Les morues
/image%2F1411657%2F20230409%2Fob_abee42_les-morues.jpg)
Les morues, Titiou Lecoq, Au diable Vauvert, 2011
Ema, Gabrielle et Alice sont les Morues, un groupe féministe qui se retrouve dans un café, organise des soirées DJ. A ce groupe, il faut ajouter Fred, un garçon avec les mêmes caractéristiques. Charlotte, la copine d'Ema et de Fred vient de suicider, mais Ema doute. Elle décide, seule contre ses amis de savoir pourquoi Charlotte en est arrivée là.
C'est un roman fourre-tout : il commence comme un roman de filles, puis bifurque (heureusement !), hésite entre polar, roman politique, féministe, ... Très franchement, le début m'a un peu effrayé, parce que je le sentais parti comme un roman léger, écrit par une fille pour des filles. Pas des femmes, des filles. Et puis, Titiou Lecoq amène gentiment son lecteur vers une enquête journalistique pour connaître les raisons de la mort de Charlotte : "Le lendemain matin, avant même d'ouvrir les yeux, Ema sentit qu'il y avait un truc nouveau dans sa vie mais dont elle n'arrivait pas encore à se souvenir. Et puis tout lui revint d'un coup. La nouveauté, ce n'était pas que le jour de Noël avait été avancé de quelques mois ou qu'on lui avait offert la direction de la rubrique société à Vanity Fair mais bel et bien qu'elle avait enterré sa meilleure amie. Malgré la fatigue de la veille, elle retrouva brusquement l'intuition que quelque chose ne collait pas dans tout ça. Elle se leva en se répétant que le tableau était faux." (p.47)
Au fil de ses recherches, elle va se coltiner des rapports sur la Révision Générale des Politiques Publiques, autrement appelée la RGPP qui, comme un dogme, institue la réduction du nombre de fonctionnaires par deux (on voit aujourd'hui où cela nous mène, notamment dans l'éducation et dans les hôpitaux). Titiou Lecoq est bien documentée et elle explique assez bien les causes et les conséquences de cette RGPP appliquée au titre de l'idéologie, au mépris des dégâts occasionnés. Des dégâts collatéraux en somme. Elle dévoile les dessous de cette politique, qui vise à la privatisation du patrimoine culturel au nom de la rentabilité.
Mais ce roman est aussi un roman de femmes qui se cherchent. Des trentenaires (ou à peine) : celle qui ne veut pas s'engager, celle qui cherche un ami et celle qui est la maîtresse d'un homme haut placé, et Fred qui cherche l'âme sœur désespérément.
Les personnages de Titiou Lecoq ne sont pas trop caricaturaux, Ema, violée quelques années auparavant ne s’appesantit pas sur cette douleur et décide de vivre avec, au grand dam de son ex, qui lui, ne comprend pas qu'elle puisse "oublier" cet acte et vivre quasi normalement. Dans un style direct, franc et parfois cru, elle raconte leurs pensées, leurs actes, chez l'auteure un chat est un chat et l'on sait clairement où elle veut nous emmener. Un peu long par moments (le début surtout, j'ai failli abandonner, mais j'ai bien fait de persévérer), mais on peut passer vite certaines scènes inutiles ou redondantes.
C'est finalement une excellente surprise que ce premier roman de cette jeune auteure qui parle aussi de l'Internet, des blogs, de la vie des trentenaires parisiens (il y a quand même un petit côté parisiano-parisien un brin agaçant, un côté bobo-je-vis-comme-je-veux-et-je-l-affiche) en ce début de XXIème siècle : très actuel.