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L'odeur des garçons affamés

Publié le par Yv

L'odeur des garçons affamés, Frederik Peeters, Loo Hui Phang, Casterman, 2016....

Une étrange équipée dans le désert du Far West, juste après la guerre de sécession : un géologue le responsable, un photographe en fuite et un jeune garçon à tout faire. Ils cartographient, photographient les lieux et les habitants, des Comanches, mais quel est leur but ? Ils sont suivis de près par un homme étrange, et surveillés par un Indien. Un mystère rôde sur tous les protagonistes, et sur les raisons de leur présence, et le désir s'en mêle.

Qu'elle est étrange cette bande dessinée qui débute comme un western et lorgne doucement puis plus franchement vers le surnaturel, l'étrange, le bizarre. Loo Hui Phang est au scénario, son esprit s'égare et ses inventions sans doute incongrues dans un western donnent un coup de jeune et d'originalité au genre. Une courte biographie en fin de volume explique qu'elle s'exprime dans différents domaines, la BD, la littérature, le théâtre, le cinéma, les performances et les installations preuve sans doute d'une imagination débordante. Frederik Peeters dessine assez classiquement dans les situations classiques et son art s'exprime différemment dans les délires d'Oscar le photographe ou dans les situations surnaturelles. L'association des deux fonctionne à merveille.

L'histoire est bien menée, l'intrigue bien ficelée et le suspense bien maintenu. Tout cela aurait pu suffire à faire un bon album, mais le désir naissant et grandissant, le surnaturel lui donnent un ton très personnel que j'ai beaucoup apprécié. Il n'y a rien que je déteste plus que la sensation de lire ou d'écouter des œuvres copiées ou très inspirées d'autres œuvres sans rien apporter en plus. Le déjà-lu, déjà-vu, déjà-entendu, aucun risque avec cet album au titre énigmatique, L'odeur des garçons affamés.

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Le fleuve des brumes

Publié le par Yv

Le fleuve des brumes, Valerio Varesi, Points, 2017 (première édition, Agullo, 2016, traduit par Sarah Amrani)...

La pluie tombe sans arrêt depuis plusieurs jours et les eaux du Pô montent de manière alarmante. Pendant que les policiers tentent d'évacuer les habitants en danger d'inondation, la Tonna, une péniche du nom de son propriétaire part. Bientôt, elle dérive, personne à bord, et Tonna a disparu. Puis, la même nuit, le frère du batelier meurt défenestré. Le commissaire Soneri relie les deux affaires et en enquête sur le passé des deux victimes.

Autre titre sélectionné dans le cadre du Prix du meilleur polar des éditions Points. Initialement publié chez Agullo, une maison que j'aime beaucoup, ce polar m'a néanmoins laissé sur ma faim. Le rythme est lent, très lent, trop lent. On est plus dans du Simenon que dans du thriller haletant évidemment, le commissaire Soneri prend son temps, mais Simenon excelle dans l'art de portraiturer tous ses personnages, Valerio Varesi y parvient moins bien. Certes, l'ambiance est particulière : les pluies qui ne s'arrêtent pas et les paysages qui apparaissent comme dans un tableau de Turner, dans la brume. J'avoue aussi m'être un peu perdu dans la multitude des noms propres, entre ceux des protagonistes et ceux des pays et régions traversés. Et puis, le romancier répète pas mal les indices, les détails qui font avancer -lentement- son commissaire, c'est un peu agaçant.

Voilà, je n'ai pas réussi à entrer dans ce polar à l'atmosphère très particulière, je m'y suis même ennuyé quelque peu. La longueur des chapitres, sans pause possible m'a gêné, oppressé, j'aurais aimé pouvoir y respirer plus aisément. Aurais-je l'honnêteté de dire que j'ai même passé des pages pour arriver au dénouement plus rapidement tant je ne parvenais pas à m'intéresser aux détails ? Ah, oui, je viens de le faire.

Pas mon favori pour le Prix, vous l'aurez compris.

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Les enlisés

Publié le par Yv

Les enlisés, André Lay, French pulp, 2017 (Fleuve noir, 1973)...

Claude Combel est scénariste pour le cinéma. Son dernier film est une histoire d'amour qu'il présente avec le réalisateur lors d'un pince-fesse mondain. En rentrant sa femme, Maud un peu éméchée lui fait le reproche de s'être servi de leur histoire pour son scénario. Alors, à travers cette remarque, Claude comprend que Maud a un amant. Il va monter un plan diabolique pour que les deux cessent de se voir, mais sans montrer à Maud qu'il a deviné sa double vie.

Voilà un polar vite lu, qui, s'il ne restera pas dans les annales est bien agréable et idéal pour un voyage, de quoi le qualifier de roman de gare. Mais entendons-nous bien, c'est un compliment, car réussir à captiver suffisamment un lecteur-voyageur pendant tout son trajet est une entreprise pas aisée. André Lay (1924-1997) l'a écrit en 1973 comme pas mal d'autres, car en trente ans d'écriture, il a publié 140 ouvrages. Et après on se moque des écrivains actuels qui publient leur titre à chaque rentrée littéraire... pfff, petits joueurs ! 

Dire que l'on est dans le summum de la littérature serait mentir. Ecrire que c'est le must en matière de roman noir serait exagérer. C'est une très bonne série B, un truc à lire pour se détendre, à prêter à son voisin de voyage ou à n'importe qui d'autre qui saura apprécier, attention pas un bégueule qui fera la grimace sur le style, la rapidité et de l'intrigue et de son dénouement ni même sur la couverture d'un rouge éclatant (les couvertures French pulp sont selon moi, très réussies, on sait tout de suite à quel genre de romans on à affaire). 

N'attendez donc rien de ce court roman, vous n'en serez que plus agréablement surpris, il se glissera merveilleusement entre un des romans de la rentrée littéraire insipide et incolore -si si il y en a plein, je ne les ai pas lus, mais je devine, il doit bien y avoir un Angot, un Nothomb ou un Beigbeder (pure méchanceté de ma part puisque je n'ai jamais lu ces deux derniers) qui traîne- et un essai pompeux et/ou grandiloquent d'un philosophe ou d'un auto-proclamé-intellectuel. 

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Seules les femmes sont éternelles

Publié le par Yv

Seules les femmes sont éternelles, Frédéric Lenormand, La Martinière, 2017.....

L'inspecteur Raymond Février, en ce début de la guerre de 1914 n'a d'autre solution que de prendre l'identité d'une femme pour éviter la mobilisation. Il devient Loulou Chandeleur, détective privée au sein de l'agence Barnett que la délicieuse Cecily maintient tant bien que mal depuis que son père est parti au front. La première affaire que ramène Loulou est celle qu'il a été obligé de stopper quand il a quitté la police. La baronne Schlésinger est victime d'un maître chanteur qui menace de tuer son fils envoyé sur le front. Cecily et Loulou se lancent sur une piste semée de surprises et de pièges.

Après la série de Voltaire mène l'enquête, voici le premier opus d'une nouvelle série policière signée Frédéric Lenormand : Les enquêtes de Loulou Chandeleur. Partant de l'histoire vraie de Paul Grappe qui s'est travesti pour échapper au front (cf. le film Nos années folles d'André Téchiné), le romancier bâtit un personnage appelé à revenir. Tant mieux. Ce qui est bien dans ce roman policier, c'est évidemment que Ray-Loulou évolue et que, habillée en femme, il se retrouve confronté aux regards et pire si attirance, des hommes qu'il rencontre. Sa part féminine a tendance à prendre le dessus et même si ses instincts masculins reviennent parfois, cette part féminine l'aide à réfléchir -attendez les filles, ma phrase n'est pas finie, nous aussi les hommes on réfléchit, enfin certains- différemment. Et puis, on ne se refait pas, Ray-Loulou se retourne parfois sur des femmes qu'il croise et dont les robes ont tendance à se raccourcir en ce début de siècle, provoquant l'ire des hommes et des femmes qui le voient et le prennent pour une lesbienne. 

Frédéric Lenormand ne joue pas de la situation pour créer des situations grivoises ce qui eut été facile. Au contraire, il en profite pour relater le comportement masculin, qui n'a pas dû beaucoup changer si j'en juge par ces dernières semaines qui ont vu la parole se libérer et des hashtags se remplir de témoignages. Pour l'intrigue, elle est plus prétexte à faire découvrir les personnages, le contexte et le décor qu'à faire tenir en haleine les lecteurs, même si le tout se tient très bien jusqu'au bout. Dans sa galerie de personnages, principaux et secondaires, le romancier balaye un large spectre des différents comportements des Français pendant cette guerre.

J'ai beaucoup aimé ce premier titre pour tout ce que j'ai dit et aussi pour l'écriture de Frédéric Lenormand, qui sait se renouveler et qui, fort heureusement, n'use pas du même style que pour ses Voltaire. Il se fait plaisir et j'en redemande, j'en veux pour preuve ce chapitre -le 8- avec sa belle et longue métaphore filée culinaire voire légumière.

Ce n'est pas un roman aussi léger que la série avec Voltaire mais l'on sourit et l'on rit à certaines remarques, attitudes. Loulou est appelée à revenir et c'est avec un grand bonheur et une pointe d'impatience que je la retrouverai pour de nouvelles aventures.

PS : merci Le Merydien (voir les commentaires), je savais qu'il existait une BD sur le même sujet mais n'en avais pas retrouvé le titre ni l'auteur, c'est chose faite : Mauvais genre de Chloé Cruchaudet.

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Fins de journées

Publié le par Yv

Fins de journées, Jacques Chauviré, Le dilettante, 2003....

Deux nouvelles dans ce recueil. la première, L'absence,  est l’histoire d'Eugène et Louise, septuagénaires, confrontés à ce que l'on appelait pas encore la maladie d'Alzheimer de Louise. Eugène, seul pour prendre une décision, la place dans une institution spécialisée.

Dans la seconde nouvelle, La possession, Georges Laurier est interné en psychiatrie pour une cure de sommeil, il croise différents hommes venus ici pour des raisons diverses.

Très court recueil, d'environ soixante pages qui parle de personnes simples. Jacques Chauviré que je ne connaissais pas était médecin et écrivain. Très discret, il ne fit rien pour se faire connaître et publia quelques romans et des nouvelles, chez Gallimard grâce à Albert Camus avec qui il entretint une correspondance.

Il décrit admirablement les gens et situations qu'il a rencontrés tout au long de sa vie de praticien. Eugène et Louise sont désemparés lorsque la maladie les frappe, et ensuite, c'est l'institution avec son manque de personnel, d'humanité, question toujours d'actualité même si ce texte a été écrit en 1990. Il est toujours effrayant d'apprendre que des personnes âgées ne sont plus considérées comme telles dès lors qu'elles perdent de l'autonomie et qu'elles peuvent ne pas être levées de la journée parce qu'il n'y a pas assez de monde dans l'établissement. C'est un constat dur et cruel, le travail en maison de retraite n'est pas simple, rendu encore plus compliqué par des sous-effectifs.

L'autre nouvelle n'est guère plus réjouissante, peut-être même plus dure parce que dans la première on sent tout ce qui lie Eugène et Louise, la seconde est plus froide, plus distante. L'ambiance n'est pas à la gaudriole, mais l'auteur décrit comme pas deux les angoisses, les peurs, les petits et gros tracas du quotidien lorsque celui-ci confronte à des difficultés médicales ou psychiatriques.

Les textes sont simples, sobres, directs et ils touchent au plus profond le lecteur que je suis, Jacques Chauviré ne s'embarrasse pas de détours, il va droit au but, une sorte de constat clinique, mais il y ajoute de l'humanité, et une touche de chaleur bienvenues.

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Point de lendemain

Publié le par Yv

Point de lendemain, Vivant Denon, Seuil l'école des lettres, 1993 (première parution, 1777).....

Un jeune homme d'une vingtaine d'années, amant et amoureux d'une comtesse, se retrouve un soir à l'opéra. Dans la loge voisine, Mme de T..., amie intime de la comtesse, demande alors au jeune homme de la rejoindre dans la loge. Puis, elle lui demande de l'accompagner jusque chez son mari, hors de Paris, avec lequel elle dit vouloir se réconcilier après presque dix ans de brouille. Tous les deux se promènent des terrasses au jardin, puis du jardin à un pavillon.

Trouvé tout à fait par hasard dans les rayonnages de la bibliothèque, je ne sais vraiment pas dire ce qui a attiré mon œil vers ce petit ouvrage. Point de lendemain est un court texte d'une quarantaine de pages, suivi dans cette édition de deux autres textes : Voyage historique et pittoresque dans le Royaume des Deux-Siciles et Voyage dans la Basse et la Haute-Égypte pendant les campagnes du général Bonaparte. Ces deux textes sont de moindre importance -à mes yeux seulement-, des récits de voyage et de la campagne d’Égypte de Bonaparte. Je m'attarderai sur Point de lendemain.

Il s'agit d'un conte libertin d'une modernité dans l'écriture assez incroyable, pour preuve, le tout début :

"J'aimais éperdument la comtesse de... ; j'avais vingt ans, et j'étais ingénu ; elle me trompa, je me fâchai, elle me quitta. J'étais ingénu, je la regrettai ; j'avais vingt ans, elle me pardonna : et comme j'avais vingt ans, que j'étais ingénu, toujours trompé, mais plus quitté, je me croyais l'amant le mieux aimé, partant le plus heureux des hommes." (p.9)

Alors ? J'avais prévenu. Que certains pseudo-écrivains -je ne donnerai pas de noms- de maintenant en prennent de la graine, l'art de la répétition sans être lourd, celui de la ponctuation. Style haché, franchement, parfait.

Ne connaissant pas l'auteur dont seul le nom apparaît sur la couverture, lorsque je lus ces premières phrases, je crus à un livre récent, et hop, ni une ni deux, dans ma besace. C'est en arrivant à la maison que je l'ouvris et découvris qui était Vivant Denon (1747-1825). Je ne saurais trop conseiller d'abord de se pencher sur son court roman (le seul, ses autres écrits sont des récits tels les deux sus-mentionnés) et ensuite sur sa biographie.

Élégance, style, ce petit roman libertin se lit avec joie et même si l'on est habitué à des textes plus crus, plus directs, il ressort d'icelui une sensualité et un certain émoustillement pour toutes les choses suggérées plus que dites, pour ce libertinage en costume d'époque -non, je ne suis pas fétichiste, mais ça a quand même plus de classe qu'à oilpé en pleine campagne.

Légère lecture qui m'a ravi, elle existe en de multiples éditions, dont certaines très peu onéreuses, n'hésitez pas à découvrir un auteur oublié, en plus, si on réussit à le replacer dans une conversation, ça fait chic et instruit. Que des avantages.

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