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Requiem pour le juge

Publié le par Yv

Requiem pour le juge, André Fortin, Éd. Jigal, 2010, sortie poche, 2013

Le juge Galtier est insomniaque, surtout si la soirée avec sa femme s'est finie par une dispute. Ange Simeoni est un malfrat marseillais, qui, une nuit, pour échapper à des gens malintentionnés se réfugie sur un balcon. Celui du juge. Qui justement tente de combattre une insomnie sur ce-dit balcon. 

Très loin de cette rencontre fortuite, le prince Al-Walid réunit les gens qui pour lui, aux quatre coins du monde, font des affaires pas toujours honnêtes. Parmi eux, Charlie Sacomano, agent immobilier marseillais aux grandes ambitions. Lorsque la maîtresse d'icelui est assassinée, le juge Galtier est saisi.

Fatima, une jeune femme que le juge Galtier a aidée lorsqu'il était juge pour enfants débarque un jour et lui demande de surveiller son frère Rachid qu'elle pense sur la mauvaise pente, celle de l'islam intégriste. De toutes ces affaires apparemment déconnectées, le juge sera le point commun.

Chez Jigal, j'étais habitué aux polars assez rapides, efficaces, comme récemment Beso de la muerte ou L'autel des naufragés, mais là pas du tout, c'est un roman qui prend son temps. Un peu bavard et pas mal de répétitions, mais on est à Marseille, là où on enjolive les faits, où une simple anecdote prend des tournures d'histoire du siècle. Je dois sûrement ici écrire un cliché, mais il faut bien reconnaître que ce roman de 272 pages (dans sa version grand format) aurait pu être réduit nettement sans perdre de son intérêt. Ceci étant dit, c'est un roman qui m'a beaucoup plu. D'abord, le ton est léger, le style entre ironie, sarcasme et humour, on lit avec un sourire aux lèvres -pas permanent, car les digressions de l'auteur sont bien senties et sérieuses, mais j'y reviendrai-, mais qui tient une bonne partie du livre : "Le prince Al-Walid qui avait fait ses études secondaires en Angleterre, au prestigieux collège d'Eton, puis ses humanités à Oxford parce que, cette année-là, les étudiants de cette université avaient battu Cambridge aux avirons, n'en était pas moins un partisan convaincu du despotisme absolu. Ça tombait bien parce que le despote, dans son pays, n'était autre que son grand-oncle et que cet ancêtre tout puissant avait le sens de la famille. On avait eu beau apprendre au jeune dandy qu'il était alors, la philosophie des Lumières avec Locke puis Montesquieu et Voltaire (et non pas Rousseau, il ne faut tout de même pas exagérer...), rien n'y avait fait." (p.13)

Ensuite, on suit l'intrigue du côté du juge d'instruction, qui lentement, cherche à établir les responsabilités et à ne pas faire payer des lampistes mais les bons coupables. Enfin, entre deux interrogatoires, et des discussion avec Juston le flic, le juge Galtier nous fait part de ses opinions sur la justice française (André Fortin s'y connaît un peu, il a été magistrat) : "J'ai toujours été, par principe, opposé à cette législation et à cette juridiction d'exception [la juridiction anti-terroriste] : augmentation considérable des droits de la police, durée de garde à vue doublée, voire triplée, détention provisoire allongée, accointances entre justice et services de renseignement, cour d'assises sans jurés, incriminations élastiques, droits de la défense réduits... Un système que l'on croirait relever d'un régime totalitaire et non d'une démocratie européenne du XXIe siècle?" (p.219) et également sur les réseaux de l'islam intégriste dans les cités : recrutement de jeunes désœuvrés et en recherche d'un sens, implication dans des affaires financières douteuses, ... Dans ces moments, l'écriture est plus grave, pas donneuse de leçons, elle constate en s'appuyant sur l'expérience d'un juge.

On est en plein roman noir social ou sociétal. Un polar très ancré dans le vrai, sans doute encore au-dessous de la réalité qui, on le sait, dépasse toujours la fiction. Très prenant grâce au rythme, à l'écriture très plaisante d'André Fortin et au réalisme de ses intrigues.

Avis en partie partagé par Oncle Paul

 

thrillers

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D
Bonjour Yv, je ne connais ni l'auteur, ni l'éditeur: pourquoi pas? J'aime bien découvrir les polars français. Bonne journée.
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Y
<br /> <br /> Tu as raison, il y a de très bons polars français. Jigal est une petite maison marseillaise<br /> <br /> <br /> <br />
A
Au-dessous de la réalité ? Non ?!
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Y
<br /> <br /> je dis "sans doute", je prends des garanties<br /> <br /> <br /> <br />
O
Bonjour Yv<br /> D'accord avec ton appréciation sur Jigal. C'est une très bonne maison d'édition, et les bibliothèques n'y pensent pas peut-être parce que c'est une petite (relativement) structure.<br /> Et merci pour le lien<br /> Amitiés
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Y
<br /> <br /> Les livres des grands éditeurs sont plus visibles et ont donc plus de "chances" de sortir des rayons des bibliothèques...<br /> <br /> <br /> amicalement<br /> <br /> <br /> <br />
C
Oh que oui !
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Y
<br /> <br /> on est d'accord<br /> <br /> <br /> <br />
C
Encore Jigal !!!! Malheureusement, il n'est pas à la bibli
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Y
<br /> <br /> Oui, une très belle maison d'édition pour les polars<br /> <br /> <br /> <br />