Brumes de sang

Brumes de sang, Jacques Mazeau, Presses de la cité, 2012
02 août 1914, l'heure de la mobilisation générale vient de sonner. Dans le paisible village bourguignon de Narcy, les hommes aussi doivent partir au front. Mais la nouvelle qui court les rues ce matin-là, c'est que le curé a été retrouvé mort dans l'église, vidé de son sang avec une étrange morsure au cou. Stupeur et tremblements, comme dirait l'autre. La jolie institutrice, Isabelle qui dégage un charme et une attirance toute particulières décide de s'intéresser à l'histoire. Elle est bientôt concurrencée par Hubert de Monchicourt, policier hautain et dédaigneux, dépêché sur les lieux lorsque la liste des meurtres s'allonge.
Étrange livre que celui-ci qui débute comme une chronique villageoise, ensanglantée certes, mais qui aurait pu tourner à l'enquête pépère et qui finalement nous plonge dans les troubles arcanes (pléonasme ?) du monde des vampires. Vous avez bien lu, il s'agit donc de combats de vampires, de partage du monde entre les méchants vampires, ceux qui veulent tuer les hommes et les gentils, ceux qui veulent vivre à leurs côtés en toute harmonie, sans d'ailleurs que les hommes ne sachent quoi que ce soit sur leur condition extra-humaine. L'incrédulité des hommes et des femmes de l'histoire -et la mienne, il faut bien le dire- face à l'existence des vampires et à leur arrivée en France, en 1914, au fin fond d'un village bourguignon est de mise :
"A l'invitation du docteur, Isabelle évoqua la thèse d'un vampire. Le maire éclata de rire avant même qu'elle eût terminé son exposé.
- Quelle idée saugrenue ! s'exclama-t-il. Pourquoi pas une licorne, un dahu, un dragon ?
Lambert se tourna vers Laurencin. N'avait-il pas une hypothèse plus sérieuse à suggérer ? Le docteur avoua piteusement qu'il n'en avait aucune, puis il proposa à boire." (p.41) Comme quoi, le bon sens français est toujours présent : "buvons un coup !"
Et puis, on s'aperçoit que certains son assez réceptifs à cette incroyable possibilité. Ils se laissent convaincre voire convertir. Bon, je n'en raconte pas plus pour laisser le suspense à peine défloré, juste de quoi titiller l'esprit des futurs lecteurs.
Personnellement, je ne suis pas amateur de ce genre de littérature. Disons que les vampires ne m'attirent pas, aussi beaux ou belles soient-ils (et surtout elles) ! Lorsque j'ai ouvert ce livre je ne m'attendais pas à cela : j'avais lu très vite la quatrième de couverture, et encouragé par mes récentes lectures de cet éditeur dans cette collection (Presses de la cité, collection terres de France), je me suis dit "-Vas-y mon P'tit gars Yv, ça va l'faire !" (eh oui, comme disait le très regretté Pierre Desproges quand je me parle à moi-même, je m'appelle mon P'tit gars, parce que si je m'appelle ma P'tite fille, ça m'excite et après je ne peux plus rien dire ou écrire. Et il concluait par ces deux mots : "Pouf, pouf."), je disais donc avant de m'auto-interrompre que j'ai commencé ce livre sur la base de ce que j'avais déjà lu et aimé chez cet éditeur (je tiens d'ailleurs, ici, devant la France entière, que dis-je le monde entier, à remercier chaleureusement Laura qui se reconnaîtra) ; sans cela, je n'aurais sans doute pas pris ce livre et c'eût été dommage. Car je me suis bien marré. Bon, je ne sais pas si c'est l'argument numéro un pour le vendre, mais sincèrement, je crois que l'auteur a voulu avant tout écrire une histoire pour se faire plaisir et pour dire qu'on pouvait nous aussi en France écrire des histoires de vampires. Et ça marche ! Il faut le prendre au second ou au troisième degré et la lecture passe merveilleusement comme une détente. On n'échappe pas aux caricatures, aux stéréotypes, au manichéisme du bien et du mal, mais c'est la base même de ce genre d'histoires. Ce que j'aime vraiment bien, c'est que ce bouquin associe malicieusement et judicieusement une histoire de vampires, un suspense de roman policier, un mélange de croyances transylvaniennes et celtes et une chronique villageoise de 1914/1916. Pari réussi, pour qui évidemment veut passer un bon moment et ne prend pas ces histoires au sérieux.
Et ailleurs on en dit quoi : Blue moon ?