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L'empire du mensonge

Publié le par Yv

L'empire du mensonge, Aminata Sow Fall, Le serpent à plumes, 2018....,

"Au Sénégal, trois familles modestes partagent une cour. Cet espace commun est un petit Paradis où ils se retrouvent pour cuisiner, pour dîner, parler, évoquer des souvenirs, pour grandir ensemble. Puis, vient le temps où la misère frappe ces familles comme la foudre et chacun s'éloigne pour survivre. Il faudra que leurs enfants, bien plus tard, se retrouvent pour que soit recréé l'Eden miraculeux de la cour, lieu éternel d'espoir." (note éditeur)

"Aminata Sow Fall, la plus grande romancière africaine" a dit Alain Mabanckou lors de son discours inaugural au Collège de France. A ma grande honte, je ne la connaissais pas, et je remercie Le serpent à plumes de me permettre de réparer cette lacune grâce à ce court et épatant roman. 

Sur plusieurs générations, l'écrivaine raconte l'évolution de la société sénégalaise, les efforts et le travail que chacun devrait faire pour parvenir à ce que tous les Sénégalais vivent en harmonie et ensemble. Ses héros principaux sont des gens bien, qui ont pour ambition de s'instruire et de faire profiter leurs proches et plus largement de leurs savoirs. Chacun fera avec ses possibilités, ses connaissances, chacun a quelque chose à transmettre. Aminata Sow Fall insiste sur les valeurs humaines, celles qui permettent que l'on puisse vivre et grandir ensemble : "Pour récolter, il faut semer, patienter, persévérer dans l'effort. On ne le dit plus aux jeunes. Les parents n'ont plus le temps d'assumer le devoir sacré d'éduquer leurs enfants ; ils les encouragent même à sacrifier leur vie pour des richesses hypothétiques. [...] Le plus difficile est de résister aux sirènes des illusions." (p.33) 

Son roman est beau, fort, positif, elle préfère exposer les bons sentiments, les valeurs positives, celles qui font avancer le monde dans le bon sens plutôt que rabaisser les hommes et les femmes dans ce qu'ils ont de moins avouable. On pourrait parler d'une certaine naïveté, d'utopie. C'est sans doute vrai, le monde ne va malheureusement pas dans le sens qu'elle montre, ce qui est fort dommage, il faudrait méditer sur cet extrait parfaitement représentatif du roman :

"Et n'oublie pas d'où tu viens.

Mapaté savait que cette formule tomberait bien un jour. Il l'avait comprise comme la plupart de ceux qui étaient partis et revenus indemnes après avoir beaucoup vu et appris. "D'où tu viens" ne suggérait aucune référence sur l'origine, l'appartenance, le statut social ou la confession. Elle rappelait les principes fondamentaux méthodiquement éprouvés, forgés et transmis pour façonner l'être humain dans le respect des valeurs cardinales qui garantissent le diom, la dignité et l'honneur. Sur le socle immuable de l'amour, de la tolérance, de la générosité et de la justice. Et surtout : de l'humilité." (p.37)

Une aussi belle voix dans la littérature, ce serait dommage de ne pas l'écouter.

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Ça coince ! (42)

Publié le par Yv

Pays provisoire, Fanny Tonnelier, Alma, 2018..

Amélie est modiste à Saint-Pétersbourg depuis sept années. Arrivée de France en 1910, elle a repris une boutique de chapeau et ses créations se vendent très bien dans la bourgeoisie russe. Mais en cette année 1917, le pays change et la révolution s'étend. Amélie est obligée de fuir, de quitter le pays. Première étape, la Suède.

Pas mal a priori, je ne frémis ni ne parvins réellement à m’intéresser aux mésaventures de la jeune femme. Rien pourtant ne fut rebutant, histoire plaisante, les quelques allers-retours entre Saint-Pétersbourg et la vie d'avant d'Amélie à Paris renseignant un peu sur son parcours.

Je ressentis bien que ce roman put être truffé d'aventures, de surprises, de paysages et de rencontres, néanmoins, je peinai à en tourner les pages. Un roman à refiler à des amateurs du genre qui se réjouiront.

 

 

 

Condor, Caryl Ferey, Folio, 2018 (Gallimard, 2016)..

"Dans le quartier brûlant de La Victoria, à Santiago, quatre cadavres d'adolescents sont retrouvés au cours de la même semaine. Face à l'indifférence des pouvoirs publics, Gabriela, jeune vidéaste mapuche habitée par sa destinée chamanique et les souffrances de son peuple, s'empare de l'affaire. Avec l'aide de son ami Stefano, militant rentré au Chili après plusieurs décennies d'exil, et de l'avocat Esteban Roz-Tagle, dandy abonné aux causes perdues qui convertit sa fortune familiale en litres de pisco sour, elle tente de percer le mystère. Dans un pays encore gangrené par l'héritage politique et économique de Pinochet, où les puissances de l'argent règnent en toute impunité, l'enquête dérange, les plaies se rouvrent, l'amour devient mystique et les cadavres s'accumulent..." (4ème de couverture)

Voilà, c'est bien dit, sauf que je n'y crois pas. Entre stéréotypes voire caricatures, et entrées en grand nombre de protagonistes dont au bout d'un moment je ne sais plus qui ils sont ni ce qu'ils font là, je ne parviens pas à m'intéresser à cette histoire. J'apprends des trucs sur l'histoire du Chili et de l'Amérique du sud, mais ça ne suffit pas à me faire tenir le coup toutes les pages. Le reste est convenu, déjà-lu. Rien de bien affolant. Ni l'histoire d'amour très Roméo et Juliette, ni l'intrigue. 

Ma première lecture de Caryl Ferey, j'aurais peut-être dû commencer par un autre titre...

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Pourquoi y a-t-il des inégalités entre les hommes et les femmes ?

Publié le par Yv

Pourquoi y a-t-il des inégalités entre les hommes et les femmes ?, Soledad Bravi, Dorothée Werner, Rue de Sèvres, 2018.....

Dorothée Werner est grand reporter et éditorialiste au magazine Elle. Elle a beaucoup écrit sur le thème des inégalités hommes/femmes. Elle est aussi romancière.

Soledad Bravi est créatrice, entre multiples autres choses, publie des planches BD dans le même magazine que sa consœur, elle publie aussi des livres : La BD de Soledad, Bart is back, tous deux chroniqués ici-même ! 

Le pari des deux auteures est de remonter l'histoire des rapports entre hommes et femmes de la préhistoire à nos jours, et tout cela en moins de 100 pages ! Pari fou, certes, mais réussi. Le dessin est plutôt rigolo mais les textes beaucoup moins, même si parfois, la manière dont sont décrites les choses prêtent à sourire mais en se moquant des persécuteurs et autres mâles dominants fiers de leurs attributs qui leur donnent le pouvoir. 

Un petit cours d'éducation sexuelle pour commencer et bien réexpliquer que la différence entre les femmes et les hommes n'est absolument pas question de domination des uns sur les autres, mais juste une question physiologique. Puis entrons dans la préhistoire cette période étrange où semble-t-il, tout à commencé. Un passage par les religions machistes, culpabilisatrices et écrites par des hommes pour des hommes -on n'est jamais si bien servi que par soi-même-, puis par les lois qui régissent nos sociétés écrites par des hommes pour des hommes -tiens, je ne l'ai pas déjà dit ? Les auteures passent les époques en montrant des femmes célèbres qui se sont battues pour être reconnues, des actes ou des faits qui ont permis quelques avancées. Tout va lentement, très lentement, on en est encore de nos jours à parler d'égalité des salaires, des agressions ou du harcèlement. On parle, on parle, mais concrètement peut-on encore tolérer dans nos pays des différences en raison d'un sexe ?

L'occasion était trop belle, je fais paraître mon billet le 8 mars, journée internationale des femmes, mais il ne faudrait pas que la réflexion se limite chaque année à cette journée. 

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Coupable[s]

Publié le par Yv

Coupable[s], Samuel Sutra, Flamant noir, 2018...,

Jean-Raphaël Deschanel est flic aux RG. Trois meurtres ont été très récemment commis en région parisienne sans que rien ne les rassemble. Un quatrième meurtre est attribué au même assassin et là, un point commun se fait jour entre les quatre homicidés : Haïti. Tous les quatre ont un lien avec cette île. Jean-Raph', est haïtien et se retrouve versé à la crim' pour tenter d'aider les enquêteurs à élucider ce quadruple assassinat. Assez vite, il trouve que le passé haïtien des victimes est trouble et lié au terrible séisme de 2010 qui a fait des milliers de morts.

Petite remarque en préambule : dans le titre, le "s" est volontairement entre crochet et donc, dans mon article, lorsque je parlerai de coupable, entendez le coupable ou la coupable ou les coupables, les trois propositions s'offriront à vous.

Nouveauté Flamant noir et nouveauté Samuel Sutra l'auteur de l'excellente série avec Tonton mais aussi d'un très bon polar sur fond de jazz, Kind of black. Cette fois-ci, bien que le roman, entre policier et thriller, se déroule entièrement en France, Haiti est omniprésente. Si j'ai découvert assez vite qui était coupable-vous reporter à la note du début-et que la pirouette finale m'a un peu déçu, mon plaisir n'en a point pour autant été émoussé et c'est gaillardement et avec entrain que j'ai lu ce dernier opus de S. Sutra, il me faut préciser que pas mal d'indices sont distillés dans les chapitres qui permettent d'échafauder la même hypothèse que la mienne, qui s'est avérée. J'ai aimé l'ambiance et la bonne idée de mettre Haïti au centre sans tomber dans la caricature avec le vodou et autres images que l'on pourrait avoir de l'île. Bien sûr, il en est question, mais justement pour aller plus loin que cela, il explore les suites du séisme et l'aide humanitaire qui arrive de partout. Samuel Sutra ne bâtit pas un polar historique sur Haïti, il se concentre sur ces dernières années -dans le genre polar haïtien très bien documenté, Tonton Clarinette de Nick Stone, m'avait fait beaucoup d'effet. J'ai aimé aussi, comme toujours chez Samuel Sutra, ses personnages, normaux, avec leurs forces et leurs faiblesses, leurs limites et leurs déchirures. Tout cela fonctionne très bien dans un roman rythmé, très actuel, moderne dans son histoire, dans sa construction qui alterne les points de vue, et dans son écriture, loin des Tonton, preuve que l'auteur ne fait pas toujours dans la gaudriole. Ce polar -forcément conseillé par mézigue- débute par ces phrases :

"L'église est rayonnante. Je la situe étrangement sur les hauteurs de Les Cayes. Sur un coteau où, pourtant, je sais qu'il n'y a jamais eu cette église. Je pense que j'avais besoin qu'elle soit là et pas ailleurs. Elle est peinte, comme le sont encore certaines églises ici. D'un rose pâle et délicat. On croirait une goutte de sang qui viendrait troubler le lait. Elle ressemble à Notre-Dame de l'Assomption, la cathédrale de Port-au-Prince." (p.11)

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Bretzel blues

Publié le par Yv

Bretzel blues, Rita Falk, Mirobole, 2018 (traduit par Brigitte Lethrosne et Nicole Patilloux).....

Franz Eberhofer, de la police de Niederkaltenkirchen est plutôt dans une bonne période. Récemment, il a résolu un quadruple meurtre (Choucroute maudite) et depuis un moment, il gère les petits tracas du quotidien. Lorsque M. Höpfl, le directeur de l'école, est porté disparu, il ne s'inquiète pas outre mesure mais commence néanmoins à fureter. Le directeur revient. Puis, il disparaît de nouveau pour ne plus jamais revenir, sauf sous forme de cadavre. Suicide ou meurtre ? Franz est reparti pour une nouvelle enquête. 

Deuxième tome des aventures de Franz Eberhofer, toujours aussi savoureuses, à tous niveaux. D'abord parce qu'elles sont drôles, décalées et ensuite parce que la Mémé, la grand-mère de Franz n'arrête pas de cuisiner et lui de penser à manger, et la nourriture allemande est plutôt roborative, ce n'est pas de la gastronomie aux portions pesées. Ce qui rend drôle cette série, c'est le relâchement de Franz, cet espèce de dilettantisme ou de je-m'en-foutisme qui le caractérise. Son machisme également qui pourrait être agaçant, hors époque -je rappelle que l'auteure est une femme- et qui le rend ridicule et sympathique parce que ce trait de caractère a tendance à se retourner contre lui. Malgré ces traits pas forcément positifs, de ceux qui n'aident pas habituellement à résoudre des enquêtes, Franz se révèle efficace et intuitif. Il saura aussi s'entourer de personnes à peine plus engageantes que lui et tout aussi efficaces.

Ce qui rend drôle également la série, ce sont les personnages secondaires : la Mémé bien sûr et le Papa qui vivent à côté de Franz, ou plutôt l'inverse, puisqu'icelui a aménagé l'ancienne porcherie en son antre. Puis Léopold, le frère abhorré, lèche-cul de service, qui s'attire toujours les bonnes grâces du Papa, qui revient épisodiquement avec sa nouvelle femme et son bébé. Puis Louis II, le chien de Franz, un peu moins présent cette fois-ci. Et d'autres encore, habitants de Niederkaltenkirchen et amis de Franz, son ex-collègue et la Susi, plan-cul de Franz, mais qui aimerait sans doute passer à une relation plus sérieuse. 

Enfin, tout ce petit monde est bien barré et c'est un véritable plaisir que de les retrouver. Ma fille -qui vit actuellement en Allemagne- m'a dit que 8 tomes étaient écrits, je supplie les traductrices, Brigitte Lethrosne et Nicole Patilloux, de travailler vite et bien -comme d'habitude- et l'éditrice de continuer la série et de l'éditer d'aussi belle façon, parce que chez Mirobole, le travail est bien fait. 

Il paraît qu'il existe également deux films tirés des deux premières aventures de Franz, mais uniquement en allemand. Que les programmateurs de cinéma ou télévision français se penchent sur le problème, je veux les voir moi, mais je ne parle ni ne comprends l'allemand...

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Casting sauvage

Publié le par Yv

Casting sauvage, Hubert Haddad, Zulma, 2018.....

Dalmya, jeune femme, danseuse, a pour le moment comme emploi de rechercher dans les rues de Paris des figurants pour un film. Ils devront représenter des déportés rescapés des camps revenant à Paris. Dalmya doit donc rechercher des hommes et des femmes très maigres et leur proposer des jours de tournage. Mais la jeune femme profite également de ces journées de casting sauvage pour tenter de retrouver ce jeune homme croisé quelques temps plus tôt, qu'elle avait attendu vainement un soir et dont le souvenir l'obsède.

J'aime beaucoup Hubert Haddad, mais à chaque fois que j'ouvre l'un de ses livres, j'ai une petite appréhension. En effet, parfois, je n'y arrive pas, ce fut le cas avec quelques rares -heureusement-  titres que je n'ai pas pu lire. Mais quand ça colle entre l'ouvrage et moi, je peux être d'un enthousiasme à peine limité. Ce fut le cas avec moult romans de l'auteur. Cette fois-ci, le suspense ne sera pas long ni haletant, j'ai beaucoup aimé Casting sauvage. J'y retrouve l'élégance de l'écriture, la poésie, l'usage de certains mots rares ou désuets, mais jamais trop, Hubert Haddad ne fait pas dans le recyclage des mots anciens pour épater la galerie, il en place de temps en temps et la page prend une autre dimension. Au-delà de ça, c'est aussi le ton employé, calme et lenteur, une vraie pause dans notre société ultra rapide ou tout doit trouver réponse immédiatement.

Hubert Haddad, par petites touches, décrit Dalmya et, tout au long du court roman, elle se révélera à nous lecteurs, mais aussi à elle-même. Cette jeune femme fragile ose aller au-devant d'inconnus dans la rue ; elle garde à leurs yeux son mystère mais pas aux nôtres qui apprenons à la connaître. Roman fin et sensible, d'une beauté enivrante dans lequel le romancier parle de sujets lourds et profonds : les réfugiés, les attentats, les pauvres de Paris, ceux qui vivent dans les rues ou dans des habitats insalubres, ... Paris en est le contexte géographique, Dalmya arpente ses rues, places et boulevards, c'est un walking movie comme le précise l'éditrice, un roman pour ceux qui aiment marcher à Paris et pour les autres qui découvriront les quartiers et leurs habitants.

Hubert Haddad parle des gens, de tous les habitants de Paris quelles que soient leurs origines qui peuvent vivre ensemble en apprenant les uns des autres. Tout son talent est dans le fait qu'il fait tenir tout cela en 160 pages, que si beaucoup est dit, le lecteur lit entre les lignes et prolonge la réflexion de l'écrivain. J'aime les écrivains qui font le pari de l'intelligence de leurs lecteurs. J'aime Hubert Haddad.

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