Mauvais garçon

Mauvais garçon, Laurent Bettoni, Ed. Don Quichotte, 2014....
Thomas, 23 ans, vit en cité HLM. Il est le meilleur de sa promo, diplômé en sociologie et philosophie politique, mais ne trouve pas d'emploi, à chaque fois, un fils de famille bien implantée lui ravit le poste même lorsque ses compétences sont moindres. Pour survivre, Thomas deale de l'herbe. Suite à un énième refus de la part d'un employeur pour lequel il était stagiaire depuis trois mois, le jeune homme revoit son ancien professeur, médiatique, reconnu, qui lui propose de "gérer Ideo, un site d'opinion qu'il dirige anonymement sur le Darknet..." (4ème de couverture)
Une petite précision liminaire s'impose pour les ignares comme moi qui ne savent pas ce qu'est le Darknet. C'est un réseau à part de l'Internet, dans lequel on entre par cooptation, sur invitation. Les adresses IP sont codées, les noms sont des pseudonymes et il n'est pas aisé de remonter aux sources. C'est un réseau qui accueille le pire et le meilleur : des sites hébergeant des activités illégales (pédophilie, vente d'armes, de drogues, ...) mais aussi des sites dissidents notamment dans les pays dans lesquels le droit d'expression n'est pas respecté (Reporter Sans Frontière forme les journalistes à ne pas laisser de trace sur le Darknet). Dans ses remerciements Laurent Bettoni précise qu'avant une discussion anodine avec son fils, il n'en connaissait rien non plus.
Après son Artus Bayard et les maîtres du temps, Laurent Bettoni part dans une direction plus noire, franchement sombre. Ce Mauvais garçon est une descente dans les arcanes du Web et une descente absolument pas programmée pour Thomas pourtant, sur le papier promis à un bel avenir. Toutes les idées que l'on peut avoir sur les gens des cités y sont, ce qu'on pourrait penser être des clichés surtout lorsqu'on n'y vit pas ou n'y a jamais vécu, mais L. Bettoni amène ça assez subtilement. La drogue, le deal, les filles chahutées (c'est un euphémisme), le racisme, le chômage, les difficultés de sortir de ce milieu à cause de l'ostracisme régulier dont souffrent les habitants, la peur des parents que leurs enfants tournent mal, la peur des enfants lorsqu'ils aspirent à autre chose que la zone, la honte qu'ils peuvent avoir de leurs parents au chômage ou qui vivent d'allocations diverses, ... Thomas souffre de tout cela et entrevoit un rayon d'espoir lorsque son ex-prof fait appel à lui. Il prendra conscience du pouvoir des mots et des idées, de la force d'icelles lorsqu'elles sont bien présentées. Moi-même au début, je me suis fait prendre, je me disais que le Darknet pouvait véhiculer des pistes de réflexion intéressantes, et puis, très vite, j'ai déchanté, mais je vous laisse découvrir tout cela.
Laurent Bettoni plonge son Candide dans un panier de crabes, celui de la politique et des accointances que certains partis et hommes politiques entretiennent avec des sociétés ou des hommes pas très recommandables, mais ils ont de l'argent. Je ne veux pas dire ici ce que l'on peut entendre au café du commerce, le fameux "tous pourris", je veux croire que beaucoup d'élus sont honnêtes et œuvrent -ou tentent d'œuvrer- pour le bien de tous, néanmoins certains d'entre eux et pas des moindres traînent des batteries de casseroles, ceux sans doute à qui le livre est adressé : "Aux politiciens de tous bords qui confondent tactique politicienne et conscience politique, de manière à ne servir que leur intérêt personnel et jamais celui du peuple." (p.7) Les propos tenus dans le forum Ideo font froid dans le dos, mais dans la vraie vie (In Real Life = IRL, comme je devrais dire parlant de l'Internet), la parole se libère et de plus en plus, dans les médias, dans les conversations, de tels mots sont entendus, le racisme quotidien, la peur et la haine de l'autre, le repli sur soi et sous son drapeau. Sous couvert d'un relatif anonymat l'Internet est le réceptacle de propos parfois franchement dégueulasses. On insulte, on dénigre... Beurk !
Le roman de Laurent Bettoni est noir, direct ; une fois entamé, on ne peut le refermer que fini. Une excellente idée que de mêler la vraie vie à une vie plus souterraine, celle du Darknet. On pourrait se consoler en se disant que c'est de l'anticipation ou de la fiction, mais je crains que cette histoire ne recèle quelques grosses parts de vérités et que les claques politiques ne se multiplient.
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Guillome 14/12/2014 21:58
Yv 15/12/2014 09:46
Laurent Bettoni 12/12/2014 10:00
Yv 14/12/2014 09:51
Laurent Bettoni 10/12/2014 15:33
Yv 10/12/2014 16:43
Alex-Mot-à-Mots 07/12/2014 18:42
Yv 08/12/2014 12:59
zazy 06/12/2014 20:22
Yv 07/12/2014 15:46
Aifelle 06/12/2014 10:58
Yv 06/12/2014 12:55
Violette 06/12/2014 10:16
Yv 06/12/2014 12:54