Le violoniste

Le violoniste, Mechtild Borrmann, Le Masque, 2014 (traduit par Sylvie Roussel).....
Ilja Grenko est un violoniste virtuose dans la Russie de 1948, marié à la belle Galina, actrice, ils ont deux enfants Pavel et Ossip. Un soir, à l'issue d'un concert, ovationné, Stradivarius en mains, il est arrêté et emmené à la Loubianka, siège du KGB. On lui reproche d'avoir voulu quitté le territoire avec femme et enfants. Ilja qui ne vit que pour la musique n'a jamais eu cette idée, mais le KGB ne l'entend pas ainsi. Il est condamné à vingt ans de goulag et sa famille est envoyée loin de Moscou dans une zone désertique, tous biens leur sont retirés, Stardivarius compris.
2008, Sacha Grenko, petit-fils d'Ilja et Galina, citoyen allemand est contacté par sa sœur qu'il n'a pas vue depuis dix-huit ans, elle est sur la piste du Stradivarius de leur grand-père et a besoin d'aide. Sacha se lance à la poursuite du violon ne sachant rien de l'histoire de sa famille, il ira de surprise en surprise.
Excellent roman qui nous met dans le bain dès les premières pages et qui ne nous lâche plus, jusqu'à la toute fin, à peine 250 pages plus loin. La machination est terrible : lorsqu'Ilja est arrêté, le KGB fait croire à sa femme qu'il s'est enfui à l'étranger et qu'elle-même doit partir :
"Elle ouvrit. Un type entra, la bousculant au passage, suivi de deux autres. La porte se referma. Elle reconnut les deux qui l'avaient conduite chez Kourach.
- Fais tes bagages ! ordonna le plus petit. Juste ce que tu peux porter.
Elle ne bougea pas. C'était idiot, mais elle était tétanisée par ce "tu".
- Mes enfants, il n'y aura personne avec mes enfants.
- Tu emmènes tes gosses.
Ils lui agitèrent un papier sous le nez. Les lettres se brouillaient devant ses yeux.
... retrait des droits civiques... les biens d'Ilia Vassilievitch Grenko... restitués au peuple... La femme et les enfants à être déportés. Elle lut "Karaganda". Elle n'avait jamais entendu ce nom." (p.69)
Plus on avance dans le livre, plus l'intrigue se densifie, s'ossature ; des détails s'ajoutent à d'autres, forment une histoire, une cabale diabolique et très solide. La construction du roman qui alterne les chapitres aide à maintenir le suspense et faire monter la tension : un chapitre consacré à Ilja au goulag, un autre à Galina et les enfants en déportation et un autre à Sacha et sa quête d'informations sur sa famille et sur le Stradivarius. Très bien fichu, ce roman noir nous plonge dans la Russie de 1948 et ses dénonciations qui valaient à certains de tout perdre jusqu'à la vie, même en n'ayant rien fait, sur un simple soupçon d'un fonctionnaire zélé. On voyage aussi dans la Russie d'aujourd'hui qui n'est pas encore libérée de certaines habitudes, encouragées même par un président qui joue les gros bras. Et je vous passe beaucoup de détails pour vous laisser la joie de découvrir par vous-mêmes.
C'est aussi un roman sur la recherche d'identité, sur les liens familiaux et l'héritage familial, sur la difficulté à avancer sans connaitre ses parents, grands-parents.
Bref, un excellent roman d'une auteure allemande, sorti fin août qui devrait ravir un bon nombre de lecteurs.
Sandrine aime aussi.