Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Choucroute maudite

Publié le par Yv

Choucroute maudite, Rita Falk, Mirobole, 2016, (traduit par Brigitte Lethrosne et Nicole Patilloux).....

Viré de Munich pour sanction disciplinaire, Franz Eberhofer est flic dans la petite ville de Niederkaltenkirchen, sa ville natale en Bavière. Il habite la maison familiale entre son père, cossard fabuleux et sa grand-mère, la Mémé de toute la ville qui court les promotions en tout genre. Rêvant d'un minimum d'indépendance Franz tente d'aménager une annexe à la maison en habitation privée. Il passe ses journées à un boulot répétitif, sort Louis II, son chien toujours sur le même trajet chronométré. Lorsque les membres de la famille Neuhofer disparaissent l'un après l'autre et que leur terrain est vendu pour bâtir une station service, Franz flaire une embrouille. il se lance mollement sur une piste.

Polar allemand et très drôle. Une douce folie, un humour décalé, déjanté qui me font de l'effet à quasiment toutes les pages. Un coup les personnages totalement barrés, Franz en premier qui ne sait jamais s'il doit enquêter ou pas, qui a tendance à toujours croire le dernier qui a parlé. Sa Mémé ensuite qui lui impose de l'emmener dans tous les magasins du coin dès qu'il y a une promotion, quelle qu'elle soit. Son père, anti-tout sauf les Beatles qu'il écoute très fort et en boucle, sauf le joint qu'il allume dès que son fils de flic rentre, sauf les manifestations auxquelles il participe, peu importe le motif, il faut que ce soit une manifestation. Son frère Léopold qui en fait des caisses pour être le préféré du père. Et tous les habitants de Niederkaltenkirchen, du boucher au plombier en passant pas la secrétaire de mairie, plan cul de Franz (et vice-versa). Une autre fois, les situations, toutes plus cocasses les unes que les autres : les morts des Neuhofer, pas banales ou cette soirée où la femme de Léopold fait des avances à Franz : "Un moment, je sens son pied à travers son collant sur mes parties intimes, tant et si bien que les yeux m'en sortent de la tête. Je dois tousser, j'ai du mal à avaler ma quenelle qui se coince dans ma gorge. Quand je me lève, un fil mauve de son collant est coincé dans ma fermeture éclair et son bas est filé. Et bien que la Mémé hurle : "Regarde mon garçon, tu as un fil mauve à ta braguette ! " et plus tard : "Regarde Roxanna, tu as une maille filée à ton collant ! ", personne ne remarque rien." (p.15). Ou encore cette soirée où Franz est appelé par la supposée propriétaire du domaine Sonnleitner qui a vu du monde dans sa propriété : "Bon, alors je relève d'abord les identités. [...] Prénom : Mercedes. Mercedes ! Benz ! Vingt-huit ans, un mètre soixante et un, soixante-deux, cinquante et un kilos. Cheveux brun foncé. Yeux bleus. Elle répond impeccablement à tout. Ce n'est qu'à la question sur le tour de poitrine qu'elle marque la surprise." (p.21)

Ajoutez des dialogues savoureux, des décalages permanents et ce côté looser de Franz qui le rend à la fois sympathique, attachant, touchant et très chanceux et vous obtenez un roman réjouissant de bout en bout. On me dit que Rita Falk a écrit toute une série avec Franz Eberhofer. Cette Choucroute maudite date de 2010, si Mirobole a l'excellente idée de traduire et publier les autres, je suis preneur les yeux fermés -juste rouverts pour lire. On me dit aussi -décidément on est bavard- que des films ont été tirés de cette série et notamment du roman en question -mais disponibles en allemand, ach, mes vieux reste de germaniste médiocre ne suffiront pas, il faut que je trouve une version sous-titrée-, j'ai vu une bande annonce qui semble très fidèle : je veux le voir !

Mon ami Eric est au moins aussi enthousiaste que moi; allez voir son blog Débredinages.

Voir les commentaires

Ça coince ! (38)

Publié le par Yv

Un bref moment d'héroïsme, Cédric Fabre, sang neuf (Plon), 2017.,

Marseille, lorsqu'un élu veut faire un discours, une bande d'individus commence des combats à mains nus, empêchant la manifestation de se dérouler et l'élu de s'exprimer. Arborant des T-shirts sur lesquels certains propos du politique sont imprimés, les combattants entendent lutter contre la vacuité des propos et des actes, le cynisme des politiciens ne cherchant qu'à se faire réélire. Lang, l'un des protagonistes rencontre un jour Awa, une jeune femme qu'il a connue longtemps auparavant et qui lui demande de s'occuper de son fils Arsène.

Mais que m'arrive-t-il pour ne pas parvenir à m'intéresser à ce titre ? Tout est là pour moi pourtant. Mais, de fait, dès le début, je n'accroche pas et je trouve que le romancier s'embourbe dans des répétitions, des longueurs. Il est bavard et radoteur. Je n'ai rien contre les digressions, les parenthèses, les théories sur le sens de la vie, sur la difficulté de vivre lorsqu'on a plus de boulot, de toit et qu'on ne croit plus vraiment en quelque chose... mais c'est sans doute la manière de l'écrire qui ne passe pas. Je ne sais pas, je n'y crois pas, je ne me projette jamais et pour être franc, ne réussis pas à avoir une quelconque envie de connaître la fin de l'histoire. Tant pis.

Le gang des honnêtes gens, Pierre Nemours, French pulp, 2017..,

Paul Récord vient d'être remplacé au poste très intéressant qu'il occupait par un plus jeune que lui. Depuis, il envisage un gros coup, cambrioler une banque. Pour cela il s'adjoint les services d'un employé de cette banque qui a besoin d'argent pour soigner sa fille très handicapée, d'un flicqui peut se procurer les plans de sécurité de l'établissement et d'un quatrième larron.

Pas mal sur le papier ce roman se révèle assez vite un peu longuet et pas au meilleur niveau des productions des années 70/80. Pierre Nemours (1920/1982) fut un écrivain productif et populaire, mais je ne suis pas certain que ce titre fut l'un de ses plus grands succès. Il traîne en longueurs et j'ai peiné à m'y intéresser totalement. Le cambriolage se monte doucement, très doucement, et de ce temps, l'auteur ne profite pas pour vraiment dresser de vrais portraits de ses personnages qui resteront toujours un peu vides.

Le roman s'emballe sur la fin et finalement seule la dernière partie, celle qui concerne l'après-cambriolage est vraiment passionnante et haletante (enfin, tout cela est très personnel et ce livre pourra plaire à certains). Un peu tard, il eût été bon que le suspense naquît bien en amont de l'épilogue.

Voir les commentaires

Les Égyptiens de l'espace

Publié le par Yv

Les Égyptiens de l'espace, Diego Agrimbau, Diego Garavano, Ed. Saure, 2017.....

Damon est fan d'un jeu en ligne Les Égyptiens de l'espace et compte bien sur ce jeu pour entrer dans la vie active. Un jour, il est enlevé par des extra-terrestres qui s'avèrent être des Égyptiens, ceux du jeu, qui cherchent les meilleurs joueurs pour sauver leur civilisation qui vit à des années-lumières. Sauf que les ordinateurs se sont trompés et Damon est un joueur assez mauvais. Renseignements pris, le meilleur joueur est Géronimo, aussitôt enlevé. Damon et Géronimo feront donc équipe pour combattre le méchant Wando, l'archi-ennemi du pharaon.

Je ne suis pas spécialiste des Égyptiens et je ne saurais dire ce qui est de la réalité ou de la fiction, je vois à peu près ce qui relève de l'anachronisme. Donc égyptologues acharnés, ne criez pas au scandale, cette bande dessinée n'est pas faite pour vous. Plutôt destinée à un public jeune, elle se lira dans le cadre familial. Très drôle, divertissante, le mélange des genres est très réussi. Dessin très coloré (Diego Garavano) et scénarios -scenarii pour les puristes- légers et enlevés (Diego Agrimbau), le tout donne une série qui débute très bien. Car j'ai lu deux épisodes à la suite. Le premier est intitulé La molaire du pharaon et tourne autour de la recherche du dentiste du pharaon qui ne répond plus aux appels alors que urgence il y a pour la dent pharaonique. Le deuxième tome intitulé La recette du pharaon a pour cadre la brasserie et la recette de bière ancestrale perdue à jamais... sauf si Damon et Géronimo parviennent à la récupérer.

Situations décalées, drôles, personnages marrants et attachants comme le sont souvent les gentils loosers qui réussissent sans comprendre comment, cette BD est une belle découverte, éditée par une maison espagnole Editorial Saure. Malgré cela, vous devriez pouvoir la trouver ou la commander dans toutes vos bonnes librairies (on me dit que chez Decitre, Mollat et les libraires.fr elle y est, mais essayez aussi chez vos libraires favoris). Allez-y, je vous promets un très bon moment de détente en famille.

Ci-dessous les deux couvertures des deux tomes

Les Égyptiens de l'espaceLes Égyptiens de l'espace

Voir les commentaires

Infinity 8. Guérilla symbolique

Publié le par Yv

Infinity 8. Guérilla symbolique, Martin Trystram, Lewis Trondheim, Kris, Rue de Sèvres, 2017.....

Quatrième reboot à bord de l'YSS Infinity. Cette fois-ci c'est Patty Stardust, agent infiltrée au sein de la Guérilla symbolique depuis cinq ans qui doit abandonner urgemment son travail et griller sa couverture pour aller explorer la nécropole intergalactique. Comme les précédentes intervenantes, elle a huit heures devant elle pour comprendre ce qui empêche le vaisseau d'avancer.

Toujours aussi bien cette série. J'en suis à la moitié et à chaque épisode, j'ai l'impression de lire une nouvelle histoire. Cette fois-ci, Patty Stardust en est l'héroïne. Infiltrée dans une guérilla post-hippie, ou néo-hippie, des artistes qui pratiquent l'amour libre, la fumette ou autre prise de substance faisant planer. Liberté avant tout. C'est au moins ce que l'on en comprend de l'extérieur. Mais sans doute est-ce plus compliqué pour qu'il y ait besoin d'une agent infiltrée, la communauté est-elle si pacifique que cela ? Et quid de ce ce millionnaire mécène de cette guérilla : quel rôle joue-t-il ?

Couleurs psychédéliques, références à cet univers et aux hippies, certaines que j'ai repérées, telle cette grenouille  (p. 37) qui est à la tête de musiciens et danseurs (cf. Love is all de Roger Glover, écoutez, je vous garantis la chanson dans la tête pour au moins la journée, non non, ne me remerciez pas c'est cadeau). Puis le nom même de l'agent Patty Stardust... Encore une fois, la bande dessinée fonctionne parfaitement. Toujours scénarisée par Lewis Trondheim aidé cette fois par Kris et dessinée par Martin Trystram. Peut-être pas la plus dense des aventures, mais l'une des plus simples à suivre et de très jolies choses à l'intérieur malgré les méchants qui rôdent.

Il n'est pas encore trop tard pour débuter cette excellente série dès le début ; pour rappel, voici mes recensions sur chaque tome : Romance et macchabées, Retour vers le Führer, L'évangile selon Emma.

Voir les commentaires

La religion des ratés

Publié le par Yv

La religion des ratés, Nick Toshes, Folio, 2011 (Gallimard, 1996), (traduit par Jean Esch)...

"Louie est un petit arnaqueur de second rang qui entretient des rapports difficiles avec sa maîtresse. Sa seule lumière, c'est son grand-oncle Giovanni, une gloire locale de la mafia new-yorkaise, spécialisée dans les arnaques à la loterie. Giovanni a une nouvelle idée d'arnaque, un plan pour détourner plusieurs millions de dollars à la loterie d’État. L'ennui c'est que plus le gâteau est gros, plus les rats sont nombreux..." (4ème de couverture)

C'est Sibylline, du site Lecture-Ecriture qui m'a récemment interpellé car l'auteur du mois (en fait avril et mai) sur son site, c'est Nick Toshes et qu'elle était étonnée de ne rien voir de lui chez moi. Normal, je ne connaissais pas. Nick Toshes est poète, écrivain, biographe et journaliste spécialiste du rock étasunien. Dans sa bibliographie, j'ai choisi son premier roman, écrit en 1988 et traduit chez Gallimard en 1996 (il aurait bénéficié d'une première traduction et sortie chez Gérard de Villiers en 1989, sous le titre Les pièges de la nuit, si Wikipédia dit vrai).

Voilà un vrai roman étasunien, ça fleure New-York, les petites arnaques, les bars louches et leur fréquentation de drogués, alcooliques, joueurs, filles cherchant un mec pour la soirée et inversement, ... Les rues sont pleines de gens pauvres, largués par la société, qui se débrouillent. Et au milieu de tout cela Louie se promène, tente de récupérer l'argent qu'il a prêté, il s'est lancé dans la carrière d'usurier, mais Louie est trop gentil, n'a ni les méthodes ni la violence des usurier habituels, l'argent ne rentre donc pas si facilement...

C'est un roman noir, mais pas seulement, Nick Toshes s'attarde longuement sur des pans entiers de la société new-yorkaise, sur le racisme, le sexisme, le machisme, le féminisme, la pauvreté. C'est un langage direct, oral qui lorgne parfois très franchement sur la poésie. On visualise bien les situations, les dialogues pourraient être filmés, ils sont souvent drôles :

"L'amour par téléphone, déclara le vieil homme d'un air solennel. C'est nouveau. Tu appelles, tu payes et la nana te cause. Ils en ont parlé à la télé dans l'émission de Donahue l'autre jour. Tu te rends compte ? Payer une bonne femme pour qu'elle cause ! C'est comme payer un oiseau pour voler !" (p.58)

Certes, un peu machiste, mais c'est un peu le genre qui veut cela, on reste dans le genre roman noir étasunien des années 80/90, très masculin. Ma réserve -assez importante tout de même- viendrait de l'arnaque montée par Giovanni et que l'auteur raconte par le menu, et là, je dois dire que je fus largué, c'est technique et finalement peu important -pour moi (les chiffres, les chiffres, décidément ce n'est pas mon truc). Je suis parvenu à saisir l'essentiel du message sans comprendre l'arnaque dans les détails, j'avoue même avoir passé les -nombreuses- pages la décrivant assez vite.

Malgré cela, je me dois ici de remercier Sibylline, car grâce à elle, j'ai découvert un auteur qui dans  un genre parfois un peu superficiel se distingue par la profondeur de son propos et de ses personnages. Pas si mal.

Voir les commentaires

Les bras cassés

Publié le par Yv

Les bras cassés, Yann Le Poulichet, Denoël, 2017...,

Lorsque Jules répond au téléphone dans l'appartement qu'il loue avec ses deux potes Virgil et Nico, il a oublié que l'ancien locataire était un détective privé, et lorsque la voix lui demande s'il exerce cette profession, il ne peut s'empêcher de répondre par l'affirmative. Partant sur un banal adultère, le voici embarqué dans une enquête beaucoup plus compliquée dans laquelle des coups, un enlèvement et des cadavres apparaissent. Une histoire qui dépasse le trio qui va pourtant devoir faire face.

Pas inoubliable mais loin d'être désagréable, tel pourrait être mon résumé laconique de ce roman. Il démarre très fort, un langage jeune, moderne, pas mal d'humour dans les personnages un peu décalés, dans les expressions, je me dis que je vais passer un excellent moment.

"Finalement, il est sorti à la suivante, à la hauteur de Longjumeau. en voyant le panneau, je me suis dit que c'était la ville où les 2Be3 avaient passé leur enfance. Puis je me suis demandé comment je pouvais savoir un truc pareil, c'était pas vraiment ma génération ces trois couillons. Ça m'a un peu turlupiné en suivant de pas trop loin la Mercedes. Pas longtemps." (p.19)

Ce qui est le cas jusqu'au milieu du livre, et puis, un petit coup de mou, je ne sais pas si c'est le mien ou celui du romancier. Des longueurs, des répétitions, on tourne en rond, comme les trois copains d'ailleurs. Il y a toujours ici et là des pages plus intéressantes, plus drôles, même si cette fin de roman est nettement moins légère que son début. Je frôle l'agacement et l'épuisement lorsque la petite lueur -l'indice- vient mettre le feu au final et je retrouve de l'allant pour aller au bout des aventures de Jules, Virgil et Nico.

Globalement, je garderai l'idée d'un roman agréable, un peu long (les 280 pages auraient pu être condensées), des mecs sympas, décalés, un peu glandeurs, pas mal alcoolisés, perdus et qui se découvrent des ressources qu'ils ne soupçonnaient pas, des amateurs quoi ; c'est cela qui les rend touchants, attachants et sympathiques. On n'a pas envie qu'il leur arrive des bricoles, ils pourraient être nos fils, neveux, frères, cousins (rayez la mention inutile). Des à-peine trentenaires qui découvrent la vie, une sorte de roman initiatique moderne, très ancré dans la société actuelle.

Voir les commentaires

Noé

Publié le par Yv

Noé, Valérie Mazeau, Amazon, 2017...,

Sophie venue au Québec changer de vie, échapper à un mari qui l'humilie commence à travailler pour Louis Keller, éditeur de livres de botanique qui se lance dans le roman. Sophie est chargée de lire les manuscrits et d'y repérer la ou les perles à éditer. Louis est un homme dur qui a des rapports compliqués avec les femmes, notamment avec sa mère.

Sur les conseils de son ami Félix, libraire, Louis s'est inscrit à un atelier d'écriture. Il débute une histoire, celle de Gabriele, un jeune apprenti dans un atelier de peintre à Venise, en 1536.

La franchise étant de mise sur le blog, j'avoue connaître Valérie Mazeau. Une amie commune a fait le lien par l'un de ses romans et nous nous sommes rencontrés autour d'un café et de Noé. Un très bon moment qui en appellera d'autres, nous sommes quasiment voisins... Je trouve beaucoup plus délicat de dire ce que je pense d'un livre d'un auteur que je connais. L'encenser, c'est passer pour un -trop- bon copain, et le descendre ce n'est pas très amical. Pour Noé, je ne serai pas dans les extrêmes. Globalement, j'ai bien aimé, mais pas tout. C'est un roman très -trop ?- dialogué, genre dont je ne suis pas très amateur, qui, à mes yeux, crée un déséquilibre entre les paragraphes descriptifs et les fameux dialogues, plus souvent "faciles" et moins construits. Il y a une autre chose qui me gène dans Noé, une chose que je ne parviens pas à décrire précisément, autour des rapports entre Louis et Sophie. Car ce qui domine dans ce roman ce sont les personnages et leurs rapports, l'humain est au centre des préoccupations de la romancière. Tout oppose Louis et sa dureté, sa rudesse voire sa violence et  la gentillesse et la grande tolérance de Sophie -et de Denise sa meilleure amie-, tant que cela me semble un brin exagéré et presque caricatural. Valérie veut donner du sens à tout ce qu'elle écrit, de la profondeur, elle y parvient au risque -selon moi, mais c'est sans doute mon côté masculin taiseux et intraverti, il m'en faut bien un quand même- de tomber dans l'excès.

Néanmoins, j'ai bien aimé ce roman à triple entrée : d'abord celle de Sophie qui s'exprime avec le "je", puis celle de Louis pour qui l'auteure use du "il" et enfin, celle du roman dans le roman, l'histoire de Gabriele à Venise. C'est cette dernière partie qui m'a le plus emballé à tous points de vue, tant les personnages -le narrateur est assez surprenant, mais je laisse la surprise- que l'époque et le lieu. Ce fameux narrateur qui témoigne de ses différents lieux de vie, de la grande bourgeoisie à la grande pauvreté de Venise au cinquecento. La triple entrée permet de ne s'ennuyer dans aucune partie et même de garder un intérêt pour chacune d'elle jusqu'à la fin, car même avec mes réserves, je suis allé jusqu'au bout du roman sans rechigner, sans râler et même avec envie. Si, j'ai râlé une fois, parce que si j'avais été l'auteur de ce livre, je n'aurais pas écrit ce petit bout de phrase comme toi Valérie : "Trois mois qu'il travaille ici, sans rien faire d'autre que broyer les pigments et broyer du noir..." (p.107) ; moi, je n'aurais pas résisté à l'attrait du zeugma -pardonne-moi à l'avance ce sacrilège de le réécrire- : "Trois mois qu'il travaille ici, sans rien faire d'autre que broyer des pigments et du noir...". Voilà, c'est ma seule remarque -sans doute très contestable d'ailleurs- sur le style de Valérie Mazeau qui se lit avec beaucoup de plaisir et de fluidité et qui est bien plus qualifiée que moi dans ce domaine.

Je me résume : une belle histoire vénitienne dans un roman très agréable, le tout se passant au milieu des livres et avec des gens très marqués et attachants, l'ensemble emballé dans une écriture très fluide et de très bonne tenue, ce serait dommage de passer à côté. Livre disponible sur Amazon, mais ci-après, je mets le lien vers le site de Valérie Mazeau qui vous donne plus de détails.

Voir les commentaires

Taipei, histoires au coin de la rue

Publié le par Yv

Taipei, histoires au coin de la rue, Collectif, L'Asiathèque, 2017...,

Taipei est la capitale de Taïwan. Plusieurs écrivains contemporains écrivent sur cette ville devenue métropole. Jane Jian, Shu Kuo-chih, Lin Yao-teh, Walis Nokan, Lo Yi-chin, Wu Ming-yi, Chi Ta-wei, Chang Wan-k'ang, Chou Tan-ying. Chacun apporte sa vision de la ville et ses personnages souvent venus de lieux assez éloignés de Taipei.

C'est donc une grande diversité de points de vue, certains très réalistes voire même autobiographiques telle la première nouvelle, d'autres plus oniriques, même s'ils partent d'un point de départ on ne peut plus terre-à-terre, raconter la ville. Les légendes chinoises, les histoires de la ville, les apports des habitants venus des quatre coins du pays, parfois de populations très anciennes et ayant presque disparues, absorbées dans la ville et plus globalement dans le pays. Chaque nouvelle est une histoire particulière qui apporte un lot d'informations mais aussi des ressentis de cette métropole, son côté village ou petite ville de province avec son marché, ses rues étroites, ses échoppes... A propos d'échoppes entre les nouvelles se glissent des pages écrites par Shu Kuo-chih sur ses escapades gourmandes dans la ville. Ce sont de petites boutiques où le cuisinier cuit sur place et à la demande des nouilles, de la soupe, du curry, ...un véritable guide des bons endroits pour qui veut visiter la ville de Taipei. Si l'on m'offre le voyage, j'emporte ce livre pour savoir où manger bien... avis aux voyagistes susceptibles de m'offrir le voyage (tout frais payés, il va sans dire...)

C'est donc sans sortir une nouvelle particulière de ce recueil que je fais ma chronique ; une plongée totale dans la métropole dans laquelle se côtoient des gens très différents qui en font sa richesse, même si certains sont harcelés du fait de leurs origines ou si d'autres sont obligés d'accepter des jobs dégradants pour survivre. Les écrivains choisis ne nous épargnent pas les difficultés mais magnifient néanmoins cette ville fascinante. Mon article ne serait pas complet si je ne citais pas les traducteurs, dans l'ordre d'apparition : Wu Ching-ji Soldani, Coraline Jortay (pour toutes les chroniques culinaires), Marie Laureillard, Marie-Paule Chamayou, Lise Pouchelon, Gwennaêl Gaffric (qui signe aussi l'excellente préface qui permet d'en savoir plus sur Taipei et sur les écrivains du recueil), Olivier Bialais, Damien Ligot, Mélie Chen. Beau travail de la maison L'Asiathèque.

Voir les commentaires

Nocturne au Louvre

Publié le par Yv

Nocturne au Louvre, Brigitte Joseph-Jeanneney, Cohen&Cohen, 2017.....

Lorsque Nicolas Lesur, en cette fin d'année 1995, prend ses fonctions de directeur de la sécurité du Louvre, la France est paralysée par des grèves contre la politique du 1er ministre d'alors, Alain Juppé. Mais ce qui va directement occuper le nouveau directeur, c'est qu'à peiné arrivé, des tableaux sont dévissés et pendent dangereusement vers le sol. Tout se passe la nuit sans que rien en soit décelé. Diane, une copiste séduisante intrigue Nicolas par ses attitudes et ses relations. Saura-t-il résoudre l'énigme et s'assurer ainsi de son poste ?

Comme toujours dans la collection Art noir de chez Cohen&Cohen, l'art est au cœur de l'intrigue. Cette fois-ci, plus qu'une œuvre ou qu'un peintre, c'est tout le musée du Louvre qui est le lieu quasi unique du roman. Si le fond du problème peut sembler anodin aux amateurs de thrillers, de polars avec des morts à toutes les pages, l'enquête n'a pourtant rien à envier à ces ouvrages. Ce coté un peu léger fait même mon bonheur, car je peux lire tranquillement les aventures de Nicolas Lesur sans craindre un déferlement de violence. Et puis en prime, Brigitte Joseph-Jeanneney nous fait la visite du Louvre, parle de certaines œuvres, des célèbres et d'autres moins, La Joconde bien sûr, Le radeau de la méduse itou, ... mais on suit aussi en partie les visites d'une charmante conférencière qui s'intéresse -et nous intéresse- à la collection du marquis Giovanni Pietro Campana Di Cavelli. Son histoire est passionnante et véridique : collectionneur compulsif, arrêté et sauvé par Napoléon III, l'auteure en parle formidablement bien.

Son roman tourne parfaitement, il aurait pu aller jusqu'au bout sans que je me lasse, mais une belle surprise, un retournement final permet de prendre encore plus de plaisir aux dernières pages. Finalement assez original ce polar qui ne pet en scène aucune mort, aucune torture. Il est ancré dans le quotidien du Louvre, certes un peu bousculé, mais dans un rythme tranquille ; on est plus dans un bon Columbo que dans un épisode d'une série virevoltante. Et du coup c'est reposant et ça fait un bien fou.

Voir les commentaires