L'heure des gentlemen
L'heure des gentlemen, Don Winslow, Éd. du masque, 2012
Boone Daniels est un ex-flic devenu privé, qui, comme souvent dans ces cas-là ne roule pas sur l'or. Il faut dire que ce que Bonne préfère c'est passer son temps avec ses copains de la Patrouille de l'aube, sur leurs planches de surf, dès potron minet. Le procès de l'agresseur de l'icône de la communauté surf locale débute bientôt. Le cabinet d'avocat qui représente le jeune agresseur, par l'intermédiaire de Petra l'avocate qui rend dingue Boone, lui demande de l'aider à défendre le jeune homme. Boone accepte se mettant à dos la communauté surf, la Patrouille de l'aube dont l'un des membres, ami de Boone est le flic qui était chargé de l'enquête. Ajoutez à cela des barons de la drogue mexicains, des punks néonazis et le mélange devient vite explosif.
Boone est en plein questionnement existentiel sur le sens de sa vie, sur la direction lui donner lui, qui arrive à la quarantaine : c'est une grande partie du bouquin. Pourquoi pas ? Disons qu'avec ce livre, Don Winslow se rapproche des polars ou des romans noirs classiques avec un héros qui se pose des questions, qui vit au delà de ses enquêtes. Là où il m'avait totalement surpris et bluffé dans Savages, il ne me renverse pas avec ce roman. D. Winslow s'assagit et avec lui ses histoires. Mais attention, on est loin d'un mauvais bouquin. Dans ce genre de littérature, Don Winslow se révèle être très fort, c'est juste parce que j'avais lu mieux que j'ai été un peu déçu, mais qui ne connait pas encore cet auteur peut y trouver un vrai plaisir de lecture -qui le connait aussi d'ailleurs, parce que globalement, j'ai bien aimé. D'abord et surtout par son écriture, hachée, qui alterne les belles phrases classiques, à celles tronquées du langage parlé ou d'un rythme différent :
"Il a donné sa vie pour la cause ! mugit Boyd. (Ses yeux sont mouillés de putain de larmes) Nous devons tous nous tenir prêts à donner notre vie pour elle.
Ouais, se dit Boone. Non. Sans moi. Pas pour cette cause là. Suprématie blanche, néo-nazis, petites bites, QI à deux chiffres, respiration buccale, conneries merdiques de charognards déglingués.
Les skins se balancent à présent -l'adrénaline gicle, la circulation du sang s'accélère. Parfait, songe Boone. Saignez donc à blanc." (p.162)
L'enquête avance pendant que Bonne s'interroge sur les liens amicaux, sur l'amour. Petra lui fait toujours beaucoup d'effet, mais elle est très différente : avocate ambitieuse et lui, détective privé ultra cool qui n'aspire qu'à profiter de la vie, des vagues et des copains. Certains liens se délitent pendant que d'autres se renforcent. L'intrigue est un prétexte pour l'auteur qui lui permet de parler de ces thèmes et également de faire une critique de la société de consommation étasunienne et plus particulièrement de la bonne société californienne :
"On peut trouver sur le marché matrimonial sud-californien quelques milliers de liaisons profondément cyniques -des hommes qui acquièrent des épouses trophées jusqu'à ce que la date de péremption les incitent à s'en séparer ; des femmes qui épousent des nababs afin d'obtenir leur indépendance financière par le truchement de la pension alimentaire ; des jeunes hommes qui convolent avec de vieilles dames pour le gîte, le couvert et les cartes de crédit, pendant qu'ils sautent serveuses et modèles. Si l'on doit vraiment, absolument, s'occuper d'histoires de couples, telles sont les affaires qu'il faut accepter, car elles n'impliquent que bien peu d'émotions authentiques." (p.21) Cynisme ou réalité ? Sans doute un peu des deux, la réalité californienne entraînant le cynisme des lucides.
Beaucoup d'à-côtés aussi, plus ou moins en relation directe avec le texte principal, plus ou moins intéressants qui permettent de voir que Don Winslow est également capable d'écrire de manière moins déjantée, d'adopter un style plus classique.
Un polar très fréquentable même s'il n'est pas le meilleur de l'auteur.
Merci Audrey.