A quoi tu penses ?

A quoi tu penses ?
Piqué chez Armande, en provenance directe de chez Gwen, j'ai repéré le petit exercice ci-dessous qui m'a inspiré :
"Aujourd’hui, en vous inspirant de ce tableau, je vous propose de vous glisser dans les pensées de cette jeune femme…
A quoi pense-t-elle? Hein? Vraiment, on se le demande…
On dirait presque qu’Edward Hopper n’a peint cette scène que pour pousser le spectateur à tenter de répondre à cette difficile question…
Vous êtes libre de traiter le sujet comme vous voulez. Essayez de ne pas dépasser 1000 mots…"
Voilà donc ma modeste participation en ce dimanche terne et gris par chez nous.
«Qu’il est mauvais ce café ! Je ne sais pas ce qu’il a mis dedans, le cafetier, mais il aurait voulu m’empoisonner qu’il ne s’y serait pas pris autrement. ! Et pourtant, je l’ai sucré. Deux morceaux ; moi qui d’habitude n’en mets qu’un seul ! Il faudrait que je lui dise. Il faut absolument qu’il change de marque. Je pense qu’il devrait passer au café bio et commerce équitable. Ça ne se fait pas encore ? Je suis un peu en avance, je sais, mais j’ai l’habitude. Déjà ne porter qu’un gant, ce n’est pas encore à la mode, mais je sens que ça va le devenir. Bon revenons au café. J’aurais dû prendre un thé. (N’importe quoi, je dis « revenons au café » et je parle de thé, tu parles d’un enchaînement.) Un thé au jasmin. Ou un Earl Grey. Ah oui, j’aime bien la bergamote. Ma mère dit que le meilleur c’est le Darjeeling, mais moi, je préfère l’Earl Grey. Ou alors une tisane. Oui, c’est cela que j’aurais dû commander. Ça fait mémère, mais au moins j’aurais pu boire quelque chose, parce que là, ce café est imbuvable. Et puis, mémère, mémère, je n’ai que vingt-cinq ans, je ne passerai pas pour une petite vieille quand même. J’aurais pu demander un alcool, mais j’ai peur qu’on me prenne pour une alcoolique. Les qu’en-dira-ton, ça va vite. Il aurait suffit que quelqu’un de ma connaissance me voie attablée seule avec un verre d’alcool et c’en était fait de ma réputation. Ceci étant, ce café est dégueulasse. Oh, mais qu’est-ce que j’ai à me parler comme ça ? Si maman m’entendait. Toute ton éducation à refaire, dirait-elle. Mais bon, comment pourrais-je qualifier ce breuvage ? Abominable, détestable, écœurant, exécrable, infect, insipide, insupportable, etc. ? Et cetera ? Je ne sais pas s’il est utile, j’ai fait le tour des adjectifs, je crois. Bon, je le garde, parce que j’ai pu en oublier un ou deux.
Bon alors, que fais-je ? Je lui fais remarquer au tavernier que son café est abominable, détestable, écœurant, exécrable, infect, insipide, insupportable, etc. , ou je lui commande autre chose, tout simplement ? J’ai aussi la solution de sortir dignement, calmement. De toutes manières, il faudra bien qu’il revienne, je n’ai pas encore payé. Et ce rendez-vous qui n’arrive pas. Au moins, si Lucie arrivait, elle me sauverait la mise. Elle, elle saurait lui dire au patron qu’on ne peut ingurgiter pareille mixture. Mais elle est en retard, comme d’habitude. J’espère seulement qu’elle n’a pas oublié. Ah si j’avais un téléphone portable, je l’appellerais bien, mais encore faudrait-il qu’elle en ait un aussi. Et le plus important serait que les portables soient inventés, parce que c’est comme pour le commerce équitable, je suis en avance. Ah c’est dur d’être dessinée dans une époque et de penser dans une autre. On n’a pas en tableau les moyens de ses pensées. J’aurais tellement aimé avoir un bon café, dans un bistrot bien chauffé plutôt qu’être obligée de garder ce manteau que je n’aime pas, parce que le bar n’a pas les nouvelles normes d’isolation en vigueur au moment où mon « penseur » écrit. Et puis, vous avez vu ce chapeau ridicule ? Qui oserait porter cela dans la vraie vie ? Une espèce de cloche à fromage. J’aurais préféré quelque chose de plus moderne. Bon, pas ceux de la reine d’Angleterre, ils sont encore plus ringards que le mien. Ou alors carrément tête nue. Scandale à l’époque. Quel dommage, j’aurais tellement aimé les cheveux au vent.
Bon alors, elle arrive Lucie ? Elle m’agace elle aussi à toujours tout oublier. Et maintenant mon café-poison est froid. Tout pour plaire ! Bon, j’en ai ma claque, je me barre. Je me tire. Je me casse. Et basta. Le patron, il peut s’asseoir sur son pognon ; je ne lui paye pas son horrible ersatz qu’il ose appeler café. Allez, café-basket, je me taille en courant et salut la compagnie. J’espère juste ne pas me prendre les pieds dans ma p….. de robe à la c…
Ah ça fait du bien de parler « d’jeuns » comme les gens des années 2000. Toujours en avance, je vous dis. »