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Monsieur Hulot à la plage

Publié le par Yv

Monsieur Hulot à la plage, David Merveille, Le Rouergue, 2015.....

Monsieur Hulot, le célèbre personnage créé et interprété par Jacques Tati se rend à la plage. Il arrive bien chargé : parasol, épuisette, chaise longue, raquette, drap de plage dans son sac. Il achète un journal bien décidé à passer un bon moment sur cette plage. Chapeau vissé sur la tête, pipe à la bouche, il s'installe après maintes péripéties pour monter sa chaise longue.

Qui aime Jacques Tati et son M. Hulot ne sera pas dépaysé, tout est là : la maladresse légendaire du personnage, sa bonté et son émerveillement devant les petites choses de la vie, sa rêverie quasi permanente, sa poésie... Monsieur Hulot est un grand type dégingandé, inapte à la vie trépidante, qui s'émeut des questions ou des jeux des enfants, il leur plaît parce qu'ils reconnaissent en lui l'un des leurs, ils le taquinent sans agressivite parce qu'il les fait rire.

Une vraie merveille -sans mauvais jeu de mots avec le nom de l'auteur du livre- que cette bande dessinée, un régal qui nous fait sourire à toutes les pages lorsque l'on voit Monsieur Hulot aller de mésaventure et complication ; il prend des poses étonnantes pour s'adapter à la situation pas forcément confortable pour lui, mais il s'en arrange pour ne pas déranger.

Histoire originale avec un personnage connu que David Merveille s'approprie pour la bonne cause, que l'on pourrait presque jurer avoir vue dans un film de Tati tellement l'univers est bien reproduit. Les dessins sont gris plus ou moins foncés comme peuvent l'être parfois les ciels de la région nantaise et nazairienne qui laissent passer les rayons solaires éclairant les paysages d'une belle lumière grise. Grands dessins, sans doute destinés prioritairement à la jeunesse, ce qui est une excellente idée et un formidable moyen de lui faire connaître Jacques Tati, mais adultes, ne vous arrêtez pas à cela, cette bande dessinée totalement muette ne pourra pas vous laisser indifférent et vous donnera sûrement l'envie de voir et/ou revoir les films de Tati, Mon oncle ou Les vacances de Monsieur Hulot entre autres. Personnellement, je ne rate jamais une -trop rare- diffusion télévisuelle, mais je crois que je vais franchir le pas du DVD pour les regarder en famille.

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Au nom du fric

Publié le par Yv

Au nom du fric, Pascal Thiriet, Jigal polar, 2015....

Lorsque Hercule du Tylleux richissime homme d'affaires dans divers domaine, banque, pétrole, finance, ... veut mettre du piment dans sa vie et écraser ceux qui lui résistent, comme sa femme, héritière d'une des plus grosses fortunes de France, il décide de léguer son fric au plus méritant de ses deux fils, Dante qui en affaires lui ressemble et Aymé -prénom qui lui sied si l'on se met du côté de sa mère, car son père et son frère le méprisent, lui l'homosexuel incapable de se plonger dans le monde impitoyable des affaires. Ce que ne sait pas encore Hercule, c'est que parmi ses maîtresses, certaines profiteront du concours pour tenter de tirer leur épingle du jeu, Blasphème notamment, son bras droit, aidée par son alter ego masculin Sun Tzi, génie de l'informatique.

Il y a quelques jours, je parlais d'un roman noir terrible plein d'une violence sourde qui se passait dans un milieu très populaire, rustique (Ici meurent les loups) ; là, je fais un grand pas, que dis-je, un saut immense et me retrouve dans les hautes sphères financières, politiques, dans un monde encore plus violent, totalement amoral et immoral dans lequel le mépris le dispute à l'indifférence. Hercule et Dante -sûrement caricaturaux, il ne peut en être autrement, bien entendu- sont absolument ignobles de suffisance et d'égocentrisme boursouflé, assoiffés d'argent et de pouvoir, méprisants pour tout ceux qui ne sont pas à leur hauteur, et comme ils se considèrent comme les plus hauts, de fait, ils méprisent quasiment tout le monde. Aymé se pique assez vite au jeu avec son frère mais reste honnête dans ses projets et les femmes pâtissent et profitent des fortunes des leurs maris ou amants. Restent alors Sun Tzi et Blasphème qui parviennent à attirer notre sympathie et notre envie de les voir résister à ce torrent de haine, de violence et de coups bas.

Pascal Thiriet n'épargne personne, ni les hommes d'affaires puissants prêts à tout pour l'être encore un peu plus, ni les politiques corrompus ou en passe de l'être ou pas exempts de quelques aménagements avec leur conscience pour être réélus : "Le point faible d'Hercule, c'est son sens des convenances. (...) Cette politesse pieuse lui a déjà coûté bien des erreurs, mais c'est ce qui ressemble le plus à une morale dans son milieu, il ne l'abandonnera sous aucun prétexte. Sans elle, il ne serait qu'un Markovy de plus, vulgaire et clinquant comme la vitrine d'une boutique de lingerie à la Saint-Valentin" (p.224, précision : Markovy, dans le roman, est le nom d'un ex-président de la République), ni les femmes qui veulent garder leur standing à tout prix, même celui de ne pas aimer leurs maris voire de les haïr, de subir leurs affronts de tous genres, leurs humiliations, ni les courtisans de toutes ces personnes qui veulent parader et s'enorgueillir d'une relation avec tel ou tel VIP.

Sans doute un peu moins déjanté que les deux autres romans de l'auteurs (J'ai fait comme elle a dit, Faut que tu viennes), celui-ci explore un monde nouveau d'une manière originale ; disons qu'on paraît être dans un monde plus réel que dans ses autres livres, ce qui effraie ; on a dépassé le terme de "requins" pour qualifier ces hommes, il faudrait en inventer un encore plus fort. L'écriture de Pascal Thiriet change un peu également, moins orale, mais c'est normal, on ne s'exprime pas de la même manière dans les hautes sphères de la société -quoique...-, elle reste vive, dynamique, très accessible et met en valeur ses personnages et les valeurs -même (et surtout) pourries- qu'ils défendent. Sa patte est reconnaissable, par la plume qu'elle tient mais aussi par la construction du roman avec les deux héros Sun Tzi et Blasphème, exécuteurs des basses œuvres qui se protègent, elle qui mène la danse et lui, amoureux qui la suit aveuglément (un peu comme Enée et Dido dans le roman précédent). Le renouvellement en gardant les principes de base pour un excellent roman.

Jigal et Pascal Thiriet c'est une histoire qui marche bien, trois livres, trois réussites. A lire sans attendre.

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Ici meurent les loups

Publié le par Yv

Ici meurent les loups, Stéphane Guyon, La Différence, 2015....,

Stanislas et Matthias, de nuit, se glissent dans un hangar d'un fermier du coin pour y voler un fusil, celui de Johnny, le fils de la famille et camarade de classe de Matthias. Stanislas, 18 ans, lycéen, Matthias, 15 ans et Ladislas, 13 ans vivent difficilement avec leur père, homme taciturne et violent qui ne cesse de les rabrouer, de les rabaisser. Leur mère est soumise, quasi absente. Si Stanislas a quitté la maison, il y revient pour les vacances. Matthias est celui qui vit le moins bien dans cette famille, celui qui est en proie à une grande violence interne. Ladislas lui, est amoureux, d'une jeune fille qui vit seule avec son petit frère dans une pauvre cabane.

Un roman noir magistralement écrit dans lequel le lecteur doit faire une part du travail, celle de relier tous les éléments entre eux, ce qui se fait presque sans que l'on s'en rende compte, aisément. L'ambiance est sombre, la violence sourde, cette famille est le lieu idéal pour les rancœurs, les vengeances, la volonté de faire du mal. C'est sans doute au départ la maladresse qui entraîne tout cela, la peur de mal faire, de vouloir dresser plus qu'éduquer : "Il (le père) n'avait pas trouvé la façon de leur parler. Il croyait à cette chose que certains croient et qui veut que les enfants apprennent d'abord à parler le langage de leur père avant même de trouver le leur. Très tôt,la résistance de Matthias était devenue pour lui une tare inavouable, une chose sur laquelle il n'avait aucune prise et contre quoi il n'avait jamais pu s'empêcher de s'acharner." (p.35) Stéphane Guyon situe son roman dans une famille rustique et pauvre dans laquelle tout se règle par la violence physique ou psychique, la discussion est peu présente contrairement à la rébellion et au souhait de quitter la maison rapidement. Assez peu de descriptions des lieux et des personnes, mais les images viennent facilement à la lecture : le lecteur se retrouve un peu dans la position de l'oncle -le frère du père- quasiment aveugle qui néanmoins "voit" tout et "entend" tout -il perd aussi l'audition- et qui a une idée très précise des faits et gestes des uns et des autres et de leurs conséquences ; il est le refuge et la source d'énergie pour Stanislas. Tout ceci pour la première partie du livre.

La deuxième partie nous fait rencontrer la jeune fille et son petit frère Samuel : ils vivent quasiment seuls dans une cabane fabriquée par leur père, veuf, qui ne vient presque plus les voir. Elle s'occupe de Samuel, s'accroche à sa relation naissante avec Ladislas et espère quitter ce lieu pour la ville. Elle remarque que des hommes les observent du haut de la butte qui surmonte leur logement. Inquiète sans être apeurée, elle souhaite quand même partir au plus vite. Là, dans cette masure, on est loin de la violence, tout est amour, préoccupation de 'autre et bienveillance. Un havre de paix pour Ladislas.

Stéphane Guyon réussit à bâtir une ambiance garantie noire, un sentiment de malaise tout au long du roman, d'impuissance parce que l'on sent qu'il va se passer quelque chose mais on ne sait pas quoi -à condition de ne pas lire la quatrième de couverture- et qu'on n'y peut rien. La relation entre les trois frères est bien vue, celle avec le père autoritaire itou ainsi que la quiétude de la vie -difficile pourtant- de la jeune fille et de Samuel. Belle écriture qui fait la part belle aux personnages, aux relations entre eux, à la nature ; les dialogues sont réduits à leur plus simple expression, les échanges verbaux n'étant pas le fort des garçons et de leur père.

Un troisième titre très convaincant pour la collection noire de La Différence, avec une présentation à la fois sobre et efficace sur les couvertures.

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Ciel d'acier

Publié le par Yv

Ciel d'acier, Michel Moutot, Éd. Arléa, 2015....,

John LaLiberté est un Indien, un Mohawk du Canada. Il est ironworker, comme beaucoup d'Indiens, il monte les structures d'acier des gratte-ciels, il travaille en très grande hauteur, comme son père qui fit partie des équipes qui construisirent les Twins Towers. Justement, en septembre 2001, John travaille à New York et dès l'effondrement des tours, il se propose avec d'autres Mohawks d'aider à déblayer les décombres. Il travaillera 9 mois sur ce chantier.

Depuis le début du XX° siècle, les Mohawks sont réputés être d'excellents ouvriers, les meilleurs pour les constructions métalliques. Du Québec bridge qui s'écroula avant la fin de sa construction en 1907, en passant par l'érection des Twin Towers et leur effondrement, puis la construction de la Tour de la Liberté en lieu et place du World Trade Center, ce sont plus de cent ans d'histoire de la construction des États-Unis que Michel Moutot nous raconte.

Formidable roman bien qu'un peu long qui mêle l'histoire réelle des Indiens mohawks à la fiction des personnages créés par l'auteur. On suit simultanément trois chantiers, celui du Pont de Québec qui s'écroula en 1907 et qui vit s'installer la légende des Mohawks qui se jouent du vide et du vertige. Manish Rochelle est l'un deux qui tente de dénoncer la qualité de la construction et paiera cher pour cela. Puis, la construction des tour jumelles en 1968 sur lesquelles travaille Jack LaLiberté, dit Tool, qui sera le seul ouvrier mort sur ce chantier en 1970. Puis, 2001, et John LaLiberté travaille sur les décombres de ce que construisit son père, cherchant des survivants. Il faut ajouter à cela, la vie des Indiens, leurs habitudes, leurs coutumes, les vies sentimentales de Manish et de John compliquées parce qu'en dehors des codes indiens -surtout pour Manish, en 1907. Vous obtenez un roman dense, absolument captivant, le genre de livre que vous ne lâchez plus, que vous trimbalez partout avec vous, même si son volume et son poids peuvent dissuader de le mettre dans un petit sac à main (523 pages, un peu plus de 4 centimètres d'épaisseur, j'ai mesuré, c'est d'ailleurs mon seul bémol, des longueurs, des répétitions et beaucoup trop de détails techniques parfois encombrants et inutiles).

Ce qui est formidable, c'est que tout s'emboîte parfaitement dans la construction du roman, à savoir comment l'érection et l'effondrement du pont de Québec amèneront d'autres constructions dans lesquelles les Mohawks prendront une grande part, notamment les tours jumelles qui s'effondreront elles aussi. Ce serait un peu facile de dire que Michel Moutot bâtit son livre comme on construit un bâtiment, alors, évidemment, je ne le dis pas.

J'ai aimé la manière dont s'imbriquent les différentes histoires réelles et fictives donnant un évident air épique à ce roman. C'est quasiment un roman d'aventures dans lequel les Mohawks racontent leur fierté d'appartenir à un peuple de bâtisseurs, reconnu comme tel. Je suis persuadé que la fiction est un formidable moyen de faire passer des idées, des informations, et Michel Moutot ne s'en prive pas : la vie des Mohawks, l'enfer de l'effondrement des tours jumelles et celui du déblaiement qui occasionnera beaucoup de maladies voire des morts parce que les sauveteurs n'étaient pas suffisamment informés et protégés contre la pollution, les émanations des matériaux de construction pas toujours sains et la propagation des divers produits entreposés dans les sous-sols ou les étages, ... mais aussi la solidarité rapide des Etasuniens qui se mobilisent pour aider, offrir à manger, à boire, des vêtements, ou encore les malfrats qui profitent des conditions terribles pour piller.

Michel Moutot est journaliste à l'AFP, lauréat du Prix Hachette en 2001 pour sa couverture des attentats du 11 septembre 2001 ; il ose ici un roman pas facile basé sur une tragédie encore en mémoire, et finement, subtilement il réussit son pari, celui d'écrire le roman du post-11-septembre vécu par les gens ordinaires, les habitants de New York, ceux qui ont été tous les jours confrontés au vide laissé l'effondrement des tours et ceux qui ont dû continuer à vivre en ayant perdu l'un ou plusieurs des leurs, des amis, des collègues.

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