masculins ?- du mariage : "Imaginez la tête de la fiancée ou du fiancé si, devant monsieur le maire, le "oui" décisif se transforme en un "non" fatal. (...) Le pire qui puisse arriver serait un jeune marié qui parte à la sortie de l'église avec le frère de l'épousée. Il a dit "oui", mais, soudain, sa nature reprend le dessus. Son comnig out est un "non" cinglant." (p.12). Suit logiquement un extrait de La non-demande en mariage de Georges Brassens. Puis de fil en aiguille, ou plutôt en suivant le fil de la pensée et du raisonnement de l'auteur on voit défiler Charles de Gaulle qui a dit non à la reddition française, Rosa Parks qui a refusé de laisser sa place à un blanc dans un bus de Montgomery (Alabama), Martin Luther King, Nelson Mandela, Mère Theresa, l'Abbé Pierre, Coluche, ...  Tous ont eu en commun à un moment ou un autre de leur vie -ou tout au long de leur vie pour certains- de dire non. Non à la ségrégation, non à l'apartheid, non à la misère, la pauvreté.

Jean-Claude Lamy balaie le vingtième siècle -et plus loin, puisque on peut lire l'histoire de certains saints de l'église : Saint Vincent Ferrier, apôtre de Bretagne, mort en 1419, et le meilleur de tous cela n'engageant que moi, en toute impartialité-, Saint Yves ! (que des saints bretons puisque l'auteur fait allusion à ceux qui "cernent" sa maison de l'Île aux Moines)

Un très bel éloge qui permet de se rappeler certaines personnes importantes, de celles qui ont fait avancer les sociétés et les mentalités. Dans ces moments où notre pays a tendance à faire des choix très discutables (ai-je besoin de dire ici mon dégoût de voir des députés d'extrême droite entrer au Parlement, parce que certains -de droite comme de gauche- n'ont pas voulu céder leur place ?) il est de très bon ton de ne pas oublier ceux qui ont bousculé leurs contemporains en osant dire non.

Je finirai par une dernière citation, la dernière phrase du livre, je vous laisse y réfléchir, vous avez quatre heures et une copie double : "Penser, c'est dire non" (du philosophe Alain)

Voir les commentaires

Flora des Embruns

Publié le par Yv

Flora des Embruns, Hervé Jaouen, Presses de la cité, 2012

Un jour, un homme étranger, danois, Hans Rosen, débarque dans un village breton. Il s'installe à l'hôtel, face au café  des Embruns. Il l'observe par la fenêtre. Ce café est tenu par Flora. Dix-huit ans auparavant, très belle jeune femme, elle y était serveuse. Fiancée à Vinoc, puis mariée, puis veuve presque aussitôt les noces, la rumeur lui a prêté une aventure extra-conjugale. Malgré les années, Flora n'a rien oublié de son mari disparu en mer et chaque jour, elle prie Notre-Dame des Péris-en-mer.

Deuxième roman d'Hervé Jaouen paru dans la collection Les petits romans noirs que je lis et deuxième très très belle appréciation. Très différent de Le fossé, il prouve tout le talent de l'auteur pour se diversifier et nous raconter des histoires. Là, le livre est plus local, se déroule dans le milieu des marins bretons : des hommes durs au mal, taiseux, courageux qui vivent essentiellement pour leur travail et des femmes vouées à l'attente, à élever les enfants et à faire vivre la famille pendant les longues absences. Flora, au départ, belle jeune fille enjouée devient par les aléas de la vie, une femme renfermée qui se consacre à son café. L'ambiance est lourde, les traditions sont omniprésentes, le pays dur et la rumeur tenace. C'est un village dans lequel tout le monde se connaît et les histoires se transmettent de pères en fils et de mères en filles, même celles qui ne sont pas avérées.

Comparaison n'est pas raison, certes, mais ce livre est à rapprocher de ce qui se fait de bien dans le genre roman noir avec ambiance poisseuse, paysage et climat très présents qui ajoutent une pesanteur à l'atmosphère déjà lourde. La Bretagne se prête bien à cette ambiance et Hervé Jaouen qui la connaît bien, la décrit excellemment : elle est à la fois une sorte de personnage secondaire et un contexte de lieu fort et parfois angoissant. Après coup, je me dis que Hervé Jaouen réussit à faire dans son livre ce que font très bien des auteurs étasuniens avec la Louisiane : même ambiance, même rôle des lieux.

Je disais un peu plus haut que H. Jaouen savait se diversifier, car autant dans Le fossé on est dans l'action pure autant là, l'auteur prend le temps de nous décrire les lieux, les personnages et bien sûr les situations, les événements qui les ont menés jusqu'à ce village dans ces conditions. Un tout autre exercice de style, largement réussi.

Je n'en dirai pas plus ; pour une fois, je fais court pour faire plaisir à une partie mon large auditoire -non, je blague- qui me reproche parfois de me laisser aller à des longueurs. Mais je reviendrai avec des articles plus longs, pour satisfaire à l'autre partie de ce large auditoire -je blague toujours, c'est la répétition qui est censée être drôle... et le mot "large" aussi, je me dois d'être totalement honnête- qui me réclame à cors et à cris des billets encore plus longs. Fichtre, que c'est dur de faire plaisir à tous !

Oncle Paul et Claude le Nocher sont sur le coup eux aussi.

Voir les commentaires

658

Publié le par Yv

658, John Verdon, Livre de poche, 2012 (Grasset, 2011)

Dave Gurney est un flic à la retraite. Après avoir arrêté les tueurs les plus retors pendant ses vingt-cinq années de carrière, il profite maintenant de son repos pour s'adonner à une pratique artistique consistant à retoucher des photos de criminels. Il reçoit un jour un mail d'un de ses anciens camarades étudiant qu'il n'a pas revu depuis très longtemps, Mark Mellery. Celui-ci, sorte de gourou pour dépressifs riches, fait appel à Dave parce qu'il est menacé. Il a reçu plusieurs courriers intrigants qui commencent à l'effrayer. Dave se prend au jeu, mais l'enquête se révèle beaucoup plus énigmatique et sanglante que prévue.

Au risque de passer pour un ignare en matière de polar -je n'en suis pas très loin, je l'avoue humblement- voire un benêt en matière d'énigme ou de goûts littéraires, j'ai beaucoup aimé ce thriller ! Mon préambule vaut parce qu'avant d'écrire ce billet je suis allé voir ce que les autres lecteurs-blogueurs en pensaient -ce que je ne fais que très très rarement. Et j'ai vu de tout :  des emballé(e)s, des mitigé(e)s et des franchement ronchons (voir sur Babelio notamment).

J'ai été embarqué dès le départ et jusqu'au bout (même si je concède que les dernières pages, celles de dénouement sont vraiment "cliché"). L'intrigue est énigmatique : un tueur envoie un courrier à l'une de ses futures victimes lui demandant de penser à un nombre et dans ce même courrier est glissé un billet dans une petite enveloppe sur lequel est inscrit le nombre auquel la victime à réellement pensé, celui qui donne au livre son titre, 658 ! Mais comment est-il réalisable ce tour de divination ?

Le reste de l'intrigue est à l'avenant, original et bien mené. Ce gros polar de 573 pages dans sa version Livre de poche (merci Marie) ne m'a jamais ennuyé. Et c'est un exploit !

Tout repose sur le principe énoncé par Sherlock Holmes ou Rouletabille : trouver "le bon bout de la raison", autrement dit : éliminer ce qui est impossible et le possible est alors la vérité, 

"Calme-toi, Jack. Il faut qu'on trouve un point de départ qui ait un sens. Ce qui semble s'être produit n'a pas pu se produire. Par conséquent, ce qui semble s'être produit ne s'est pas produit." (p.184)

Ce que d'aucuns peuvent juger un point faible, à savoir la lenteur du récit, est tout le contraire pour moi. J'aime bien lorsque l'enquête et l'enquêteur prennent leur temps. Je ne suis pas fan des thrillers hémoglobineux qui vont à deux cents à l'heure sans souci de la moindre réalité -même si parfois, j'en lis sans aucun scrupule et même pas en cachette Là, Dave Gurney est bien obligé de prendre son temps. Parce qu'il réfléchit Dave, et c'est même sa spécialité : relier entre eux tous les indices pour en dégager une théorie fiable autant que faire se peut, puis réussir ensuite à formuler LA réponse évidente, celle qui ne peut qu'être la réalité. Cela en fait un flic un peu hors norme, loin des flingueurs. C'est celui qui met la touche finale.

En prime, la vie conjugale de D. Gurney est en jeu, sa relation avec sa femme Madeleine est questionnante et peut-être pas aussi solide qu'il le pense. Elle se pose beaucoup de questions sur sa vie de femme de flic -peut-être quelques stéréotypes- et c'est ce qui rend ce récit crédible et les personnages humains, ce qui facilite l'identification du lecteur. A mon bémol sur les questions de Madeleine je peux ajouter celui sur les répétitions flagrantes des moindres indices, l'auteur prenant sans doute son lecteur pour un malade d'Alzheimer à qui il faut tout redire sans cesse, mais bon, il fait cela plutôt habilement et dans ma grande bonté, je lui pardonne.

En résumé, pour moi, un très bon polar qui fera très bien sur la plage cet été (en poche, il n'est pas trop lourd à placer dans le fond du sac). Cependant, une dernière question -extrêmement importante, que dis-je, essentielle à la bonne compréhension du roman- me turlupine : l'auteur parle souvent de "l'odeur humide de la neige" (p.296), la neige a-t-elle une odeur ? N'habitant pas dans une région connue pour ses chutes de neige abondantes, je croyais à sa consistance inodore et sans saveur. John Verdon -ou des lecteurs du blog-réussira-t-il à me convaincre du contraire ?

Voir les commentaires

Le fossé

Publié le par Yv

Le fossé, Hervé Jaouen, Presses de la cité, 2012

Longue lettre d'un père à sa fille dans laquelle il explique son geste, celui qui l'a amené en prison. Douze ans auparavant, Catherine, la fille de Xavier disparaît une nuit. Xavier part à sa recherche et découvre dans sa ville des quartiers qu'il n'avait jamais vus. Lui, le notable, vétérinaire, belle situation, marié, vit dans les beaux-quartiers. Catherine, 13 ans a des amis des quartiers de la zone et y disparaît. Xavier va tout faire pour la sortir de là jusqu'à commettre l'irréparable.

Hervé Jaouen dans un style direct et franc hisse son livre dans le haut du panier. Ecriture rapide et texte court (157 pages aérées) il se lit d'une traite sans pouvoir s'arrêter. On est à la fois dans un roman noir efficace, celui de la volonté farouche d'un homme de sauver sa fille quitte à y laisser sa réputation, sa situation, tout ce qu'il a construit petit à petit et dans une lettre poignante d'un père à sa fille lui expliquant tout l'amour qu'il lui porte et combien les non-dits entre eux (souvent de sa faute à lui) ont pu leur faire du mal. Cette lettre débute ainsi :

"Ma Chère Catherine,

Le directeur vient de me l'annoncer : je serai libéré dans quinze jours. Il faut croire que par le jeu des remises de peine légales nous sommes arrivés à l'échéance. Condamné à dix-huit années de prison, je vais être libre au bout de douze ans et cinq mois.

J'ignore s'il s'agit d'un pur hasard, ou d'une espèce de grâce, ou bien d'un arrangement négocié entre l'administration pénitentiaire et le garde des Sceaux en faveur du détenu modèle que j'aurai été. Toujours est-il que ma libération va coïncider avec ton vingt-cinquième anniversaire et ton mariage." (p.7)

Très habile, Hervé Jaouen fait monter le suspense et la tension et même si l'on sait que Xavier a tué pour sauver sa fille, on ne sait pas qui ni dans quelles circonstances, ni ce qui est réellement arrivé à Catherine. Tout se dévoile dans les ultimes pages.

J'ai découvert (un peu tard, je le concède) cet auteur avec l'excellentissime Ceux de Menglazeg et je retrouve ici, tout le brio de l'écrivain pour décrire ses personnages peu ragoûtants : "Une énorme femme barrait -occupait, remplissait ?- le couloir. Ridicule coquette aux cheveux crêpés roses, aux yeux bovins sous des faux cils argentés, aux chevilles en baguettes de tambour mais assez solides, cependant, pour supporter un quintal de chair, de graisse et d'eau. Ses seins étaient si imposants que sa robe sans manches se soulevait sur le devant, jusqu'à mi-cuisse." (p.52).

Sous prétexte de roman noir, H. Jaouen oppose deux mondes : celui de la bourgeoisie florissante et celui de la zone, des petits trafics et des crimes en tous genres. Deux mondes qui cohabitent ("le cri du crapaud en rut" selon Pierre Desproges) sans jamais se mêler. Sauf là ! Pour le pire !

Si vous ne connaissez pas encore Hervé Jaouen, voici une belle occasion de le découvrir dans cette collection sobrement intitulée Les petits romans noirs. Si vous le connaissez déjà, vous savez donc que c'est très bien. En plus, 9€ le livre, c'est abordable !

Et pour vraiment conclure, une dernière citation que j'aime particulièrement qui pourrait m'aller parfaitement, comme à nombre d'entre nous sans doute (c'est tellement bien dit que je ne peux résister au plaisir du partage) : "Je brode, Catherine. Je suis un secondaire. Mes dialogues qui auraient dû être sont toujours plus beaux que ceux qui ont été." (p.91)

Oncle Paul a consacré des billets à Hervé Jaouen, Claude le Nocher à ce livre.

Voir les commentaires

Ça coince ! (6)

Publié le par Yv

Le boucher de Guelma, Francis Zamponi, Ed. du Seuil, 2007 (Folio, 2011)

"Arrêté lors d'une escale en Algérie, Maurice Fabre est inculpé de génocide et crimes contre l'humanité. Ancien sous-préfet de Guelma, petite ville de l'Est algérien, il est accusé d'avoir ordonné et perpétré les tristement célèbres "massacres de Guelma" en 1945 : lors des célébrations du 8 mai, des émeutes nationalistes éclatèrent et furent réprimées dans le sang, faisant de nombreuses victimes parmi les Européens comme parmi la population musulmane." (4ème de couverture)

Malgré un thème, un contexte et une histoire très forts, je ne réussis pas à entrer dans ce bouquin. Peut-être le choix de l'auteur de faire de Maurice Fabre le narrateur ? Peut-être les incessants allers-retours entre passé et présent ? Peut-être les divers rapports des divers intervenants cernant la personnalité de Maurice Fabre, les faits qui lui sont reprochés ? Peut-être l'écriture de Francis Zamponi qui ne parvient pas à m'accrocher,  même si il n'y a rien à lui reprocher (ou alors c'est cela une écriture trop lisse, pas désagréable non, juste trop fade pour le sujet qu'elle aborde) ?

Ou bien tout en même temps ?

 

 

La veuve blanche, Michèle Castelli, Presses de la cité, 2012

"En 1709, au cœur de la Balagne, en Corse, la vie insulaire suit son cours, immuable. dans ce monde rural, clos et communautaire, où l'honneur justifie tous les sacrifices, il faut faire son devoir et guetter le danger permanent : pirates barbaresques, mauvais sorts, rivalités entre bergers et paysans. Ainsi naissent, grandissent la rêveuse Fiordispina et l'insouciante Anghjulina, deux cousines confrontées à la violence sourde de leur univers, qui mêle rudesse et tendresse. Pourtant, transgressant les règles sociales, chacune, à sa manière, va fuir le destin tout tracé par leur famille pour connaître un bonheur tragique mais librement choisi." (4ème de couverture)

Voilà, tout est dit. Cette 4ème de couverture que je trouve assez maladroite résume très bien à la fois le livre et ce que je ne recherche pas en lisant. Ce n'est absolument pas mon genre de littérature je n'ai rien contre a priori, mais je n'arrive pas à m'intéresser à ces histoires d'amour contrariées dans les campagnes profondes françaises. J'ai essayé, mais j'ai abandonné. Je laisse à qui aime le soin de faire un commentaire plus à propos.

 

La cinquième carte, James McManus, MA Editions, 2012

"James McManus est dépêché à Las Vegas pour le magazine Harper. Il doit y couvrir les World Series of Poker et en particulier la place grandissante des femmes dans ce tournoi à 23 millions de dollars, ainsi que la mort de son organisateur prodigue, Ted Binion, assassiné par une stripteaseuse et son petit ami. Happé, dès son arrivée, par les démons du jeu, McManus va miser tout son à-valoir pour tenter de participer aux Championnats. Ce livre est le récit incroyablement haletant de ce grand tournoi : les joueurs, les parties acharnées, la trajectoire improbable de l'auteur, mais aussi la savoureuse ambiance de carnaval qui y règne." (4ème de couverture)

Ça ne commence pas très bien pour moi : beaucoup de noms de personnages déboulent en peu de pages, avec des consonances ressemblantes, ce qui fait que je me perds et que je dois revenir en arrière pour identifier tel ou tel intervenant. Pas bon ! Énervé le Yv ! Et puis, on arrive au Poker et c'est un jeu auquel je n'entends rien, et qui ne m'intéresse pas, que voulez-vous, je ne suis pas "dans la vibe". Le poker attire, le poker suscite les passions et moi, eh bien... je fuis ! Si j'ajoute que le récit me paraît bien longuet et un tantinet ennuyeux, je passe pour un vieux qui ne comprend rien et qui en plus use de mots désuets qui finissent en "et" (prononcer "è"). Tant pis j'assume, et même je revendique, histoire d'en rajouter une couche.

Livre pour amateurs de poker et de notes de bas de page qui pullulent.

Désolé Pauline (Gilles Paris), j'ai essayé, mais je n'avais pas les bonnes cartes (Ah, ah, elle est bonne celle-ci, non ?)

Voir les commentaires

Paraphilia

Publié le par Yv

Paraphilia, Saffina Desforges, MA Éditions, 2012

Le corps d'une fillette de dix ans, Rebecca, est découvert dans une rivière. Rapidement, l'enquête menée par un flic proche de la retraite, ne peut qu'amener sur la piste d'un tueur en série. Un meurtrier ne s'en prenant qu'aux fillettes de cet âge et qui signe ses crimes du nom d'oncle Paul. Claire, la maman de Rebecca et son ami, Matt, journaliste décident de mener leur propre enquête. Ils découvrent alors ce qu'est la paraphilie, terme qui désigne les troubles psychosexuels de manière large, dont la pédophilie fait partie.

Thriller anglais assez lourd à tous points de vue. Primo, par son poids : 520 pages plutôt denses, heureusement découpées en tout petits chapitres, permettant une lecture aisée, rapide et de se reposer de temps en temps, de sortir de l'atmosphère pesante qui fait l'objet mon deuxio. Deuxio donc, et surtout, par le thème principal qu'il aborde : les crimes sexuels concernant des enfants. Dire que l'on ne ressent rien en lisant ce livre est absolument impossible. Les auteurs -puisque Saffina Desforges est un duo d'auteurs anglais- nous plongent totalement dans le monde de la paraphilie et plus précisément dans celui de la pédophilie. Il y a un discours très dérangeant qui est celui de certains pédophiles voulant faire de leur attirance sexuelle pour les enfants un simple comportement sexuel différent. Certains, dans les années 70, aux États-Unis demandaient même que soit reconnu ce droit à ce qu'ils nomment une sexualité différente, argumentant du fait que dans certaines sociétés, les enfants sont sexués ou qu'il y a longtemps, les gens vivaient tous dans une seule et même pièce et que donc les enfants assistaient aux ébats de leurs parents, entre autres arguments spécieux. Que c'est la société actuelle, moderne qui n'accepte plus la sexualité des enfants, pudibonde qu'elle est devenue. Si le propos est à la limite de ce qu'on peut supporter, ce bouquin a le mérite de faire connaître cette opinion, sans la défendre, en l'exposant telle quelle. Alors, vous dire que l'on se sent mal à l'aise en lisant de tels propos est un doux euphémisme. C'est extrêmement dérangeant, comme rarement je l'ai ressenti dans un livre. Mais d'un autre côté, je me dis que des gens existant réellement ont tenu et tiennent encore sûrement ce genre de propos, et qu'il n'est pas totalement absurde de le savoir pour pouvoir les contredire. L'objectif des auteurs n'est évidemment pas de faire l'apologie des paraphilies quelles qu'elles soient, mais d'exposer les arguments des uns et des autres. Se mettre dans la tête d'un pédophile pour tenter de comprendre ce qu'il ressent et pourquoi il peut passer à l'acte. Pas évident, je l'avoue, parfois abject, jamais rassurant. Bon, je vais arrêter là sur ce thème, parce qu'on pourrait en discuter des heures, mais sachez que les auteurs ont fait le tour de la question assez largement et qu'il n'est pas inintéressant de s'y pencher, même si cela est parfois difficile à entendre, ou en l'occurrence à lire. "Mais vue d'un œil froid et clinique, la pédophilie ne diffère en rien des autres comportements sexuels s'écartant du modèle visant à la reproduction. Ce n'est qu'une variante de plus du désir sexuel de base, causée par des facteurs génétiques, pathologiques ou socio-environnementaux ; probablement une combinaison des trois. Ce n'est pas pour autant que c'est bien ou mal. Le bien et le mal relèvent de la moralité sociale, pas de la biologie. De l'éthique, pas de la science. Les troubles sexuels sont un domaine de la nature humaine qu'on commence à peine à comprendre." (p.300)

Pour le reste, eh bien, la révélation de l'intrigue n'est pas vraiment une surprise, mais le chemin pour y parvenir est suffisamment tortueux et semé d'embûches pour tenir en haleine le lecteur jusqu'au bout, malgré de longs passages inutiles en milieu de bouquin. Quelques grosses caricatures de méchants flics qui tabassent, de vilaines travailleuses sociales qui n'aiment pas les enfants ternissent un peu le tableau. Ce thriller est noir très noir, violent pas forcément dans des scènes hémoglobineuses, mais dans des scènes d'arrachements d'enfants et encore une fois dans des propos difficiles. Âmes sensibles s'abstenir !

Merci Pauline de chez Gilles Paris.

Voir les commentaires

La compagne de Russie

Publié le par Yv

La compagne de Russie, Édouard Moradpour, Ed. Michalon, 2012

"Alexandre, brillant publicitaire français, partage son temps entre Moscou et Paris. Rapidement, il s'imprègne de la Russie postcommuniste, attaché à ses femmes découvrant les excès, les tourments de Moscou. Une succession de portraits de nombreuses jeunes femmes russes, toutes, tour à tour, plus ou moins mystérieuses, conquises par Alexandre, incapable de les aimer, mais trop faible pour les quitter. En pilier et tournant de l'intrigue, le suicide inexpliqué de la jeune et belle Aliona va jouer un rôle fondamental dans l'évolution du héros. Cette transformation le conduira dans des voies jusqu'ici méconnues de lui. Parviendra-t-il à s'extraire de l'emprise fascinante des poupées russes, elles-mêmes en quête de stabilité, de reconnaissance, de maternité, et auprès de qui elles espèrent trouver enfin un but ?" (note de l'éditeur)

En ouvrant ce livre envoyé par Gilles Paris (sans que je l'aie demandé), j'ai cru comprendre que cette histoire était un peu celle de l'auteur : une sorte d'autobiographie romancée. C'est ce qu'explique le célèbre Jacques Séguéla en préface. Et oui, Jacques Séguéla préface ! Ce qui ne fut point pour me rassurer sur le contenu du roman ! Bon, me dis-je, ne te laisse pas guider par tes a priori, ouvre et lis ! Ce qui fut dit fut fait, je résiste rarement à un ordre que je me donne à moi-même. Je suis à la fois autoritaire et obéissant. Limite schizophrène.

Bon revenons à nos préoccupations livresques plutôt que de parler des mes faiblesses voire de mes défauts. Comment dire pour ne pas être désagréable ? Bon, je veux et peux bien comprendre pourquoi un homme arrivé à la soixantaine qui subit le suicide de son amie éprouve le besoin de raconter son parcours. Celui d'Alexandre est centré sur les femmes russes. J'ai eu l'impression d'un tableau de chasse, d'un alignement ou d'un empilement -selon le mode de classement- de rencontres féminines. Des femmes dont on ne sait rien sinon, qu'elles sont toutes belles. Pas vraiment le temps pour lui de nous les présenter plus avant, ce qui est frustrant. Si je veux bien comprendre l'idée d'écrire son histoire, je ne saisis pas la suite qui consiste à la faire lire à des inconnus. Parfois, évidemment, ça fonctionne très bien, mais n'est pas bon autobiographe qui veut ! Manifestement, É. Moradpour aurait sagement dû rester publicitaire.

Aucun intérêt, même pas -ou surtout pas- littéraire ! L'écriture est maladroite, pas mauvaise, non, juste maladroite. On sent le travail pour éviter d'être mauvais. Écueil évité, mais l'auteur est loin d'atteindre les sommets de la littérature. C'est au mieux pas désagréable stylistiquement parlant.

C'est l'histoire d'un homme qui comprend enfin à 60 balais que les femmes sont plus que des rencontres éphémères pour tirer son coup -ou pas d'ailleurs ! Bon, je dis ça, mais j'ai sûrement raté des passages plus savoureux puisque j'ai arrêté avant la fin !

Très évitable.

Voir les commentaires

Proprio

Publié le par Yv

Proprio, Vincent Ravalec, Ed. Au diable vauvert, 2012 (suivi ou précédé de Comment financer sa retraite en devenant (un bon) propriétaire ?)

L'auteur prend la future réalité de sa prochaine retraite de plein fouet : points retraite x prix de point = 1880€, ce n'est pas mal, certes, mais quand c'est pour une année entière, les perspectives sont ternes et peu enviables. Lui qui souhaite pourvoir accéder à toutes sortes de plaisirs lorsque la bise sera venue cherche LA solution pour arrondir ses vieux jours. Propriétaire de logements à louer. Voilà la bonne affaire pense-t-il, mais c'est bien sûr sans songer aux méandres administratifs, financiers et aux difficultés de trouver de bons locataires. 

Vincent Ravalec s'enquiert donc de meilleur emplacement, d'une ville rentable, ... de la bonne affaire, celle sensée lui permettre de satisfaire ses futures envies de vieux :

"Et si je voulais aller aux putes ? J'avais toujours détesté la prostitution. Oui, mais ça c'était bon quand, la blague aux lèvres, j'arrivais à harponner quelques pétillantes ingénues pour leur expliquer à quel point une relation plus approfondie nous conduirait immanquablement vers une plus-value littéraire. Vieux et croulant, je serais peut-être bien content de trouver un peu de réconfort même tarifé. Seulement encore fallait-il que je puisse m'acquitter du tarif en question." (p.15/16)

Ce livre n'est pas à proprement parler un roman, c'est plutôt l'itinéraire d'un homme en butte aux demandes diverses des banques, des notaires, des artisans, qui doit faire face à des situations qu'il n'imaginait pas lorsqu'il n'était pas encore propriétaire. Comme dirait l'autre : "Ça sent le vécu !". Toujours V. Ravalec garde le sourire -jaune parfois. Son récit est traité sur un ton humoristique, un rien détaché, quand bien même en tant que futur proprio, il est très attentif aux démarches, visites et tracasseries diverses. Ce n'est pas un vrai guide d'un professionnel de l'immobilier, mais c'est plus réel et plus drôle ! Si vous avez vu la pièce ou le film de et avec Dani Boon, La maison du bonheur, qui n'est pas un chef d'oeuvre je vous l'accorde, mais qui réussit très largement à me faire rire, les prestations offertes par les ouvriers -les excellents Zinedine Soualem et Laurent Gamelon- et l'atmosphère d'amateurisme -et c'est un euphémisme- qu'ils dégagent ne sont pas très loin des situations que peut décrire l'auteur.

La seconde partie du bouquin, elle, est un guide pour devenir un bon propriétaire. Je dis seconde partie, mais ce n'est pas si clair que cela si je m'arrête un instant sur le livre en tant qu'objet. D'abord, la couverture entière -les quatre pages- sont soignées : dessins de l'illustrateur du livre Jean-C. Denis et photos des deux auteurs en pages intérieures. Qualité habituelle chez cet éditeur. Ensuite, lorsque j'ai eu le livre entre les mains, je me suis demandé par quel bout le commencer. Car il est fait en deux parties : Proprio dans un premier temps -ou pas- et si l'on retourne le livre comme une crêpe eh, bien on tombe sur la seconde partie-ou la première ?- Comment financer sa retraite en devenant (un bon) propriétaire ? : les deux parties sont tête-bêche. Un livre original par la forme qui préfigure l'originalité du fond. Un contenant qui ravit autant que le contenu.

Voilà donc une lecture qui sort de l'ordinaire, à la fois drôle et sérieuse, très bien écrite et intelligente qui me sort un peu des romans qui font ma pratique de lecture principale. Que demander de plus ? 

 

                                            dialogues croisés

Voir les commentaires