Moana blues

Moana blues, Anne-Catherine Blanc, Ed. Au vent des îles, 2002
"Moana, c'est le bleu absolu que prend l'océan quand le regard plonge vers l'abysse, vers le vertige sans fond qui s'ouvre au-delà du lagon [...]. Moana, c'est la matière bleue [...]. Plonger dans le bleu, c'est la petite mort, le renoncement à l'être. [...] Au-delà du moana le bleu devient noir. C'est "'ere'ere", le bleu noir qui précède les ténèbres [...]. Moana, c'est aussi un prénom." (extrait du prologue) Moana c'est le prénom du fils de Malinda, épouse de Paulot. Paulot, le déraciné. Paulot, le métropolitain, pied-noir d'origine, débarqué un jour à Tahiti pour tenter de s'y enraciner justement. Il a épousé Malinda, maman de deux garçons, Moana et Félix. Ensemble, ils ont fait la petite Urahei, la petite sœur. Moana c'est l'adolescent fou du surf, qui sans accepter son beau-père Paulot, ne le rejette pas. Et puis, à force de patience et grâce à la plongée sous-marine, ces deux-là vont s'apprivoiser et s'apprécier et devenir inséparables. Aussi lorsque Moana meurt d'un accident de plongée et que toute sa famille est inconsolable, Paulot se sent étranger, père illégitime et a peur de se sentir rejeté.
Moana blues se passe le jour de l'enterrement de Moana et c'est le déroulement de la journée de Paulot, ses questions, ses pensées, ses réflexions qui nous expliquent son arrivée sur l'île, sa rencontre avec Malinda et avec ses enfants.
Roman intérieur, très fort. L'emploi alterné des deuxième et troisième personnes du singulier donne une proximité avec Paulot, avec son discours et ses émotions. Il est pudique envers les autres, mais dans ses réflexions intimes il se livre, se découvre. Un homme simple confronté à une douleur qu'il ne peut ni partager ni diminuer. Moana, était devenu son fils ; une vraie complicité et un vrai amour père-fils étaient nés. Trop vite arrêtés, puisqu'ils n'ont pu en profiter que quelques petites années, d'où une douleur encore plus vive.
L'écriture de Anne-Catherine Blanc provoque des sensations, elle prend au ventre. J'ai compati -ce que je pouvais faire de mieux- à la douleur de Paulot et des autres membres de la famille, je me suis senti concerné et me suis même revu dans des circonstance analogues, ayant des pensées identiques à lui, des moments de solitude et des instants où j'avais l'impression de ne pas être à ma place.
Un roman très beau, très fort sur les tourments d'un homme confronté au deuil de son récent-fils adolescent. Très différent du roman suivant d'A-C Blanc, L'astronome aveugle que j'avais également beaucoup aimé. Ce qui prouve que cette auteure a beaucoup de talent et qui me donne très envie de découvrir son prochain livre.
Merci à B.O.B et à l'éditeur pour ce magnifique partenariat.