Les quatre morts de Jean de Dieu

Les quatre morts de Jean de Dieu, Andrée Chédid, Flammarion, 2010
Je viens d'apprendre le décès d'Andrée Chédid, survenu hier soir. Une des très grandes de la littérature française. Je l'ai découverte avec L'autre et L'enfant multiple, deux romans très forts et à relire ou à lire absolument. Voici en forme d'hommage, mon billet consacré à son dernier roman et paru fin 2010.
Jean de Dieu, naît en 1915 en Espagne. Prénommé ainsi en référence maternelle à un Jean de la Croix, un grand mystique et en référence paternelle à un Jean de Dieu, "qui avait fondé l'ordre laïc des Frères hospitaliers" (p.22), il grandit dans cette famille de la bourgeoisie espagnole. Au moment de la guerre civile, il se réfugie en France et vivra tout le reste de son âge dans ce pays. "De la guerre d'Espagne à la chute du mur de Berlin, Andrée Chédid fait le portrait d'un enfant du siècle dans ce roman profond et émouvant qui est comme la quintessence de toute son oeuvre." (4ème de couverture)
Une petite explication du titre qui me paraissait bizarre avant que je n'ouvre le livre : Jean est mort quatre fois : "La première mort avait été la perte de sa foi catholique. La seconde fut une lente et longue agonie : l'exil de son Espagne chérie en 1936 [...] suivie, une cinquantaine d'années plus tard, par l'enterrement du communisme dans le fracas de la chute du fameux mur de Berlin. La troisième mort, c'était celle de sa dernière maladie, la Salope."(p.14). Et la dernière, c'est bien sûr sa vraie mort à laquelle on assiste dès le début du roman.
Andrée Chédid, dans un style à la fois simple et riche, avec de nombreuses références à la mythologie, à l'histoire, à la religion dresse un portrait d'un homme droit, bon et légèrement arc-bouté sur ses principes. Ses filles -et son fils- d'ailleurs le lui reprocheront qui s'en iront loin de lui pour ne plus subir sa domination. Un homme du début du siècle dernier : un patriarche !
Andrée Chédid aborde tellement de notions que j'ai peur d'en oublier ; Jean se pose des questions sur la religion, lui qui est devenu athée et qui s'oppose à sa femme et ses filles très croyantes et pratiquantes ; il s'interroge également sur le rôle de la poésie dans la société, le lien qu'elle a avec la science.
L'auteure décrit aussi l'absence de l'être que l'on perd, la peur qu'a Isabelita, la femme de Jean, de se retrouver seule, sa hantise de ne plus pouvoir toucher le corps de son mari. Malgré les attentions dont elle fait l'objet de la part de ses enfants et petits-enfants, malgré ses croyances en une autre vie après la mort, Isabelita est dans une souffrance qu'elle ne peut maîtriser : elle ne s'imagine pas vieillir seule. Jean lui manque. Sa présence physique.
La vieillesse est aussi un thème dont Andrée Chédid parle, très librement et très ouvertement. Elle qui, à quatre-vingt-dix ans continue à écrire admirablement et à raisonner d'une manière incroyable, elle nous donne à nous, ses lecteurs assidus d'environ la moitié de son âge -enfin, pour moi !-, une leçon de vie : "profitez de la vie" nous dit-elle. De chaque instant de votre vie. "Merci Madame Chédid, pour ce livre, mais aussi pour tous les autres" lui réponds-je, décidément toujours sous le charme de cette auteure, de son écriture et de son intelligence.
Un très beau roman sur la vie, la vieillesse et sur nos questions existentielles. Un très beau roman dont le fil rouge est tout simplement l'amour.
Pascale est également enthousiaste. Et merci à la Librairie Dialogues.
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Noukette 14/02/2011 23:47
Yv 15/02/2011 10:39
Florinette 13/02/2011 13:28
Yv 13/02/2011 16:29
Marie 30/12/2010 11:34
Yv 30/12/2010 14:43
Alex-Mot-à-Mots 27/12/2010 18:41
Yv 27/12/2010 22:22
Hathaway 21/12/2010 11:54
Yv 21/12/2010 15:17
Dominique 20/12/2010 13:42
Yv 20/12/2010 14:58