Lambeaux

Lambeaux, Charles Juliet, P.O.L, 1995 (édité aussi chez Folio)
C'est un récit autobiographique. Charles a été séparé de sa maman encore bébé et placé dans une famille d'accueil, dans les années 30. La première partie est la vie de sa maman biologique et la seconde, sa propre vie, sa douleur et sa difficulté à se construire avec son passé (qu'il n'a appris qu'à 8 ans, lorsque sa "vraie" maman est décédée), malgré l'immense amour donné par toute sa famille d'accueil et sa seconde maman en particulier. C'est beau. C'est fort. J'ai pris une claque en le lisant. Je ne connaissais pas du tout cet écrivain, mais grâce à Sylire, c'est chose faite.
L'écriture de Charles Juliet est directe, franche, travaillée, il emploie le "tu" lorsqu'il s'adresse à sa mère, mais aussi lorsqu'il parle de lui, ce qui rajoute, à mon sens, de la force et de la proximité avec lui. Pour chaque mot :"D'abord descendre. Encore descendre. Le dégager de la tourbe, ou de la boue, ou bien encore d'un magma en fusion. Puis, le tirer, le hisser, lui faire péniblement traverser plusieurs strates au sein desquelles il risque de s'enliser, se dissoudre. S'il en émerge, enfin, il vient au jour, et quand tu le couches sur le papier, alors que tu le crois gonflé de ta substance, tu découvres qu'il n'est qu'un mot inerte, pauvre, gris. Tu le refuses. Tu redescends dans la mine, creuses plus profond, cherches celui qui apparaîtra plus dense, plus coloré, plus vivace. Ainsi sans fin. Ainsi cet épuisement qui te maintient en permanence à l'extrême de ce que tu peux."
On comprend combien a été douloureuse mais salvatrice pour Charles Juliet, l'écriture. Elle aurait pu l'être aussi pour sa maman, mais la vie et la mort en décident autrement. Alors certes, ce n'est pas un livre drôle, mais Charles Juliet réussi à en faire un livre positif, malgré tout ce qu'il y raconte.
Franchement, si vous devez lire un livre cette année -n'oubliez pas ! Les bonnes résolutions !-, n'hésitez pas vous l'avez devant vous !