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Châtiment pour mémoire

Publié le par Yv

Châtiment pour mémoire, Hervé Huguen, Palémon, 2018....

Dans la Bretagne profonde, un vieux paysan est retrouvé mort assassiné. Puis, dans le même village, c'est une tombe qui est profanée, celle d'un couple de la même génération que le paysan. Le commissaire Nazer Baron est mis en cause dans un courrier, lui qui ne sait pas avoir de lien avec ce village, ni avec les personnes concernées. Surpris, dubitatif, le voici qui fait la route du Croisic  au pays des Abers. 

Quatorzième enquête pour ce commissaire que je découvre -mais comme j'explore depuis quelques semaines les éditions Palémon, je découvre fatalement des héros récurrents qui vivaient sans moi. Mises à part pas mal de répétitions des indices, des faits, par divers intervenants, qui peuvent certes être utiles, mais qui sont parfois un peu trop nombreuses, ce polar se savoure de bout en bout. Loin d'un rythme effréné et d'un roman survitaminé, on est plutôt dans ce qu'on appelle un polar d'ambiance ou d'atmosphère. La Bretagne y est omniprésente, son climat, ses habitants, pas les plus exubérants du monde, ses paysages, ses ambiances changeantes en fonction des lieux. 

Nazer Baron est un cérébral, il raccroche chaque indice à ceux qu'il a déjà pu récolter jusqu'à ce qu'une association de certains d'entre eux lui fasse apparaître une logique, un semblant de début d'explication. C'est tortueux surtout lorsque ça touche à son passé, une partie d'icelui qu'il ne connaît pas. 

Hervé Huguen s'y connaît pour nous balader dans une intrigue finement menée et originale. C'est le genre de polar qui débute tranquillement et dont on se dit qu'on peut s'y traîner et qu'on ne parvient pas à lâcher et une fois fini, on se dit : "Quoi, déjà ?". Autant dire du très bon.

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Liste noire

Publié le par Yv

Liste noire, Yvon Coquil, In8, 2018.....

Brest, les Chantiers Navals de Réparation prévoient des licenciements. Lucas, soudeur, peut perdre sa place. Il tente de joindre Marco, soudeur lui aussi, pour le convaincre de prendre sa retraite, ce qui sauverait son poste. Mais Marco baigne dans des affaires louches, avec Ken, le dealer local et les Bono, une famille de manouches pas prête à s'asseoir sur la belle somme qu'il leur doit.

Noir, très noir encore une fois chez In8, dans la désormais fameuse et toujours excellente collection Polaroïd. Court roman qui met en scène des ouvriers en galère. Les trafics en tout genre les cernent, chacun connaît l'un ou l'autre des trafiquants, fréquentation de jeunesse, collègues de boulot. Lucas est clean, bien qu'il soit pote avec des mecs pas reluisants. Son objectif à lui, c'est de garder son boulot pour pouvoir continuer à payer la maison de retraite de son père qui le reconnaît à peine, et encore les bons jours. 

Yvon Coquil déroule son histoire et plus on avance, plus on va dans du noir, le climat brestois n'aidant pas à éclaircir la couleur dominante. La violence est présente mais pas décrite, on la ressent, souvent Lucas arrive après coup et décrit la scène sobrement, sans hémoglobine coulante. L'auteur va au plus court sans effet de style ou de manche. Economie de moyen pour une efficacité avérée.

Encore du noir, encore du bon.

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Tiens bon l'pinceau, y a des coulures !

Publié le par Yv

Tiens bon l'pinceau, y a des coulures !, Claude Picq, Palémon, 2018

"Quand on n'y connaît rien en barbouille, on ferait mieux de se coller devant une série amerloque à la télé. C'est ce que j'aurais dû faire. C'est ce que je fais de mieux. Alors, quelle idée m'a pris d'aller fourrer mon nez dans ces tubes mal rebouchés ?" (4ème de couverture)

Mieux qu'un résumé perso fait par moi-même, j'ai préféré la prose angledroitesque, puisque le principe des histoires dans lesquelles il est le personnage principal -je ne dis pas le héros pour ne pas froisser sa modestie- est que c'est lui-même qui les raconte. Un peu à la manière même pas cachée de San-Antonio, d'ailleurs Cicéron Angledroit qui est détective privé, est aidé par divers seconds rôles -présentés en début d'ouvrage, très bonne idée- dont René, "un peu le Béru de San-A mais en moins exotique".

Si Cicéron en est à sa neuvième aventure, je le découvre et je me demande bien pourquoi je ne l'ai pas fait plus tôt, surtout que Oncle Paul en parle souvent. Ben, maintenant, j'ai très envie de lire les aventures précédentes, parce que franchement, je me suis bien marré. Tous les personnages sont décalés, pas forcément très bons dans leur domaine, fort drôlatiquement décrits. Les dialogues plus que savoureux :

"- Tu finis à quelle heure ce soir ?

- Je pensais sept heures. J'ai de la récup... mais dans l'autre sens. Avec cette connerie de pointeuse, des fois, j'oublie de venir travailler avant de pas venir." (p.138)

C'est un plaisir de bout en bout. Cicéron est en grande forme et il vaut mieux parce que ses maîtresses et en particulier Vaness' la flicque lui en demandent beaucoup -mais rien qui ne soit pas lisible par des oreilles chastes autant que des oreilles puissent lire et être chastes. L'intrigue est comme le reste, décalée et drôle. Je serais bien resté un peu plus longtemps avec Cicéron et sa bande, et lorsque j'aime comme ça, d'habitude, j'écris vivement la suite ; cette fois-ci je l'écris aussi et je rajoute vivement le début, car je crois bien que je vais aller fureter du côté des premiers tomes...

A noter qu'à l'instar de Frédéric Dard pour San-A, Claude Picq, n'est pas totalement innocent dans les aventures de Cicéron Angledroit.

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Le goût de la viande

Publié le par Yv

Le goût de la viande, Gildas Guyot, In8, 2018.....

Hyacinthe Kergourlé survit aux tranchées de 14/18. Profondément marqué dans son corps, puisqu'il revient amputé d'un bras, et dans sa tête après divers faits profondément bouleversants. A l'armistice, à pieds d'est en ouest, il revient à la ferme familiale proche de Saint-Malo. L'accueil est breton : fort, sincère et taiseux, comme s'il n'était jamais parti. Hyacinthe va tenter de vivre le plus normalement possible avec ce passé douloureux et traumatique.

Comment dire que ce roman est d'une part formidable et d'autre part ultra original et troublant voire par moments dérangeant ? C'est cru, violent, ironique, dur, l'humour est -pléonastiquement, comme disait P. Desproges- noir, très noir, désespéré, désabusé. Néanmoins et aussi dérangeant et dans certains -rares- passages difficile à lire soit-il, il n'est pas de ces livres qui dépriment ou mettent le blues pour le reste de la journée. Gildas Guyot réussit le tour de force de parler d'un homme détruit qui tente de passer outre ses démons pour vivre, qui parfois n'y parvient pas, qui donc vit des choses violentes, sans jamais plomber son roman. C'est le ton adopté entre gravité et humour, toujours au détour d'une phrase un peu dure, un mot, une expression qui force le sourire et détend un peu l'ambiance. "Physiquement, et en dehors de mes désordres digestifs, je reprenais du poil de la bête. La mort m'évitait à un point tel que le doute n'était plus possible quant à ses intentions de me nuire." (p.49), ou encore cet extrait que j'aime beaucoup, s'agissant des débuts de la seconde guerre mondiale (mais qu'on peut sans doute élargir) : "Heureusement, il est une tradition dans ce pays qui consiste à remplacer un incompétent par un irresponsable et en juin 40, Reynaud démissionna pour que Pétain le supplante." (p.176)

Dans l'écriture de Gildas Guyot, tous les mots comptent et il est souvent utile de lire entre les lignes ou entre les mots pour saisir encore mieux les double-sens ou les appuis fins, des sortes d'images subliminales. C'est très bien vu et très maîtrisé, surtout pour un premier roman. 

Je me suis régalé dans ce roman très inventif, glauque et noir, avec cet homme franchement bizarre, intérieurement torturé, un personnage original et fort comme on en voit peu en littérature, de ceux qui marquent. Ajoutons une écriture particulièrement soignée, travaillée pour que chaque mot ait un sens -voire un double-sens- et alors vous aurez en mains -parce que ce sera inévitable- un véritable coup de coeur. 

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L'espion des Tuileries

Publié le par Yv

L'espion des Tuileries, Jean-Christophe Portes, City, 2018....

Avril 1792, le roi est aux Tuileries, hautement surveillé, lui et la famille royale. La guerre entre la France et l'Autriche est mal engagée pour le pays. Paris est agitée, entre ceux qui soutiennent la monarchie, les Jacobins, les Girondins. Suspicion, haine, rancœurs, jalousie suffisent à une dénonciation, une bastonnade voire une émeute. Victor Dauterive, chargé par La Fayette de convoyer la paye de l'armée faillit à sa mission et se lance à la poursuite des voleurs. Le voilà bientôt, en espion aux Tuileries, en plein coeur du maelstrom politique.

Nouvelle aventure pour le jeune gendarme de la révolution qui ne sait toujours pas quel parti adopter. Une monarchie constitutionnelle comme son mentor La Fayette ? Une république, comme beaucoup des gens qu'il côtoie et vers laquelle le poussent ses souhaits les plus enfouis ? Au coeur des petites manipulations, des atrocités, des arrangements, il est plutôt dégoûté et ne parvient donc pas à prendre parti. En attendant, c'est à La Fayette et à la mission qu'icelui lui a confié qu'il est fidèle. Il mettra tout en oeuvre pour parvenir à comprendre l'histoire dans laquelle il est embarqué avec son fidèle Joseph, jeune boiteux qu'il a recueilli et qui le sert. 

Dans la description que JC Portes fait du Paris de l'époque, on sent que tout peut exploser à n'importe quel moment, il suffirait d'un presque rien pour que la situation dégénère. Le peuple est fatigué, en colère et chauffé à blanc par quelques orateurs et extrémistes, qui n'hésitent pas à vilipender et jeter en pâture ceux qui leur résistent. Evidemment, toute ressemblance avec des faits présents est fortuite.

Comme d'habitude, la description de l'époque est fine et sert l'histoire, même si le début est un peu long, le temps de s'imprégner de tous les partis, de savoir qui soutient qui ou quoi, sachant qu'il y a des traîtres, des agents doubles, ... Puis, une fois le rythme pris, on plonge avec bonheur dans la Révolution avec Victor, Joseph, leur amie Olympe de Gouges qui n'hésite pas à prendre des risques, à publier des pamphlets assassins.

L'intrigue paraît alambiquée, elle ne l'est pas tant que cela à son dénouement, c'est le romancier qui nous balade dans le Paris révolutionnaire et dans les arcanes du pouvoir, dans les bas-fonds des petites manœuvres politiques où tous les coups sont permis même -et surtout- les plus vicieux. Le jeune Victor y laissera des illusions. A chaque tome on le voit changer un peu, celui-ci étant sans doute celui où il comprend qu'il va devoir faire des choix importants. Un jeune héros récurrent qui évolue, qui se pose des questions existentielles sur lui et la société de son époque. Suite au prochain numéro. J'ai hâte.

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Ça coince ! (45)

Publié le par Yv

Incontrôlable, James Patterson et David Ellis, L'Archipel, 2018 (traduit par Philippe Reilly).

Ben Casper, journaliste à Washnigton DC assiste au plongeon de son amie Diana depuis son appartement. Suicide disent les autortités. Mais Ben, secrètement amoureux de Diana n'y croit pas, il décide de mener son enquête qui bientôt, lui apporte quelques désgréments.

 

Que dire qui ne serait pas méchant ? Rien ! Purement étasunien -ce n'est pas une injure, c'est juste pour dire combien ce livre est archétypal, construit selon un plan très établi, qui a fait ses preuves... rien d'original-, avec une foultitude de références cinématographiques et/ou people que je n'ai pas. Mais qu'est-ce qui m'a pris d'ouvrir ce roman qui est bourré de digressions inintéressantes, oiseuses, de longueurs ? 

Bref, je fuis, mais avant, je referme le bouquin même pas fini, ça n'en vaut pas la peine.

La guérilla des animaux, Camille Brunel, Alma, 2018

"Comment un jeune Français baudelairien devient-il fanatique de la cause animale ? c'est le sujet du premier roman de Camille Brunel qui démarre dans la jungle indienne lorsqu'Isaac tire à vue sur des braconniers, assassins d'une tigresse prêt à accoucher. La colère d'Isaac est froide, ses idées argumentées. Un profil idéal aux yeux d'une association internationale qui le transforme en icône mondiale sponsorisée par Hollywood. Bientôt accompagné de Yumiko, son alter-ego féminin, Isaac court faire justice aux quatre coins du globe." (4ème de couverture)

Je suis désolé de classer ce roman dans ma désormais célèbre rubrique Ça coince !, parce que généralement, j'aime bien les éditions Alma. Mais, je dois piteusement avouer que je n'ai rien compris. Je navigue dans ces pages totalement dans le brouillard, un bien épais, pas du genre à se lever en fin de matinée pour laisser place au soleil, non un tenace qui ne laissera pas un rayon passer. En outre, si je ne suis pas insensible à la cause animale, le véganisme me pose question, quant à l'équilibre alimentaire notamment, mais aussi dans la vision intolérante de certains tenants de cette doctrine. Je mange peu de viande, un peu quand même, fais attention à l'origine, les conditions d'élevage et tout et tout... Que chacun puisse faire ce qu'il veut dans le respect des uns et des autres -animaux compris- et allez en paix. Amen !

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Le manuscrit de Quimper

Publié le par Yv

Le manuscrit de Quimper, François Lange, Palémon, 2018....

Quimper, 1858, l'inspecteur François Le Roy peine à trouver les responsables d'une série de cambriolages ayant lieu dans les maisons des notables qui commencent à s'impatienter de cette lenteur. Le maire, le commissaire et le préfet lui mettent la pression. Bientôt c'est un meurtre horrible qui l'accaparera, celui d'un antiquaire connu, égorgé dans sa chambre. 

Nouveau venu chez Palémon et dans le roman historique, François Le Roy -dit Faňch- devrait s'y tailler une belle place. En effet, j'ai pris plaisir à faire sa connaissance et à arpenter avec lui les rues de Quimper d'il y a 160 ans. Ce que j'ai trouvé vraiment bien fait, c'est que tout en ayant à chaque ligne, à l'esprit l'époque et la région, François Lange ne s'oblige pas à nous encombrer de détails historiques qui pourraient certes, être intéressants mais aussi rallonger son histoire et la diluer. C'est donc avec ce roman d'à peine 200 pages que naît son héros bien sympathique, ex-soldat, revenu dans sa Bretagne et bien décidé à ne la plus quitter. Sans doute ce court format ne laisse-t-il pas la place à des descriptions détaillées des personnages, mais que l'on se rassure, Faňch et son équipe reviendront et petit à petit, nous en apprendrons plus sur eux et sur la vie en Bretagne au mitan du 19ème siècle.  Laissons-le s'installer tranquillement. Pas tant que cela d'ailleurs, puisque sur une double enquête, il ne chôme pas et se révèle chanceux et fin limier sachant tirer parti de chaque mot ou phrase entendus. La double intrigue maintient les lecteurs en alerte, et si celle des cambriolages est classique, celle concernant le meurtre de l'antiquaire l'est moins, s'appuie sur des faits historiques et donne le ton de cette série. 

Faňch n'est pas le plus intelligent des flics de papier, mais il a bonne mémoire, est plutôt fin stratège et entraîné aux combats. Opiniâtre, il suscite le respect de ses hommes et de ses supérieurs. 

Vraiment très plaisantes ces aventures de Faňch Le Roy, documentées, instructives sans être lourdes, distrayantes et fort bien menées sur un fond historique solide. Tout pour plaire. Vite, la suite...

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Petites foulées au bord d'un canal

Publié le par Yv

Petites foulées au bord d'un canal, Luc-Michel Fouassier, Quadrature, 2018.....

Ce canal, c'est le canal de Briare creusé entre 1605 et 1642, ce qui en fait l'un des plus vieux canaux de France. 54 kilomètres qui relient les bassins de la Loire et de la Seine rythmés par 41 écluses. Écluses qui sont les lieux dans lesquelles les histoires de Luc-Michel Fouassier se déroulent. Les narrateurs sont coureurs ou marcheurs, ils peuvent aussi vivre sur des bateaux. Chacun aime venir sur les berges ou les découvre sur les conseils d'un ami, d'un écrivain, ...

Il y est question de solitude et donc d'introspection, de couples qui se déchirent mais aussi de rencontres amoureuses ou  de consolidation de liens déjà existants. Souvent les personnages de l'auteur viennent s'y promener, baguenauder ou bien se ressourcer, chercher des réponses à leurs interrogations. La quiétude du lieu, la tranquillité de l'eau, les nombreuses écluses permettent de prendre le temps, de contempler la faune et la flore, de ralentir le rythme, même si certains courent ou randonnent.

Certaines nouvelles sont très courtes, souvent celles qui ont une chute inattendue et drôle. Beaucoup de poésie, de lenteur. A tel point, qu'on se verrait bien déguster ces nouvelles, tranquillement allongé au bord du canal, un jour de beau temps, au rythme de l'eau qui passe.

Depuis plusieurs semaines, je redécouvre la nouvelle, vous avez pu constater que pas mal de mes dernières recensions concernent ce genre que j'apprécie de plus en plus, surtout lorsqu'il est bien servi, comme ici avec Luc-Michel Fouassier et les éditions Quadrature.

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Libérons-nous ! Des chaînes du travail et de la consommation

Publié le par Yv

Libérons-nous ! Des chaînes du travail et de la consommation, Abdennour Bidar, Les liens qui libèrent, 2018.....

Plaidoyer pour le revenu universel qui permettra selon l'auteur de libérer chacun des chaînes du travail et de vivre enfin en hommes libres, de ne plus attendre les vacances ou les week-ends pour s'adonner à ses passions, ses envies, ses relations,... 

Autant vous dire tout de suite, la question du revenu universel me taraude depuis que Benoît Hamon, l'a mise sur la table lors de la dernière campagne électorale présidentielle. Depuis, je me suis un peu renseigné et si l'idée me paraît bonne, les écueils sont nombreux. Abdennour Bidar s'empare de cette question et répond à toutes les objections, les questions sans rejeter les difficultés, ceux qui profiteront du système -il y a toujours des gens qui profitent et détournent les bonnes idées à leur profit, il y en aura donc pour le revenu universel.

Le revenu universel, une utopie ? Sans doute, mais de laquelle on n'a jamais été aussi proche, dans nos sociétés qui se mécanisent, se robotisent, mettent les gens au chômage, les contraignent et les culpabilisent de ne pas avoir de boulot et les punissent même et les poussant à la pauvreté. Abdennour Bidar est lucide et sait bien que pour que cette idée fonctionne, il faut briser des chaînes :

"La première nous lie au travail : elle nous contraint de travailler pour gagner de l'argent. La deuxième nous lie à la consommation : c'est elle qui rend l'argent désirable, et qui nous motive donc à travailler. L'individu est contraint de travailler parce que c'est le seul moyen d'accéder à ce que la société de consommation l'a conditionné à voir comme le bonheur : posséder. Travailler plus pour gagner plus pour dépenser plus. Tel est le cercle vicieux où beaucoup d'existences tournent en rond." (p.30)

A la suite du constat, le philosophe déroule son raisonnement très réaliste et non pas purement intellectuel. Je pourrais vous citer toutes les pages que j'ai notées mais ce serait long. Il propose ni plus ni moins qu'un changement de société, la nôtre, capitaliste, étant à bout de souffle. C'est une charge virulente, énervée et lucide contre ce capitalisme qui a réduit les hommes en esclavage et qui compte bien en profiter encore longtemps. L'homme ne s'épanouira en tant qu'individu et en tant qu'appartenant à un groupe que lorsqu'il pourra prendre du temps pour lui et pour autrui. 

La réflexion d'Abdennour Bidar est poussée, fine, intelligente et sans concession. Je la rapproche d'un petit ouvrage dont j'ai déjà parlé ici et qui abordait (en 1880, pas sous l'angle du revenu universel), le rapport des hommes au travail, Le droit à la paresse de Paul Lafargue.

Très accessible et court (110 pages), l'essai d'Abdennour Bidar est à lire de toute urgence pour qui sent bien que la société actuelle est finie et qu'il faut en changer. Pour les autres aussi, c'est une belle source de réflexion et de discussion. En ces temps très troublés, il me semble tout indiqué.

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