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Femmes en colère

Publié le par Yv

Femmes en colère, Collectif, Éd. In8, 2013.....

Coffret qui contient quatre nouvelles écrites par quatre auteurs différents et qui ont en commun, comme le titre le laisse entendre, de mettre en avant des femmes en colère. Attaquons dans mon ordre de lecture :

La sueur d'une vie, de Didier Daeninckx : un groupe de femmes âgées, la plus jeune de 73 ans, décide de monter une opération contre la Nova Caixa, la Caisse d'épargne espagnole. Après avoir réclamé de l'argent, elles montent dans le bureau du directeur et chacune explique les raisons de son geste, raconte ce qui l'a amenée jusque dans ce bureau. "Écoutez monsieur... J'ai 73 ans, et je suis la plus jeune de la bande... [...] Si vous nous traînez devant les tribunaux, je doute que ça fasse une bien bonne publicité à votre établissement dont la moitié des clients sont des retraités A vous de voir. Et si vous nous faites condamner, la prison nous fera économiser les deux repas quotidiens qui affament notre porte-monnaie !" (p.12/13)

Kebab Palace, de Marc Villard : Cécile, alcoolique au dernier degré tente de survivre avec Lulu sa fille de 16 ans dans un mobil-home d'une petite ville alsacienne en face d'une communauté chinoise. Un soir d'hiver en rentrant, elles voient le cadavre d'une jeune chinoise ligotée, les yeux grands ouverts. Elles décident de tendre un piège au tueur qu'elles ont repéré. "Cécile avance dans les rues de Ritsheim. Il lui faut un bar. Un endroit où elle pourra trouver du Sherry, du Picon grenadine, un Pouilly fuissé à température quoique ça fasse un peu chochotte, un pur malt de Douarnenez, un Gewurtz évidemment, un litre de Villageoise, une Côte, une vodka russkof, un fond d'Aquavit. Elle passe devant le Pied de Cochon fermé, le Balto fermé, le Rade des Écoles fermé, le Modern Café fermé. La neige fondue lui glace les pieds." (p.7)

Disparitions, de Dominique Sylvain : Elsa part à Bangkok à la recherche de son ex-mari, Cédric. Il s'est installé dans cette ville avec Issara et leur enfant, qui au départ devait être celui de Cédric et d'Elsa, Issara étant mère porteuse. Mais Cédric est tombé amoureux de la jeune femme. "La rage, c'est un sabre planté dans ton œsophage. Une lame brûlante qui irradie. Ce sabre te fait souffrir. Chaque minute, chaque seconde. Mais en échange, il te donne une grande force. Celle d'aller jusqu'au bout de ce que tu as décidé. Non, ils ne savent pas. Ni elle, ni lui. Surtout lui." (p.5/6)

Tamara, suite et fin, de Marcus Malte : Tamara, guyanaise, fille d'un bagnard et d'une descendante d'esclave hérite d'une petite ferme en métropole. Elle s'y installe, élève des cochons, mais sa couleur et le fait qu'elle soit une femme seule attisent jalousies et méchancetés. Les pires sont le père et l'oncle d'une fillette d'une dizaine d'années qui convoitaient le terrain. Cette fillette devient la seule amie de Tamara. "La Guyane est le plus grand de tous les départements français. On n'y pense pas toujours. Je suis chez moi, ici. En France. Je n'ai même pas eu à choisir. Et s'il y en a que ça dérange, il fallait y penser avant. A ma connaissance les indigènes n'ont supplié personne de venir les coloniser. A ma connaissance il n'existe pas encore d'instrument pour mesurer le degré d'appartenance à la nation. Une sorte d'échelle, établie en fonction de certains critères et selon laquelle on serait un peu français, beaucoup français, français pur jus. AOC. Gloire à qui obtiendra le fameux label. Ça viendra peut-être ce système. Sûrement que ça viendra, mais en attendant la seule question qui compte c'est : être ou ne pas être. Moi, je suis. J'insiste. Pas parce que je m'en trouve particulièrement fière, mais parce qu'il n'y a pas de raison qu'on me le retire. On l'a payée assez cher, notre franchise." (p.10)

Autant vous dire tout de suite que ces 4 nouvelles sont excellentes. Écrites par trois hommes (?) et une femme, elles sont dans la mouvance des Femen ou des Pussy Riot. Les femmes dont les vies sont racontées, même affaiblies par la misère, l'alcool, l'abandon et/ou la violence qui leur est faite sont fortes. Elles réagissent, ne se laissent pas abattre et même si on peut parfois penser qu'elles ne le font que pour elles-mêmes, leur combat est beaucoup plus large que leur seule personne. Elles se battent pour être reconnues, parfois, juste pour survivre pour se sentir vivantes. Les hommes sont salauds ou lâches lorsqu'ils ne sont pas les deux en même temps.

J'ai déjà lu les trois écrivains masculins du coffret que je trouve très bons : D. Daeninckx excelle dans les romans courts ou les nouvelles, toujours écrits dans un contexte politique, économique ou historique qu'il rend excellemment bien, comme cette fois-ci la récente crise espagnole. Marc Villard écrit également beaucoup de nouvelles noires mettant en scène des gens "normaux", de ceux qu'on croise tous les jours, comme Cécile et Lulu. Marcus Malte est souvent dans des récits un rien pervers, qui jouent avec nos nerfs, alambiqués et terriblement bien maîtrisés avec ici une scène très crue que je vous laisse découvrir. Je ne connaissais Dominique Sylvain que de nom, je la découvre ici, dans cette nouvelle noire, très bien construite, originale et bien menée ; sans doute la plus féminine des 4, celle qui parle du désir d'enfanter, de porter un bébé.

Chaque nouvelle est indépendante. On peut donc en acheter une seule, ou deux, ou trois (pour 4€ chacune) ou le coffret contenant les 4 pour le prix d'un roman. Plus de renseignements sur le site des Éditions In8

 

polars

rentrée 2013

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Lady Hunt

Publié le par Yv

Lady Hunt, Hélène Frappat, Actes sud, 2013...,

Laura Kern est une jeune femme qui travaille pour une agence immobilière des beaux quartiers parisiens. Elle est à la fois témoin et victime de phénomènes étranges : un rêve récurrent autour d'une maison ; un véritable cauchemar, car cette maison la terrifie, la disparition et la réapparition d'un petit garçon dans un appartement que ses parents visitent... Tous ces mystères lui font peur, lui font toucher du doigt la maladie dont son père fut victime et qui peut se transmettre aux descendants.

Dans le cadre des Matchs de la rentrée littéraire, Price Minister distribue des livres aux "blogs littéraires les plus influents de l'Hexagone" : eh, relisez ça, je fais partie des "blogs littéraires les plus influents de l'Hexagone" ! Ah, ça fait du bien de l'écrire et de le lire deux fois, si je m'écoutais, je le triplerais, mais ma modestie naturelle m'en empêche (putain, un des "blogs littéraires les plus influents de l'Hexagone" quand même !). Ah, la vache !

Pouf pouf, je me rajuste et je reviens à ma préoccupation principale, vous parler de ce roman d'Hélène Frappat dont j'avais apprécié Par effraction il y a assez longtemps, avant que ce blog ne devienne l'un des "plus influents de l'hexagone" -désolé, c'est trop bon, je ne peux pas m'en empêcher. L'auteure crée un monde qui tire vers le fantastique, genre dont je ne suis point féru. Ces moments d'irréalité sont ancrés dans des passages très réels : des visites d'appartement, de maisons. Un total décalage qui m'a bien plu. J'ai été emballé pendant les deux premières parties (140 pages) et ai ressenti une lassitude  à ce moment-là. Mon plaisir du départ était quelque peu émoussé par les longueurs, par cette histoire qui n'avançait plus et Laura qui faisait elle aussi du sur-place. J'ai accéléré un peu mon rythme de lecture, passé des pages, sauté des paragraphes sur les 170 dernières pages. Toujours mon souhait de concision. Malgré mes évitements, je dois dire que je reste sur une belle impression. Hélène Frappat sait créer une ambiance propice à son récit mi-réel/mi-fantastique, ses personnages (beaucoup de femmes), Laura en tête sont attachants, troublants et complexes. Grâce à des détails distillés ça et là, on saisit des bribes de l'histoire de la famille Kern avant des paragraphes explicatifs disséminés dans les différentes parties. Tout se tient, tout s'explique dans un très bon final.

Un roman pas banal qui a le mérite d'aller dans des sphères assez peu explorées par les romans français contemporains et qui, mine de rien, grâce à une écriture fine et poétique restera sans doute un moment en les mémoires de ceux qui ont eu la chance de le lire. L'atmosphère, l'ambiance ouateuses, brumeuses, tant dans le climat que dans les têtes des héroïnes concourent à l'installer durablement dans nos esprits. Il commence ainsi :

"La première fois que j'ai vu la maison, les arêtes de ses murs en briques disparaissaient sous une brume grise. La maison se dresse en haut d'une rue en pente Malgré le brouillard lumineux qui l'enveloppe, son ombre imposante se détache sur les villas environnantes. C'est une brume de fin de journée, un halo gris qu'absorberont bientôt les rayons blancs du crépuscule, juste avant la nuit, et la maison aura disparu." (p.11)

Un grand merci à Price Minister. Et puisqu'il faut mettre une note, j'attribue un 14/20

Babelio recense plein d'avis divers

 

rentrée 2013

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Le vignoble du Diable

Publié le par Yv

Le vignoble du Diable, Philippe Bouin, Presses de la cité, 2013...,

Saint-Vincent-des-Vignes, en plein beaujolais, est en plein émoi : Joseph Marzot, le maire est retrouvé assassiné au sommet du mont Brouilly. Autour de lui, des sortes de talismans, de signes cabalistiques grossièrement fabriqués. A-t-il bien fait d'acheter la parcelle appelée le Vignoble du Diable ? Archibald Sirauton, vigneron, propriétaire de Manoir de l'Ardières devient maire par intérim, lui ex-premier adjoint. Mais il est aussi un ex-juge d'instruction qui a démissionné pour reprendre le domaine familial, et le démon de l'enquête est toujours en lui, surtout lorsque le flic en chef est le commissaire Poussin, un butor intéressé surtout par son avancement quitte à foncer sur n'importe quelle piste même si celle-ci peut ruiner totalement l'image -et donc le commerce- des vignerons locaux.

Belle surprise que ce polar estampillé Terres de France. Il allie le sang des victimes à celui de la vigne, et même si le Beaujolais n'est pas ma région viticole favorite, disons que je ne la connais pas beaucoup, je suis plutôt sud-ouest (Madiran, ah un bon Madiran, ou un Irouléguy !) mais si un ou des viticulteurs passant par ici se trouvent fort dépourvus par ma méconnaissance de leur vignoble, je suis tout à fait prêt à recevoir et goûter de bonnes bouteilles (dans ce cas, je lâche très volontiers mes coordonnées), et promis, je reviendrai ici donner mes impressions de buveur (avec modération, évidemment). Par la même occasion, si d'autres vignerons d'autres régions veulent également faire partager leur travail, je ne suis pas sectaire, je goûterai tout avec grand plaisir (sur la droite de l'article cliquez sur "contact"). Bon, après cette parenthèse que j'espère fructueuse, revenons à nos raisins beaujolais. L'intrigue est assez alambiquée pour tenir jusqu'au bout, même si certains aspects sont très prévisibles. La belle surprise vient surtout du plaisir évident qu'a pris Philippe Bouin à écrire ce bouquin et celui qu'on prend à le lire : langage léger, décontracté, pas coincé ni du bulbe ni d'ailleurs ; un français fleuri mâtiné de patois beaujolais (glossaire en fin de volume dont on a à peine besoin, en  fait, je ne l'ai pas consulté). Ajoutez à cela de belles réparties dans les dialogues, des jeux de mots, des blagues potaches :

"- Aïe, aïe, aïe... Poussin n'est pas un poulet, c'est un courtisan.

- On le sait tous, monsieur Sirauton, et j'ai peur qu'il s'en tienne à la version sectaire, plus médiatique que la trompe-couillon.

- Je le crains aussi. Poussin noierait son poisson rouge pour passer à la télé." (p.64)

De beaux personnages, hauts-en-couleurs et en premier Archi, ex-juge costard-cravate-cheveu-court, devenu vigneron barbu-chevelu-baba-cool, sans oublier Bougonne la gouvernante du manoir et Tirbouchon, le chien doté d'un sens de l'observation peu commun et à qui colle parfaitement l'expression "Il ne lui manque que la parole" : il nous fait d'ailleurs les honneurs de la visite du manoir dès les premières pages. Alouette, travesti qui arpente les routes du village au volant de son camping-car bénéficie d'un portrait dont je ne peux raisonnablement vous priver :

"Coffrée comme un blockhaus, la tignasse babélienne, Alouette était du genre dodu. Des tonnes de rimmel couvraient ses yeux porcins. Des surcouches de poudre masquaient ses traits épais. Côtés fringues, les habitués des rues chaudes en voyaient peu de si professionnelles. Avec ses cuissardes dartagnesques, ses bas résille et son chemisier léopard, la consciencieuse respectait la tradition." (p.217/218)

Je ne connaissais pas du tout Philippe Bouin, qui, ai-je appris a déjà écrit plusieurs romans policiers dont des enquêtes menées par Sœur Blandine et Dieudonné Danglet ; comme eux, je ne doute pas un instant qu'Archi revienne pour de nouvelles aventures joyeuses et policières.

 

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Calibre 16 mm

Publié le par Yv

Calibre 16 mm, Jean-Bernard Pouy, Éd. In8, 2013....

Vincent Cortal est un paisible jeune retraité de l'éducation nationale qui, depuis la mort de sa femme, pour être honnête, s'emmerde un peu. Convoqué chez un notaire, à sa grande surprise il hérite de Matilda Rosken. En faisant appel à ses souvenirs lointains, il l'a fréquentée trente ou quarante années auparavant, lorsque cinéphiles très avertis, ils visionnaient des films expérimentaux. Films que Matilda a gardés et dont Vincent hérite. L'os dans cette histoire, c'est que Matilda a été torturée et tuée sans doute à cause de ces bobines... Le jour où Vincent se sent suivi, l'héritage devient lourd.

Quand on aime JB Pouy, on ne s'en lasse pas. D'abord, il a la bonne idée d'écrire des textes courts qui ne font pas dans le superflu. Dans cette collection Polaroïd de In8, on est plutôt dans la nouvelle ou le court roman (62 pages). Ensuite, son langage est direct, franc, imagé et souvent teinté ou nimbé d'humour et d'ironie. Quelques piques ça et là aux politiques (pas forcément ceux de droite) : "Longtemps après, transporté en soins intensifs, un interne, avec tout à fait la gueule de Dr House, m'a détaillé, dans un brouillard épais comme un discours de Mélenchon, l'état des lieux."(p.33), aux décideurs de tout poil qui décident donc, mais en dépit du bon sens. 

Dans Calibre 16 mm, bienvenus dans le monde du cinéma expérimental, déjanté dont JB Pouy est amateur (d'après la 4ème de couverture qui précise également que lui-même s'y est essayé). Un monde qui m'est totalement étranger, même si Madame Yv me dit parfois que ce que je regarde est bizarre. Sortent du chapeau de l'auteur des noms de cinéastes et des titres de films totalement inconnus : Piero Heliczer, Gerard Malanga ou James Whitney  et son film Lapis (que vous pouvez voir, comme je l'ai fait, en cliquant sur le titre) : "James Whitney avait mis un temps infini pour exciter chimiquement des centaines de points, de sels minéraux, sur chaque photogramme vierge, vingt-quatre par seconde, donc il faut imaginer les heures et les jours, les mois et les années passées pour organiser un magma et un chaos pointillistes en, petit à petit, un magnifique mandala." (p.28). Ces personnes que JB Pouy cite existent ou ont existé, et il transmet sa passion pour cet art et nous donne envie de les découvrir, au moins de connaître un peu le parcours de ces artistes qui ont beaucoup gravité autour de Andy Warhol.

Et l'intrigue, me direz-vous ? Eh bien, elle monte, elle monte, tranquillement, Vincent se fera tabasser par des mastards, résidera à l'hosto et renouera avec son fils, Gilbert, perdu de vue depuis le décès de sa femme et qui évolue dans le foot, un domaine que Vincent ne connaît ni n'apprécie et vice -versa en ce qui concerne le cinéma expérimental et Gilbert. Bon, perso, je vous ai mis un lien vers le cinéma, vers le foot, débrouillez-vous, je n'y connais rien et ces multimillionnaires en short ne me font pas vibrer. Tout juste réussissent-ils à me dégoûter... Je crois que même un polar dans ce milieu, je ne le lirai pas, à moins que JB Pouy ne s'y colle ?

 

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Les petits contretemps

Publié le par Yv

Les petits contretemps, Gaëlle Héaulme, Buchet-Chastel, 2013..,

"Et si on donnait libre cour à nos pulsions et à nos pensées les plus noires ? Les petits contretemps, ce sont ces moments de basculement, où tout change soudain de couleur et de rythme. Des instantanées, des "vignettes", qui, dans une écriture très visuelle, fixent avec cruauté ces instants où tout dérape." (4ème de couverture)

Un recueil de nouvelles souvent très courtes qui commence très fort :

Déjeuner en paix : une femme aimerait bien prendre son petit-déjeuner au calme, mais son mari est aux petits soins. Je ne lis pas les 4èmes de couverture avant, ce fut donc une surprise et je me régalais à l'avance des histoires suivantes.

Las, cette première est sans conteste la plus efficace du recueil, les autres nouvelles sont moins percutantes, ce sont des tranches de vies ordinaires, mais de vies tellement plates, sombres et pessimistes. C’est un peu comme si vous passiez une soirée en charmante compagnie. Le dîner est excellent et lorsque la donzelle ou le damoiseau selon que vous êtes un garçon ou une fille ou vice-versa est ou sont je ne sais plus combien on est avec tout ça, je ne maîtrise plus rien, je ne voulais pas faire une partie fine, juste une soirée à deux. Pouf pouf, je me reprends, l’autre partie est partante (belle assonance !) pour plus si affinités et manifestement affinités il y a. Voilà deux personnes consentantes qui se retrouvent seules avec des idées derrière les têtes et ailleurs aussi, si je puis me permettre. Doucement, les préliminaires débutent, prometteurs, chacun étant au summum de son désir, et là, patatras, la belle (ou le beau) se met à parler de sa mère (ou de son père ou de ses ex ou de son chien ou de l’ombre d’icelui voire d'iceux, faites vôtre la formule qui vous plaira)… quelles débandade certaine et frustration énorme ! J'ai préservé les sensibilités de tous, j'ai essayé d'être soft dans ma métaphore, j'aurais pu tout aussi bien dire que la belle ou le beau enlevant ses atours n'était plus que l'ombre de lui-même ou d'elle-même : le décolleté tentateur s'est dégonflé et le slip kangourou tâché du bellâtre a dégoûté madame de l'accouplement. Chacun prend pour lui l'image qu'il veut... 

Moi, qui suis d'une nature optimiste je suis sorti de ce livre démoralisé. Il n'y est question que de séparations, d'abandons, de départs, de maladies, de morts. Une femme quitte son mari, un homme quitte son épouse (pour une plus jeune bien sûr). Chacun partant sur une impulsion, abandonnant époux(se) et enfants. Un constat amer et totalement désespéré sur la vie qui va vite, sur la perte de la jeunesse et des illusions. Totalement désabusé et sans espoir.

Cependant, dans le lot des 35 nouvelles, certaines m'ont plu  (des tentatives pour remettre le couvert dirais-je élégamment dans le cas d'une métaphore filée) :

The king fridge : "On est dans le lit tous les deux. On se repose un peu. Les triplés dorment, à côté de nous, c'est l'heure de la sieste." (p.39) Ou comment un réfrigératuer de type américain peut faire basculer des vies.

J'ai quelque chose à te dire : "Je suis en train de beurrer le pain de mie pour les croque monsieur quand il entre dans la cuisine et reste planté là à me regarder." (p.79) Comment réagir face au départ de son mari qui laisse la maison en chantier ?

L'aire du repos : "Soudain, Jimmy n'est plus là. On se retourne, son père et moi, on ne le trouve pas." (p.99) Un enfant disparaît sur une aire d'autoroute ; chacun se rejette la faute.

L'amertume du chocolat : "Il s'est levé très tôt pour fabriquer un gâteau avec une recette de sa mère." (p.115) Très belle nouvelle sur les rapports belle-mère-beau-fils autour d'un gâteau au chocolat.

Comme une odeur : "Je suis à l'hôtel avec mes filles. Je regarde par la fenêtre en buvant mon café. Je vois ma maison qui brûle. Tiens, la maison brûle." (p.137) Quand le partage après une séparation est difficile.

Elles sont un peu différentes des autres par l'angle de narration, le trait d'humour ou d'ironie, le très léger espoir qu'on peut y lire. L'écriture générale de ce recueil est comme il est précisé en 4ème de couverture très visuelle : des phrases courtes décrivant la vie quotidienne, les questionnements de tout un chacun, des dialogues qui virent souvent à l'explication, des non-dits, des soucis de compréhension.

Si vous êtes motivés, en joie, tentez votre chance, si vous êtes un rien déprimés, je ne suis pas sûr que ce livre soit bon pour le moral, écoutez plutôt la Compagnie Créole...

 

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Machine Gum

Publié le par Yv

Machine Gum, John Martz, Éd. La Pastèque, 2013...

John Martz met en scène le petit robot de la couverture pour des petites saynètes dans lesquelles il se métamorphose, se brise, se décompose, se multiplie, ...

Ce n'est pas une bande dessinée à proprement parler ni ce qu'on appelle désormais un roman graphique : c'est une suite de dessins qui raconte de petites histoires sans paroles et en noir et blanc.

 

Voilà par exemple l'une des pages.

N'étant point spécialiste du genre dessin, ni des interprétations d'iceux, de ce que peut bien vouloir dire John Martz en utilisant son robot, je suis bien en peine pour faire mon billet. Peut-être suffit-il de se laisser porter, de se laisser faire et de juste apprécier le trait et l'humour qui se détache des planches. C'est ce que j'ai fait ou tenté de faire, et je peux dire que j'aime bien ce personnage aux multiples facettes, la manière qu'a J. Martz de jouer avec les formes. Le robot devient ver ou serpent, humain, se déguise en des personnages qu'on reconnaît immédiatement : Mickey Mouse et Mafalda par exemple. Un exercice qui paraît assez austère sur le papier et qui se révèle plein de trouvailles, d'astuces et de drôlerie, qui peut même faire réfléchir sur la condition humaine, mais en écrivant cela, je suis en totale opposition avec ce que j'ai noté plus haut, et je fais mon psy à deux balles. Mais bon, m'est avis quand même qu'en grattant un petit peu, on pourrait interpréter les dessins de John Martz assez finement. Mais juste les regarder et se laisser faire est déjà une bonne approche.

Un petit dernier, un de ceux que je préfère 

Un merci à Lifly et sa Voie des Indés et à l'éditeur, La Pastèque.

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Sur ta tombe

Publié le par Yv

Sur ta tombe, Ken Bruen, Fayard noir, 2013 (traduit par Caherine Cheval et Marie Ploux).....

Un prêtre est agressé par une fille et deux garçons, devant une église, laissé pour quasi mort. Jack Taylor est engagé par un autre prêtre, Gabriel, membre d'un groupe auto-chargé de sauvegarder la réputation de l'Église (ce qu'il en reste); Jack doit retrouver le trésorier de ce groupe qui s'est fait la malle avec 750 000 euros. Puis Jack est enlevé, tabassé et mutilé, deux doigts de la main droite coupés, on lui en veut à lui et à ses amis hors norme. 

Neuvième et pénultième aventure de Jack Taylor : vivement la suite, même si c'est l'ultime ! Toujours pareil avec lui, ça commence avec un Jack Taylor qui picole, qui résout une petite affaire ici ou là, le train-train quoi ! Et puis, tout part en quenouille sans "en" avoir l'air, et le lecteur est ferré, totalement accro et incapable de lâcher le livre, tout en le lisant lentement pour bien savourer. Les moments qui suivent la lecture d'une enquête de Jack Taylor, ma tête est encore en Irlande (enfin, je dis cela, mais je n'y suis encore jamais allé, à mon grand regret. Un jour sûr.) Pour qui aime Jack, il ne sera pas dépaysé, il encaisse, il encaisse et finit par rendre monnaie de la pièce, même très amoindri. Parce que le Jack, il est pas aux standards des privés de littérature ou de cinéma : il est alcoolique à un degré très élevé, dépendant du Xanax, boiteux, un tympan crevé et équipé d'un sonotone et maintenant, il perd deux doigts ; physiquement, il est pas au top, disons que ce n'est sans doute pas George Clooney ou Brad Pitt qui pourraient l'interpréter, mais plutôt Richard Bohringer (même s'il est un peu vieux pour le rôle, et avec tout le respect et l'admiration que j'ai pour lui) ou quelqu'un avec un physique approchant : "Mais qu'il soit alcoolique au dernier degré et, elle le soupçonnait, accro à pratiquement toutes les substances illicites en circulation n'y changeait rien : le jour où vous vous retrouviez le dos au mur, c'était vers cette épave vieillissante à moitié sourde et affligée d'une patte folle que vous vous tourniez." (p.103). On lit les enquêtes de Jack Taylor pour le plaisir de le retrouver, pour prendre de ses -mauvaises- nouvelles et toujours ravi qu'il tienne encore debout. Mais on lit aussi pour le style Ken Bruen, relâché, oral, sarcastique et ironique, drôle, un rien détaché : "Un catholique non pratiquant, c'est quelqu'un qui protège ses arrières" écrit-il en exergue d'un chapitre (p.49). 

Cette fois-ci en plus de Jack et de ses aventures, de la critique d'une certaine manière de pratiquer sa religion, Ken Bruen, par petites touches parle de l'Irlande, des difficultés auxquelles elle est confrontée : chômage, pauvreté, désarroi des Irlandais devant ce qui leur arrive, hiver glacial qui ne les rend pas optimistes : la crise les touche de plein fouet, violemment empêchant les plus faibles de réagir et les plongeant dans la misère et les galères. On est loin de l'Irlande des grands espaces verts, Galway est une ville qui souffre. "L'Irlande commençait  à émerger de trois semaines ininterrompues de chute de neige et de températures polaires. Du jamais vu. Les piétons, piégés par des trottoirs transformés en patinoire, se retrouvaient avec, qui un bras, qui une jambe, dans le plâtre. Le gouvernement avait importé de sel d'Espagne. Putain, je savais que le pays manquait d'à peu près tout, et d'ironie en particulier, mais de sel ? Et puis quoi encore ?" (p.181/182)

Je n'ai pas lu toutes les enquêtes de Jack, c'est seulement ma quatrième, ou je deviens un aficionado, ou alors elles gagnent en qualité, ou les deux mon général. Toujours est-il que j'attends la suivante et dernière de pied ferme. En plus la playlist de Jack est facile à suivre, et il vient de me faire découvrir The Saw Doctors qu'il vénère ne pouvant s'empêcher de balancer une vacherie à Bono (de U2) : on ne se refait pas, Jack est direct et franc.

 

rentrée 2013

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36 heures de la vie d'une femme (parce que 24, c'est pas assez)

Publié le par Yv

36 heures de la vie d'une femme (parce que 24, c'est pas assez), Agnès Bihl, Éd. Don Quichotte, 2013....

Agnès Bihl est chanteuse. Elle vient de sortir son dernier album, qui porte le même long titre que ce recueil de nouvelles. Et puis, elle se dit qu'un album, c'est bien mais qu'un album, plus un livre qui reprend les titres et les thèmes des chansons, c'est encore mieux !

Emballé on l'est dès le titre (référence, est-il besoin de le rappeler à Stefan Zweig), et ça continue du début à la fin. Le début, parlons-en : avant chaque départ de nouvelles, Agnès Bihl écrit, en exergue, un mot (ou plusieurs) en rapport avec le thème évoqué et sa (ou leurs) définition(s) réelle(s) et inventée(s). Souvent drôles, comme l'ensemble du livre d'ailleurs. l'auteure oscille entre humour, tendresse, mélancolie, l'amour, la vie, la mort, tous les thèmes sont abordés. Ce qui est vraiment plaisant, c'est le ton général du recueil : Agnès Bihl joue avec les mots, les expressions qu'elle détourne ("De toute façon je le connais, il a de la fuite dans les idées", p.14), les titres de livres, de films ou de chansons ("Ce n'est pas tous les jours facile d'être une femme libérée... d'ailleurs je suis libre tous les soirs.", p.12/13). Les nouvelles ont une chute inattendue et drôle, ou sont une tranche de vie. Elles mettent en scène des gens normaux, des blaireaux, des cons et des pimbêches, des filles seules désespérées de l'être, des dragueurs, des cocu(e)s -tiens, à ce propos, j'ai beaucoup ri en voyant la définition du cocu selon une des héroïnes d'A. Bihl :"Et puis, très honnêtement, un cocu, qu'est-ce-que c'est ? C’est juste un échangiste qui s'ignore, voilà tout." (p.90)-, une femme anti-mariage pour tous, un psy et même un fœtus pour la nouvelle la plus tendre, celle dans laquelle A. Bihl prend le moins de distance avec ses personnages, La plus belle, c'est ma mère. D'autres nouvelles sont plus dures, comme Insomnie, ou comment être indifférent à ce qui se passe chez ses voisins ou Le baiser de la concierge, très émouvante et révoltante et la violente Bon dieu, mon vieux. En tout 17 nouvelles, en comptant le Journal à bord de l'écriture qui reprend la genèse du livre et des nouvelles menée en même temps que les concerts et la fin de l'album.

Difficile de dire quelles nouvelles ont ma préférence, car au fur et à mesure que je les lisais, je les cochais toutes comme telles. L'écriture de l'auteure, ses ("mauvais") jeux de mots devant lesquels, selon ses principes, elle ne recule jamais -surtout ne cédez pas à la facilité des bons jeux de mots, gardez vos principes, les mauvais sont ceux qui me font le plus rire : "Cette fois je le jure, plus jamais je ne boirai une goutte d'alcool, croix de bois-croix de fer, si je mens, je vais prendre une bière ! Déjà que fumer tue... mais si en plus le bar t'abat, ..." (p.74)-, l'angle délibérément humoristique qui n'empêche ni la profondeur ni les questionnements, la brièveté des histoires sans frustration d'en quitter les protagonistes, tout me sied, tout me plaît. 

Le genre de livre qu'on peut entamer avec le moral un peu bas et qui le remonte illico. Le genre de livre qu'on garde pas loin de soi, parce que relire un petite nouvelle de temps en temps, ça ne fait pas de mal, au contraire. Me reste plus maintenant qu'à écouter le disque d'Agnès Bihl, ce que j'ai fait pour La sieste crapuleuse en allant directement sur le site de l'auteure-chanteuse Agnès Bihl

Merci Inès (tu as raison, ça me va parfaitement, j'en redemande même !)

 

rentrée 2013

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Françoise Dolto, la déraison pure

Publié le par Yv

Françoise Dolto, la déraison pure, Didier Pleux, Éd. Autrement, 2013...

En reprenant les correspondances de Françoise Dolto, ses livres, ceux de ses proches, son fils Carlos notamment, Didier Pleux décortique le raisonnement et le chemin qui a mené la jeune Françoise Marette, jeune fille de bonne famille, milieu aisé, protégé en ce début de 20ème siècle, adepte très tôt de la psychanalyse, père très conservateur, proche de la droite extrême de l'époque (Françoise fréquentera les Maurras et Léon Daudet), à édicter des hypothèses qui deviendront des règles, bases de l'éducation de nos enfants depuis lors. Qui dans ma génération (40/60, je tape large) n'a pas entendu tout au long de son adolescence et des années suivantes qu'il fallait intégrer et appliquer les principes de Dolto ?

Loin d'être un doltolâtre, je ne suis pas non plus de ceux qui l'abhorrent et rejettent tous ses apports. Néanmoins, je me pose une question depuis très longtemps : comment, une personne aussi intelligente et instruite soit-elle, peut-elle énoncer des hypothèses, seule, qui seront ensuite reprises comme paroles d'évangiles par d'autres ? Je reste persuadé que si Dolto a ouvert les yeux de beaucoup sur l'enfant et sa personnalité, elle n'a pas fait que du bien, ses théories dérivant dangereusement vers l'enfant-roi. Parlementer, certes, expliquer, pourquoi, pas, de temps en temps, mais des décisions parentales qui limitent, interdisent ou punissent me paraissent utiles, nécessaires et parfois saines. Ne pas frustrer n'est pas pour moi un principe d'éducation. J'entendais d'ailleurs l'inverse il n'y a pas très longtemps, mais j'ai oublié qui l'a dit (ne serait-ce pas Marcel Ruffo ?) : "Frustrez vos adolescents, ils vous remercieront", des études tendant à prouver que les ados non frustrés ont tendance à se réfugier plus facilement dans les addictions diverses.

Dider Pleux, psychologue, spécialiste de l'éducation des enfants, se penche sur le cas Françoise Dolto. Il énonce que comme Freud, elle a émis des avis qui se veulent désormais des dogmes. Il se fait évidemment étriller par les partisans des deux. Et pourtant, la contradiction me paraît saine, elle devrait nous permettre de décortiquer le travail des uns et des autres et d'en tirer le meilleur pour nous et nos enfants. On reproche à l'auteur de s'en prendre à la vie de F. Dolto, c'est vrai. Est-il utile de savoir qu'elle a frayé avec l'extrême droite, qu'elle a travaillé avec Alexis Carrel, eugéniste, partisan du gazage des handicapés, ardent collaborateur pendant la guerre, et que son comportement sous Vichy peut être mal interprété puisqu'il est trouble ? Est-il nécessaire de la contredire sur son enfance qu'elle dit avoir été traumatisante alors, que lettres à l'appui, D. Pleux dit qu'elle fut plutôt une enfant préservée, écoutée dans une famille aimante ? Je ne sais pas, mais cela peut aider à comprendre son cheminement, et pourquoi nier la réalité pour elle alors que d'autres n'ont pas eu cette chance ? 

D. Pleux explique qu'elle se crée sa propre réalité à partir de sa psychanalyse : elle se focalise sur ce qui n'a pas été dans son enfance, reste bloquée dessus pour ensuite reconstruire sa réalité à elle, celle qui colle à ses idées. En France, "si le réel donne tort à l'idée, alors on change de réel afin de conserver l'idée à laquelle les idéologues vouent un culte ! " (Michel Onfray, dans la préface, p.5). Et toutes ses interventions sont ensuite basées sur ce réel qu'elle s'est recréé : elle pense en opposition à sa mère et son père à qui elle reproche maintes et maintes choses. Mais d'un cas on ne peut faire généralité. Et non, la crise d'adolescence n'est pas un passage obligatoire (même si cette période n'est pas aisée, rien n'empêche qu'elle se passe relativement paisiblement, ce que je remarque de plus en plus chez moi et autour de moi (pour le moment) étant parent d'ados et amis de parents d'ados plutôt sereins.

Un bouquin utile, sans doute excessif parfois, qui plutôt que de créer la polémique devrait inciter au débat d'idées entre psychologues et psychanalystes, et pourquoi pas, nous parents et enfants si nous ne sommes pas oubliés.

Merci Gilles

 

rentrée 2013

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