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Ménage à trois

Publié le par Yv

Ménage à trois, Eric Mouzat, La Musardine, 2014... 

Camille, la trentaine est mariée depuis cinq ans à un homme brutal et macho tant dans sa vie de tous les jours que dans leur vie sexuelle. Mais Camille aime cette dépendance. Le jour où à la faveur d'un accrochage entre voitures, elle rencontre Quentin, bel homme, doux et attentionné, le coup de foudre est immédiat. Elle l'aime, assurément, mais Camille ne vit bien sa sexualité que dans la soumission, dès lors, Quentin est-il l'homme qu'il lui faut ? Et qui est cette Mélanie dont Quentin garde un souvenir ému ? 

 

"-Dis-donc, Roger, c'est quoi ce livre ? Tu veux faire ménage à trois maintenant ?

- Ben non, ma Gigi, c'est juste un titre. 

- C'est sur quoi ? 

- Sur les couples qui font dans le SM.

- Dans quoi ?

- Le sado-masochisme, la soumission, le maître et les esclaves quoi.

- Et qui domine ? L’homme ? La femme ?

- Euh, dans le livre, c'est l'homme, mais c'est aussi parce que la femme elle le demande, elle ne peut ni ne sait vivre une sexualité dite normale.

- C'est quoi normal pour toi, parce qu'on a un Président normal et lui, il a fait ménage à trois... au moins ?

- Ben, normal c'est toi et moi ma Gigi.

- D'accord, j'préfère ça. Et pourquoi alors que le titre il est Ménage à trois ?

- Parce que Mélanie est une ancienne partenaire que Quentin ne peut oublier et qui pourrait revenir de temps en temps pour pimenter la vie de couple de Quentin et Camille qui ont déjà d'autres partenaires mais qui s'en lassent.

- Mais c'est porno ton truc !

- Non, c'est érotique, mais c'est normal ma Gigi, c'est édité par La Musardine et la maison est spécialisée dans ce domaine.

- Ah ben c'est du propre.

- Mais là, Eric Mouzat, c'est l'auteur, il fait pas dans le dégueulasse, c'est érotique (bon parfois un peu limite porno, mais c'est le style) et bien écrit, et en plus on en apprend sur les pratiques SM et sur les motivations des uns et des autres, maîtres ou soumis. C'est intéressant pour la culture personnelle...

- Ouais, gros pervers, comme ça tu peux aussi lire des trucs cochons...

- Si tu veux je te le prête et tu te feras ta propre idée du livre, tu verras tu n'as plus tous ces préjugés plus tu avances...

- (Sur mes a priori), plus je recule

- Comment veux-tu... ?

- ...

- Allez ma Gigi, va enfiler tes bottes à talons pointus et ton ensemble en cuir, je vais chercher le fouet pour que tu me punisses de cette vilaine lecture. Promis, je recommencerai à lire chez La Musardine." 

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Capillaria ou le pays des femmes

Publié le par Yv

Capillaria ou le pays des femmes, Frigyes Karinthy, La différence, 2014 (traduit par Véronique Charaire, première parution chez le même éditeur en 1976).... 

Un médecin explorateur fait naufrage, coule et se réveille au fond des mers, affublé d'étranges branchies, étonné de pouvoir y respirer et même parler. Il se trouve dans un monde étonnant dans lequel les femmes, les Ohias vivent en reines, tenant en esclavage de tout petits êtres à tête humaine, les Bullocks, qui de fait, sont de sexe masculin. Notre médecin, Gulliver de son nom, apprend à découvrir ces deux mondes qui cohabitent. 

 

Frigyes Karinthy  (1887-1938), écrivain hongrois, s'est d'abord fait connaître par ses parodies de Jules Verne, Oscar Wilde, Ibsen, Pirandello ou encore J. Swift comme ici, reprenant notamment le nom de Gulliver. A savoir que Frigyes Karinthy est aussi l'inventeur (en 1929) du concept des six degrés de séparation, cette théorie qui dit que chacun d'entre nous sur la planète, peut être connecté à une autre personne en suivant une chaîne de connaissances  ne contenant pas plus de cinq intermédiaires. (merci Wikipédia, je connaissais la théorie, mais point son inventeur). Théorie qui paraît de plus en plus réelle avec l'éclosion des réseaux sociaux. Frigyes Karinthy est aussi le père de Ferenc Karinthy, auteur de Épépé dont j'ai récemment parlé et réédité chez Zulma.

Mais revenons à Capillaria, court roman écrit en 1925 et son monde sous-marin sorte de monde inversé dans lequel les femmes se comporteraient comme les hommes sur terre ; enfin comme en 1925, parce que de nos jours, aucun homme ne négligerait la Femme ne la cantonnerait dans un rôle quasi exclusif de reproductrice et de mère, ne la frapperait pour qu'elle obéisse, ne la traiterait comme une espèce à part inférieure à l'Homme. Non, de nos jours les femmes ont l'égalité absolue, elles accèdent aux postes les plus hauts dans toutes les sociétés politiques ou religieuses (une femme Présidente ou même Première Ministre -il y en eut une seule en France- c'est forcément pour bientôt-, dans les entreprises où elles trustent les postes à responsabilités, les hommes prenant activement et volontairement leur part de tâches ménagères, d'éducation des enfants...

Mais plutôt que d'ironiser, revenons encore une fois à Capillaria qui est d'une force satirique très actuelle, une sorte de récit intemporel, tant les choses n'ont point beaucoup évolué. C'est aussi plein d'humour et d'ironie, formidablement vif et vivant lorsque Gulliver tente d'expliquer à Opula, la reine des Ohias comment est la vie sur terre et comment là-haut, les hommes règnent sur le monde mais restent finalement soumis aux désirs 

"De la façon décrite, j'ai fait connaître à sa Majesté la situation de la femme en Europe au cours de l'évolution historique. J'ai parlé sans détours de l'oppression regrettable que viennent seulement de dévoiler les chercheurs de notre siècle. Pendant des milliers d'années, les hommes avaient refusé aux femmes les droits dont l'exercice est le devoir le plus sacré de tout citoyen civilisé. Les hommes s'étaient réservé tous les privilèges en invoquant simplement le droit du plus fort qui peut tout se permettre vis-à-vis des plus faibles. Les femmes n'avaient ni le droit de travailler, ni d'étudier. Seuls les hommes pouvaient gagner le pain quotidien à la sueur de leur front, ce qui fatigue le corps et amoindrit la sensibilité de l'âme." (p.54/55)

Un petit bouquin excellent, édité dans la collection Minos, admirablement écrit qui devrait faire partie de ces classiques lus et relus, inoubliables en tous cas.

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La bergère d'Ivry

Publié le par Yv

La bergère d'Ivry, Régine Deforges, La Différence, 2014...,

Mai 1827, un malheureux fait divers vient heurter les Parisiens : une jeune fille de 19 ans, Aimée Millot est assassinée par un amoureux éconduit, Honoré Ulbach, qui sera guillotiné quelques semaines plus tard. C'est ce meurtre et cette exécution qui seront la base du fabuleux Le dernier jour d'un condamné de Victor Hugo, et c'est de la naissance de ce livre dont nous parle Régine Deforges et du début de son engagement contre la peine de mort. 

Régine Deforges est décédée le 3 avril de cette année, elle a laissé ce roman inachevé que les éditions de La Différence ont décidé de publier sans dernière relecture ou correction. Dans la préface, Pierre Wiazemski, le mari de l'écrivaine, écrit cela ainsi que l'abandon en cours de route de la bergère au profit de Victor Hugo ; "Ne t'inquiète pas j'y reviendrai" lui répond-elle lorsqu'il le lui fait remarquer. Elle n'en aura pas le temps.

Les spécialistes ès Victor Hugo auront sans doute à redire sur ce roman qui mélange joyeusement les années (j'ai par exemple trouvé une citation de Claude Gueux, qui ne paraîtra qu'en 1832, soit cinq ans après les faits racontés ici, et encore je ne suis pas spécialiste !), qui dresse un portrait sans doute flatteur de l'illustre écrivain alors âgé de 25 ans, fougueux, en pleine puissance créatrice. Laissons-les dire.

Il m'est assez difficile de parler de ce livre, car comme il est inachevé, je ne sais pas ce qui aurait pu y changer, y évoluer voire y être corrigé ou supprimé. J'y ai trouvé pas mal de détails qui m'ont gêné, comme des dialogues qui sont parfois abrupts qui se finissent sèchement, ou un manque de liant, de liens dans l'ensemble, des répétitions comme "ces estaminets qui ne payent pas de mine" qui devaient pulluler dans le Paris de l'époque. Sans doute, l'auteure aurait-elle corrigé cela, ajouté des articulations, car comme dit Platon dans son Phèdre"voilà de quoi, pour ma part, je suis amoureux : des divisions et des rassemblements qui me permettent de penser et de parler" (merci Joël, qui ne me lira pas, sans toi, jamais je n'aurais cité Platon, mais franchement, ça en jette ! ) les rassemblements, les articulations nous auraient permis de lire ce roman comme un ensemble et pas comme une suite de chapitres. 

Ces remarques dites, je me suis laissé aisément prendre à la fougue de Victor Hugo et ceci d'autant plus facilement qu'il est l'un des classiques que je préfère lire et relire. Le voir en personnage de roman n'est finalement pas étonnant lorsqu'on sait que sa vie fut particulièrement riche d'écriture, de voyages, de lectures, d'événements politiques, de prises de position très controversées pour l'époque. Il a aussi évolué sur ce qu'on appelle maintenant l'échiquier politique, commence royaliste, fervent admirateur de Napoléon (le premier, pas "Le Petit") pour finir à l'assemblée sur les bancs de la gauche. Régine Deforges nous le présente comme un homme jeune amateur de bonne chaire pas encore infidèle (il ne le sera que lorsqu'il rencontrera Juliette Drouet, après que sa femme Adèle eût elle-même succombé aux charmes de Sainte-Beuve), néanmoins pas insensible aux belles jeunes femmes qu'il croise, parmi elle Gina, jeune gitane qui danse sur le parvis de Notre-Dame. Régine Deforges fait des personnages de Victor Hugo des êtres qu'il a rencontrés et qu'il a ensuite placés dans ses œuvres, après tout, pourquoi pas ? C'est assez drôle de l'imaginer parler avec la future Esmeralda ou le non-moins futur Phœbus... Et ce qui emporte tout, c'est sa volonté d'écrire ce fameux livre contre la peine de mort, malgré ses doutes, ses craintes d'être incompris, insulté et malgré les encouragements de certains de ses amis : "On ne touche pas impunément à l'un des derniers tabous de notre société. Vous aurez contre vous les esprits bien-pensants, les hérauts de la répression, de la peine de mort comme moyen de dissuasion, et toutes les petites gens qui tremblent pour leurs économies et leur vie. [...] Ne vous laissez pas décourager. Après tout, vous arriverez peut-être à faire abolir la peine de mort." (p. 72) Hugo osera en 1829 faire publier Le dernier jour d'un condamné, d'abord anonymement sur les conseils de son éditeur. Un de ses livres que je préfère.

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La grève des électeurs

Publié le par Yv

La grève des électeurs, Otave Mirbeau, Ed. Allia, 2009.....

Dans ce texte paru initialement en 1888 dans le journal Le Figaro, Octave Mirbeau s'attaque aux électeurs et à leur volonté de vouloir toujours aller voter pour changer les choses. Idem dans le second texte intitulé Prélude et paru dans Les Temps nouveaux en 1902 bien qu'écrit le 14 juillet 1889. Le dernier texte est de Cécile Rivière, s'intitule Les moutons noirs et est à la fois une explication des écrits d'Octave Mirbeau et une très courte biographie. 

Pour ma première visite à la toute nouvelle librairie de ma commune (Librairie Lise&moi à Vertou), je furète, je regarde partout pour voir les livres que ces dames présentent, et, en toute fin de parcours, je tombe sur le présentoir des éditions Allia qui ont la bonne idée de publier des textes anciens et des textes nouveaux. La grève des électeurs trônait à côté du livre de Paul Lafargue lu l'été dernier, vraie trouvaille, quasiment une Bible, Le droit à la paresse. Les dernières élections auxquelles nous avons participé ayant eu peu de succès (plus de 50% d'abstention aux élections européennes) et s'étant conclues sur la première place du FN, ce petit livre ne pouvait que rejoindre ma poche (après l'avoir payé bien sûr ainsi qu'un autre de la même collection, récent et même un en plus en cadeau, et après une petite discussion avec les charmantes bibliothécaires qui bien sûr auront l'honneur -oui, j'me la pète un peu- de me revoir régulièrement ; lorsqu'on a la chance d'avoir une librairie près de chez soi, on fait tout pour qu'elle vive). 

Octave Mirbeau part du principe que les élections ne changeront pas le système politique bourgeois en vigueur à son époque, qui a bien sûr beaucoup changé, puisque de nos jours nos dirigeants ne se cooptent pas, ne font pas de préférence pour leurs petits copains ou membres de leurs familles... C'est pure perfidie de ma part, car je suis très loin du "tous pourris" que je ne supporte pas, je persiste à penser que la grosse majorité de nos élus est honnête mais que quelques uns, pas les plus nombreux, n'hésitent pas à piquer dans la caisse ou à opérer diverses malversations ou préférences douteuses, mais que comme ils sont mis en ouverture de tous les journaux, ils pourrissent l'entièreté de la classe politique. Mais peut-être suis-je naïf ?

Octave Mirbeau se dit donc que si les élections ne servent à rien, l'électeur doit faire la grève pour protester contre l'exploitation faite de son vote. Il s'étonne même qu'il puisse y avoir encore un électeur en France : "Une chose m'étonne prodigieusement -j'oserai dire qu'elle me stupéfie- c'est qu'à l'heure scientifique où j'écris, après les scandales journaliers, il puisse exister encore dans notre chère France (comme ils disent à la Commission du budget) un électeur, un seul électeur, cet animal irrationnel, inorganique, hallucinant, qui consente à se déranger de ses affaires, de ses rêves ou de ses plaisirs, pour voter en faveur de quelqu'un ou de quelque chose..." (p.7). En bon pamphlétaire et en bon anarchiste et libertaire, il peut se montrer virulent voire violent : "Les moutons vont à l'abattoir, ils ne disent rien, eux, et ils n'espèrent rien. Mais, du moins, ils ne votent pas pour le boucher qui les tuera, et pour le bourgeois qui les mangera. Plus bête que les bêtes, plus moutonnier que les moutons, l'électeur nomme son boucher et choisit son bourgeois. Il a fait des révolutions pour conquérir ce droit." (p.13) 

C'est un texte que je me prends dans la figure, moi qui dis partout qu'il faut aller voter que l'abstention favorise la montée des extrêmes -notamment l'extrême droite qui ne progresse pas en nombre de voix, mais en pourcentage dès lors que le taux de participation baisse. Mathématique !- ; d'ailleurs, Cécile Rivière tempère les propos de Mirbeau dans ce sens, avec néanmoins une ironie, que personnellement, je trouve de mauvais aloi, toujours persuadé que ceux qui feront la grève des votes ne sont pas ceux qui votent FN ; ceux-là iront toujours et si les "déserteurs d'isoloirs" sont de plus en plus nombreux, la porte est grande ouverte à des gens capables du pire politiquement, économiquement et humainement : "A chaque élection, tombe le chiffre des moutons noirs dont chacun est convaincu qu'il n'est pas assez conséquent pour porter sérieusement atteinte à la santé démocratique de notre République. Exception faite des épisodiques percées de l'extrême droite, entièrement imputables à l'incurie des déserteurs d'isoloirs, qui se résolvent, à grand renfort de sermons médiatiques, par des plébiscites dont chaque électeur, ramené au bercail de l'exercice de sa pleine souveraineté, pourra se féliciter." (p.36)

Des textes qui me hérissent le poil, avec lesquels je ne peux pas être en accord, mais qui ont le mérite de pointer, 125 ans après avoir été écrits, une réalité très actuelle, un monde politique qui vit depuis très longtemps sans vraiment s'occuper de ceux qui l'élisent et qui, proche du gouffre continue quand même à avancer sans se poser de questions sûr de détenir la vérité.

Conclusion : Lisez Octave Mirbeau, parce que ça décape, c'est vachement bien troussé et ça fait se poser des questions, mais allez voter !

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