Dent pour dent

Dent pour dent, Frédérique Molay, Ed. Fayard noir, 2011
A la faculté de médecine, les praticiens s'exercent sur des corps donnés à la science. Lors d'un cours pour chirurgiens-dentistes, dans une dent, le préparateur des corps trouve un message écrit sur transparent : "On m'a tué". Les organisateurs de ce cours hésitent entre mauvaise blague ou véritable message post-mortem. La brigade criminelle est appelée à la rescousse qui découvre que le corps appartient à un suicidé, Bruno Guedj, pharmacien de son état. Nico Sirsky, chef de cette brigade criminelle soupçonne une histoire moins facile qu'elle ne paraît de prime abord.
Deuxième enquête de Nico Sirsky ; la précédente l'avait mené sur la piste d'un dangereux tueur en série (La 7ème femme). Cette fois-ci, changement de décor : point de tueur en série, mais un mystère qui s'épaissit au fur et à mesure que les investigations avancent. Partie d'un rien, un indice ténu : un message dans une dent, l'auteure bâtit une histoire solide qui tient en haleine. C'est d'ailleurs ce qui est très bien : Frédérique Molay aurait pu surfer sur le fil du tueur en série qui lui avait réussi sur le premier tome. Eh bien, non, elle change tout à fait d'option, pour recentrer Nico et ses équipes sur une enquête plus traditionnelle, évoquant même Maigret et sa brasserie fétiche à Paris. Par contre, elle reprend certains principes -qui ont plus ou moins mes faveurs- du premier opus :
- d'abord une certaine image donnée à son roman policier : des personnages beaux, propres sur eux, évoluant dans un monde privilégié, bourgeoisie, ou classes aisées, dans les quartiers du Marais de Paris. L'équipe de Nico est systématiquement composée du meilleur graphologue, du médecin légiste la plus performante et de l'informaticien le meilleur (je cite sciemment ce mot deux fois, puisqu'il revient assez souvent). En 4ème de couverture, allusion est faite à Mary Higgins Clark, ceci expliquant cela, puisque dans les quelques livres que j'ai lus de cette auteure -il y a longtemps, j'étais jeune et encore innocent, mais je peux bien l'avouer maintenant, il y a prescription- c'était exactement ce que je lui reprochais. Voilà donc pour mes réserves concernant cette vision d'un monde idyllique, mais c'est le droit de l'auteure de placer ses écrits dans une certain milieu social, certains autres le faisant dans des mondes totalement opposés. Cette option tranche d'ailleurs avec le sordide des enquêtes, même si celle-ci l'est beaucoup moins que la précédente.
- une enquête menée sans temps mort. Chaque flic intervient, cherche une info et va jusqu'au bout de celle-ci dût-elle le mener à une impasse. F. Molay élargit le spectre des investigations, élimine les fausses pistes, les mauvais suspects pour resserrer ses fils sur celui ou celle ou ceux qui ne peuvent qu'être le(s) coupable(s).
- une véritable plongée au 36 quai des orfèvres, comme si on y était. Beaucoup de détails qui crédibilisent son enquête qui humanisent ses personnages, les rendent presque réels.
Pour ces deux derniers points, j'ai vu récemment (le 17 mai) sur France 2, Envoyé Spécial qui diffusait un reportage sur les flics du 36 quai des orfèvres. Une équipe de journalistes les a suivis pendant 6 mois. Formidable reportage dans lequel on voit les policiers travailler et dans lequel, certains d'entre eux se confient sur leur rapport à leur métier, à la mort qu'ils côtoient quotidiennement, aux cadavres. Je croyais être dans un des livres de Frédérique Molay. Vraiment. Elle décrit les journées de ces hommes et de ces femmes formidablement bien, ce qui donne cette impression de véracité, de vérité dont je parlais plus haut et dans mon billet sur La 7ème femme, largement confirmée par ce reportage.
F. Molay manifeste une volonté de faire changer les comportements ou de militer en plaçant des femmes à des postes clefs, égales des hommes -voire leurs supérieures- tant dans les capacités à réfléchir qu'à agir ou prendre des décisions. Bien vu ! Un peu plus de femmes dans les polars, c'est bien ; la réalité n'est absolument pas à la hauteur ! Mais bon, frémissement il y a : un gouvernement paritaire vient d'être formé : un bel exemple, n'est-il pas ? (C'est mon côté féminin qui parle là, vous avez vu ? Aucune blague sexiste !) J'ai quand même une petite perfidie pour Frédérique Molay (c'est plus fort que moi, dès qu'il faut dire un truc désagréable, je ne peux m'empêcher) : à quand des femmes et des hommes issus des minorités comme on se doit de politiquement-correct-dire ? C'est vrai qu'ils n'habitent pas les beaux quartiers parisiens, mais ça manque un peu de diversité dans votre brigade criminelle.
Et si nous revenions à l'intrigue ? Eh, bien, moins palpitante que la précédente (comme quoi on est accro aux cadavres, là, il y en a beaucoup moins), mais nettement plus fine et originale. Et encore une fois, je salue ici, la volonté de l'auteure de ne pas rester dans le même genre d'histoire.
Une très belle réussite que cette deuxième aventure de Nico Sirsky, malgré mes remarques fâcheuses de lecteur acariâtre ! Bon, je vous laisse, parce que j'ai sa troisième enquête sur le feu ! Bonne lecture n'attend pas.
Claude Le Nocher a aimé.
PS : 4 ans de Lyvres aujourd'hui même. 670 articles, un peu plus de 4 000 commentaires (vous devriez venir plus souvent, ce n'est pas énorme, 6 par articles !). Un petit blog qui fait sa petite vie tranquille, comme son maître ! Merci à tous de passer me voir de temps et temps. Revenez, ça m'fait plaisir. A bientôt. Yv
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Le Papou 02/06/2012 19:35
Yv 04/06/2012 08:01
Le Papou 02/06/2012 15:53
Yv 02/06/2012 16:54
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Yv 30/05/2012 08:53
Lystig 28/05/2012 00:48
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Aifelle 27/05/2012 10:00
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Sandra Ganneval 27/05/2012 08:11
Yv 27/05/2012 11:21