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Les voleurs de cerveaux

Publié le par Yv

Les voleurs de cerveaux, Cyrille Launais, Ed. Sixto, 2013.....

Luc Renard est livreur pour la librairie Bouquain à la fin des années 50. Au volant de sa 2CV fourgonnette, il sillonne les rues de Nantes pour son travail. En arrivant chez M. Derval, client habituel, Luc le retrouve mort, un trou dans la tête. A peine a-t-il remarqué cela que Luc est assommé et laissé sur place. Lorsqu'il se réveille, les policiers sont présents. Il est entendu, relâché et ne peut s'empêcher de mener sa propre enquête avec Jeanne sa cousine. Bien mal leur en prend.

Que voilà une belle bande dessinée : couverture souple et néanmoins superbe, très réussie de mon point de vue, 100 pages si l'on excepte le dossier final intitulé Etudes graphiques, une mise en page soignée, un magnifique dessin en noir et blanc, travaillé un peu comme de la photo sur certaines cases, avec différents plans : le premier est net et le second flou, comme lorsque l'on fait le point sur une seule personne. Le dessin est très réaliste, les personnages sont très identifiables, ils ont des "gueules", un peu comme dans les films de Lautner ou dans les BD de Tardi. Les paysages sont eux aussi réalistes, identiques à ce qu'était Nantes à l'époque (d'après ce que j'en ai vu puisqu'évidemment, je n'étais point encore dans cette belle ville ni même né) ; des quartiers sont encore reconnaissables, d'autres moins, je me repère aux bâtiments qui eux sont restés. Le texte est basique, assez simple, très symbolique de l'époque entre argot et dialogues d'Audiard (les références n'y sont d'ailleurs pas cachées) et tant mieux, car il permet de rester ancré dans la réalité alors que l'intrigue flirte avec l'irréel, le surnaturel avec grand bonheur.

Un excellent moment passé en compagnie de toute cette bande, du même ordre que lorsque vous visionnez un bon vieux film de gangsters français des mêmes années : humour, parodie, langage fleuri et tronches indescriptibles, voitures oubliées, vitesse folles (au moins du 72 km/heure !), pas de prise de tête, d'intellectualisation du ou des propos, pavés des rues de Nantes, clin d'œil à la presse locale et à la star incontestée de Nantes, Anne de Bretagne (sa seule existence en son château, en cette ville prouve à elle seule son appartenance à la Bretagne ; je dis ça bien sûr juste pour attiser la querelle récurrente en nos rues nantaises) et qui est morte il y a tout juste 500 ans (le 09 janvier 1514)

Pour de plus amples informations, n'hésitez pas à aller visiter le site des éditions Sixto, collection CasaNostra (en cliquant sur le nom) spécialisée dans le genre BD polar qui se déroule dans le centre des villes. En plus, vous aurez un interviouve de l'auteur Cyrille Launais. La lecture de cet album valant mieux qu'un long discours (surtout d'un de mes discours), je vous laisse le découvrir par vous-même, ce qu'évidemment, vous ne manquerez pas de faire.

 

polars

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Dossier 64

Publié le par Yv

Dossier 64, Jussi Adler-Olsen, Albin Michel, 2014 (traduction Caroline Berg).....

Le département V de Copenhague est une petite unité dirigée par Carl Morck assisté d'une secrétaire schizophrène Rose et d'un drôle de personnage qui dit s'appeler Hafez El-Assad. Cette unité est spécialisée dans la réouverture de vieilles affaires non résolues. Celle qui va occuper les trois acolytes concerne la disparition de plusieurs personnes en 1987. Dans le même temps, Carl semble mis en cause dans deux histoires, une très vieille concernant la mort de son oncle et une plus récente, la fusillade qui a causé la mort d'un de ses ex-équipiers, la tétraplégie d'un autre (dont il s'occupe) et sa propre blessure à la tête qui lui a valu sa mise au placard dans le Département V.

Quatrième volet des enquêtes du Département V, toujours aussi bon, je ne vous le cache pas. Nous sommes nombreux à avoir aimé les trois précédents tomes (MiséricordeProfanation et Délivrance), nous devrions être au moins autant à apprécier ce roman-ci. A ce propos et sans encore savoir ce qu'elles en ont pensé, ce livre fut l'objet d'une lecture commune avec mes éminentes copines de la blogosphère Lystig, Liliba et Hélène.

Cette fois-ci encore le trio fonctionne admirablement et de la même manière : Rose déterre un dossier qu'elle s'empresse de rendre attirant à Carl, Assad lui étant tout acquis. Carl est un flemmard dont l'instinct de flic, dès lors qu'il est réveillé ne s'endort plus qu'à l'ultime seconde de la résolution de l'énigme. Le travail de Rose et d'Assad est donc de lui présenter un dossier "clef en main" : ils sont les petites mains qui cherchent, furètent dans les archives pour appâter leur chef. Rose est toujours sur le fil, entre ses différentes personnalités qui ne demandent qu'une raison pour s'intervertir. Assad, toujours mystérieux sur ses origines est collant, ne lâche rien et n'en fait qu'à sa tête. Carl, plus flegmatique est très pris par sa vie privée, entre sa future ex-femme qui veut partager leurs biens, son beau-fils qui ne fait rien, son ex-équipier cloué sur un lit médicalisé dans son salon et Mona son ex-psychologue devenue sa maîtresse.

Pour cette affaire, Jussi Adler-Olsen nous plonge dans le Danemark de l'extrémisme : le parti de l'extrême droite est en passe d'avoir des représentants au Parlement et son chef Curt Wald qui a tout fait pour que son parti arrive un jour au pouvoir est en première ligne. J. Adler-Olsen démonte les rouages de ce parti, fondé sur ce que la société danoise refuse de voir en face et sur ce dont elle ne peut s'enorgueillir : l'eugénisme mis en pratique au début du siècle dernier, lorsque des femmes jugées de mauvaise vie était enfermées dans l'île de Sprogø, surveillées, maltraitées voire stérilisées pour ne pas que leur progéniture gangrène la vie des honnêtes gens de l'époque. "Elles étaient maltraitées, elles travaillaient dur. Elles étaient menées à la baguette et brutalisées quotidiennement par un personnel sans qualification qui considérait ces filles, ainsi qu'on les appelait là-bas, comme des êtres inférieurs. Elles étaient surveillées nuit et jour. Il y avait des cellules on l'on mettait à l'isolement celles qui refusaient de marcher au pas. Elles pouvaient y rester des jours et des jours. Si l'une de ces filles nourrissait quelque espoir de partir un jour de Sprogø, il fallait de toute façon qu'elle accepte d'abord d'être stérilisée. Stérilisée de force ! On leur enlevait tout, Carl ! Excision et hystérectomie !" (p.187). J. Adler-Olsen construit une histoire dure, parfois insupportable d'intolérance et de violence tant physique que psychologique. Un contexte très fort, malheureusement réel. J. Adler-Olsen ne prend pas de gants et met ses compatriotes face à leur passé et leur présent (face à la montée des extrémistes). Dans le même temps, il sait se faire plus léger lorsqu'il parle des relations entre ses trois protagonistes (il y a notamment deux pages hilarantes d'une théorie implacable de Rose sur l'utilité pour les hommes de remonter la cuvette des toilettes pour uriner et de la rabaisser, une fois leur affaire faite), ou lorsqu'il décrit les rapports entre Carl et Mona, la femme qu'il aime :

"- On s'en fiche", dit-elle en l'attirant contre elle avec tant de volupté que le sang de Carl se mit à bouillir. "Je crois que tu es mûr pour une petite séance de gymnastique sous la couette", lui susurra-t-elle en glissant une main là où les petits garçons en bonne santé se tripotent à longueur journée." (p.317)

Une quatrième enquête très convaincante de 604 pages jamais ennuyeuses, au contraire (ce qui est pour moi un gage de grande qualité) qui se hisse très largement à la hauteur de Délivrance, le tome précédent que je trouvais le plus abouti. Mais jusqu'où ira-t-il ce Jussi Adler-Olsen, si à chaque épisode que je lis je le trouve encore meilleur que le précédent, et sachant que d'autres sont prévus, pour ma plus grande joie ?

 

 

polars

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Faire l'aventure

Publié le par Yv

Faire l'aventure, Fabienne Kanor, Lattès, 2014...,

Biram est un jeune homme qui vit à Mbour, ville balnéaire proche de Dakar, cette ville qui au début du Paris-Dakar voyait les participants finir la course sur sa plage. Biram vit chez sa tante, enchaîne les petits boulots. Il veut faire l'aventure, partir, s'exiler en Europe, mais les récits de ceux qui en sont revenus, pas toujours glorieusement ne sont pas encourageants. 

Marème est une belle jeune Dakaroise qui vient vivre à Mbour le temps que son lycée est en grève. Elle a des manières d'adolescente de la grande ville qui peuvent agacer mais qui fascinent Biram. Elle rêve elle aussi d'un destin à la mesure de ses rêves, hors du Sénégal.

Fabienne Kanor mélange adroitement les genres dans son roman : odyssée de ceux qui s'exilent pour trouver mieux ailleurs, roman initiatique du passage à l'âge adulte et roman d'un amour contrarié, mal engagé entre la jeune citadine bêcheuse et le jeune homme pas très sûr de lui. On commence avec ces deux jeunes gens à l'âge où l'on pense beaucoup à soi, où tout reste à faire pour se construire un avenir et une personnalité. Ils sont en devenir, des ados mal dans leurs peaux : "Oh, ce n'était pas la colère du jeune homme [Biram] qui l'alertait, mais plutôt ce truc visqueux et vénéneux qu'il sentait poindre derrière, et que les gens éduqués appellent mélancolie." (p.135) Puis ils feront leurs routes pas comme ils l'escomptaient, feront des rencontres qui leur permettront de vivre, survivre de toucher du doigt leur rêve. Biram sera "modou-modou", vendeur à la sauvette, d'abord à Tenerife, ce qui sera l'occasion pour Fabienne Kanor de nous décrire le touriste de base sarcastiquement, le passage est un peu long, et c'est fort dommage, car je vous l'aurais bien cité en entier, je me contenterai du début : "Occupée à beurrer des sandwiches à la mortadelle, la femme, une bagatelle d'un mètre soixante à peine, bêlait aux oreilles de son mari. Elle rouspétait, pour commencer, contre cette chambre d'hôtel qu'ils occupaient depuis une semaine avec vue sur la moitié d'un parking et où l'on entendait les cris des voisins. [...] Il n'y avait pas plus plouc que les clients de l'Agua Mar. Plage, bar-tabac et supermarché, c'est tout ce qu'ils connaissaient, en dehors de leur chambre." (p.142/143)

En quatre parties, F. Kanor fait grandir ses personnages pour les emmener vers un âge adulte, vers des désillusions et des déceptions, mais aussi vers des espérances. Son roman est mélancolique, pas déprimant, parce que malgré tout, reste un ou des espoirs, ne serait-ce que celui de la vie qui continue et qui peut apporter son lot de belles surprises : il reste que lorsqu'on passe une partie de sa vie en tant qu'exilé sans papier, on ne peut pas dire que la bonne humeur, l'allégresse règnent en maîtresses. Biram et Marème sont des personnages auxquels j'ai eu un peu de mal à m'attacher ; malgré toute mon attention, je n'ai pas toujours ressenti pour eux toute l'empathie (et non pas de la pitié) que j'aurais voulu, sans doute parce qu'ils ne sont pas éminemment sympathiques, plus occupés à s'en sortir qu'à essayer de s'attirer les bonnes grâces ou des amis. Malgré cela et malgré des longueurs dans ce roman, je le conseillerais très volontiers, d'abord parce que je crois que les personnages, les situations évolueront dans chaque lecteur quelques temps après l'avoir fini et ensuite parce que l'écriture de Fabienne Kanor est vraiment très plaisante : des néologismes, des "africanismes" (ça se dit ça ?), des belles phrases propres à faire naître des images nettes, un langage simple et direct qui épouse parfaitement les caractères de Biram et Marème. Une écriture comme je les aime, inventive, originale et pleine de trouvailles.

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Tag blogueur convivial

Publié le par Yv

Aïe, mais qu'est-ce qui m'a pris ce matin d'aller lire le blog d'Hélène ? Me voilà avec un Tag auquel je me dois de répondre : 

 

1- Lorsque tu apprendras que tu as été tagué, la gigue tu devras danser et arborer le logo dudit Tag sur ton blog

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J'arbore volontiers, mais pour ce qui est de danser la gigue ou de danser tout court, imaginez un bâton, un vrai bien droit et vous voyez sans peine mes capacités à me trémousser sur n'importe quelle musique que ce soit... alors la gigue...

 

2- Pour remercier celle qui t'a désigné, un petit texte tu rédigeras

Commençons alors par le début, Hélène, je te remercie vivement de m'avoir désigné. Ensuite, j'aimerais qu'ensemble nous décortiquions ce mot de convivialité par syllabes, un choix arbitraire que j'assume. Alors :

- "Con" : bon, ben comment dire ? Euh, chacun en a sa propre définition, n'est-il pas ? (et on oublie la connotation sexuelle SVP, que diable, c'est un blog sérieux ici)

- "Vi" : la vie quoi (et si je puis me permettre de réitérer ma parenthèse précédente)

- "Vial" : la vie quoi. Une répétition dans un mot, pas mal

- "Ité" : en latin : "partez"

Voilà, vous savez tout, la convivialité, c'est de laisser partir les cons qui ne comprennent rien à la vie ni à la vie. Simple. Evident. Un brin redondant sans doute.

 

3- Choisir 10 internautes réactifs tu devras

Eh bien, chers amis j'ai le bonheur de choisir ceux qui seront les plus réactifs ici même : laissez un commentaire et hop, vous êtes choisis. 

 

4- Faire ce Tag une seule fois tu pourras.

Ouf !

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Le dico flingueur des Tontons et des Barbouzes

Publié le par Yv

Le dico flingueur des Tontons et des Barbouzes, Stéphane Germain et Gega, Hugo et Cie, 2013

Vous connaissez Les tontons Flingueurs qui ont fêté leurs cinquante ans en 2013. Vous connaissez aussi sans doute Les Barbouzes qui fêtent les leurs cette année. Mais les connaissez-vous réellement ? Citeriez-vous les noms du réalisateur, du dialoguiste (super facile), des scénaristes, des acteurs et actrices ? Saviez-vous que la co-production du premier était allemande et qu'elle avait imposé le nom de certains acteurs, dont Sabine Sinjen qui joue Patricia ? Que nombre d'erreurs, d'approximations ou d'incohérences émaillent ces films devenus incontournables ? Stéphane Germain sait tout cela en bon spécialiste d'Audiard et des films de l'époque. En plus il s'est adjoint les dessins de Gega, superbes caricatures en noir et blanc des différents intervenants des deux films. 

J'ai eu la chance de recevoir à Noël, le coffret DVD de ces deux films de Georges Lautner, dialogués par Michel Audiard et co-scénarisés par Albert Simonin dans lesquels le trio principal d'acteurs est présent : Lino Ventura, Francis Blanche et Bernard Blier. Lorsque j'ai vu qu'il existait un livre aussi beau et aussi complet que celui-ci sur mon cadeau de Noël, je n'ai pas pu résister... Je n'ai pas encore eu le temps de revoir Les Barbouzes (Les Tontons sont repassés récemment à la télévision), mais après la lecture de ce bouquin, je peux vous dire que j'en ai très envie et que je le regarderai avec un œil un peu plus aiguisé sans pour autant bouder mon plaisir. Car avant tout, ce livre est un hommage aux films et à tous ceux qui y ont participé. Et l'on découvre que contrairement à ce que l'on entend partout, la langue d'Audiard n'est point argotique mais au contraire plutôt châtiée, notamment la fameuse scène de la cuisine imposée par Lautner à Audiard qui n'y croyait pas : "Toute la scène ne repose que sur un vocabulaire raffiné et des tournures de phrases que les parents d'aujourd'hui rêveraient de voir manier par leurs enfants. Dans cette cuisine, la force d'Audiard réside dans sa capacité à mélanger les niveaux de langage et à faire se télescoper les bonnes manières et le mot leste -ce dernier employé à dose homéopathique prend alors toute sa force, et sa drôlerie. C'est une de ses marques de fabrique. "Et c'est pourquoi je me permets d'intimer l'ordre à certains salisseurs de mémoire de fermer leur claque-merde." [...] La détonation obtenue grâce à ce cocktail de langage châtié et de vocabulaire plus relâché constituera une de ses figures de style préférées, et les exemples abondent : "L'homme de la Pampa, parfois rude reste toujours courtois, mais la vérité m'oblige à te le dire : ton Antoine commence à me les briser menu."" (p.11) 

Construit en deux grandes parties, une pour chaque film avec des items qui se recoupent évidemment, ceux consacrés aux divers participants communs, acteurs, dialoguiste, scénariste, ce beau livre est à conserver près des DVD, histoire de se cultiver et de briller en société lorsque le sujet arrive sur les films cités. On peut aussi le lire juste pour le plaisir de retrouver des anecdotes sur le cinéma de l'époque, comme la querelle entre la nouvelle vague et les anciens comme Audiard ou Lautner, sur les acteurs comme B. Blier, L. Ventura, F. Blanche ou Mireille Darc ; dans tous les cas de figure, on se marre bien, ce qui est une excellente nouvelle et une très bonne thérapie contre le blues ambiant.

 

polars

 

rentrée 2013

 

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Mais je fais quoi du corps ?

Publié le par Yv

Mais je fais quoi du corps ?, Olivier Gay, Ed. du masque, 2014.....

Fitz est dealer, un petit qui ne deale que dans les beaux quartiers de Paris, juste pour ses besoins quotidiens. Lorsqu'il va manger chez ses parents le dimanche, pour leur présenter le visage d'un fils idéal,  il demande à Déborah, de jouer le rôle de sa copine, ce qu'elle est d'ailleurs de temps en temps. Lorsque Georges Venard, un député très en vue lui demande ce dimanche de le livrer chez lui de quelques grammes, malgré ses principes de ne pas travailler ce jour de la semaine, Fitz accepte, les 500 euros de prime promis aidant à cette décision. Mais lorsqu'il arrive chez le député, la porte reste close, Fitz croise un homme dans l'escalier qui le dévisage. Fitz laisse des messages sur le portable de G. Venard, mais rien n'y fait. Le lendemain, il apprend que le député est mort, soi-disant suicidé. Puis Fitz se fait agresser, reçoit des menaces de mort. Est-ce en lien avec Venard, avec un mari trompé belliqueux, un client ou un concurrent ?

Troisième aventure de John-Fitzgerald Dumont dit Fitz, après Les talons haut rapprochent les filles du ciel et Les mannequins ne sont pas des filles-modèles, toutes deux fort réussies, cette troisième l'est tout autant. Plus sombre néanmoins, plus noire. Fitz change et on en est des témoins privilégiés. Dans ce troisième tome, il est moins question de nuits parisiennes, de drague. Fitz se sent très menacé et risque même de perdre ses amis Déborah et Moussah. Pour lui, ils iront au-delà de ce qu'ils pensaient pouvoir faire pour un ami au risque d'exploser leurs rapports. On sourit et on rit un peu dans la première partie, parce que Fitz est quand même un dilettante, un mec plutôt joyeux, puis l'humeur s'assombrit dans la seconde avec quand même quelques saillies d'Olivier Gay comme par exemple : "Une ombre s'interposa devant le néon et je levai les yeux pour croiser un regard dur et froid comme le sexe d'un castor lapon." (p. 275) 

Je ne suis pas loin de penser que ce troisième opus est le meilleur de cette série (pour le moment, car la fin laisse présager une suite) : on assiste en direct aux changements des personnages travaillés plus en profondeur, l'intrigue est plus fouillée, plus maîtrisée. La force de ce polar, c'est aussi l'écriture d'Olivier Gay, tour à tour légère puis plus sombre, elle suit ou précède ou colle parfaitement à Fitz. Le petit plus c'est encore de créer un monde très personnel, une équipe de choc : un clubbeur-jet-setteur qui mène la danse, assisté d'une prof d'histoire accro aux rails de coke, un vigile balaise, un hacker invisible (mais qui est esquissé en ouverture et fermeture du livre) avec qui Fitz ne communique que par PC interposé et qui a pris les commandes de celui de Fitz, et l'ex de Fitz, commissaire de police qui n'intervient que pour tenter de le remettre dans le droit chemin.

A la maison, nous sommes deux fervents amateurs des aventures de Fitz, moi-même donc (c'est pas beau de commencer par soi, mais c'est pour laisser un peu de suspense) et mon fils, petit lecteur (c'est un euphémisme) qui l'a apprécié dès sa première apparition, qui a aussi lu la suite et à qui je vais passer sa (momentanée) dernière, je l'ai déjà appâté avec la couverture sans rien lui dire du contenu, sauf que je le trouvais encore meilleur que les autres.

Pour finir, une anecdote de lecteur : comme j'étais ferré, je voulais connaître le dénouement de l'intrigue rapidement, je n'ai donc pas lâché le roman avant d'avoir réponses à mes questions. Et puis, une fois la solution lue, j'ai savouré lentement l'épilogue, posant le livre pour regarder par la fenêtre, pour dire un truc sans importance (si si, ça peut m'arriver) à l'un des enfants ou à Mme Yv, puis je reprenais une page pour rester encore un peu en compagnie de Fitz et de ses amis, pour prolonger les moments passés avec eux...    

Un bel avis sur Médiapart, chez Claude Le Nocher,

 

 

polars

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Théorie de la vilaine petite fille

Publié le par Yv

Théorie de la vilaine petite fille, Hubert Haddad, Zulma, 2014.....

Les sœurs Fox, Kate, une douzaine d'années et Margaret, trois ans de plus sont les témoins de phénomènes étonnants qui surviennent dans la vieille et pauvre ferme de leurs parents à Hydesville, dans l'état de New York au beau milieu du XIXe siècle. Dans ce pays en pleine construction, très puritain, Kate découvre son pouvoir de médium. Elle initie Margaret, et grâce à Leah, leur sœur de vingt ans leur aînée qui vit à Rochester, la grande ville la plus proche, elles vont inventer le spiritisme, attirer l'amour et la haine, la curiosité, la dévotion, le scepticisme ou de violentes attaques. Elles seront connues bien au-delà de leurs frontières. Dépassées, moquées, vilipendées, enviées, leurs vies ne seront pas de tout repos.

Hubert Haddad s'empare de la vraie vie des sœurs Fox (et oui, elles ont vraiment existé, et si vous cherchez sur le Net, vous trouverez encore et toujours des articles les encensant et d'autres les descendant en flèche, comme quoi elles restent bien présentes ; de là à croire à la présence des esprits...). Il y mêle des noms de célébrités de l'époque, de gens moins connus et également des personnages de fiction. Et tout cela fonctionne admirablement. Il s'intéresse tout d'abord à la personnalité des sœurs Fox et de divers personnages qui interviendront dans l'histoire. Le début du roman peut paraître un peu long, demande attention et persévérance et l'on peut parfois se demander pourquoi untel ou untel est cité, mais on sait que tous se rejoindront un moment ou un autre ; l'écriture de H. Haddad est là pour nous tenir, et heureusement, parce que la mise en scène passée, le reste du bouquin est un délice et se dévore jusqu'au bout (398 pages).

Il en vient rapidement aux premiers signes des esprits : "C'est alors que se fit entendre un claquement répété ; elle dénombra une douzaine de coups vivement martelés suivis de trois coups plus puissants et espacés, tout à fait comme l'annonce du brigadier sur le plancher des anciens théâtres, en signe des apôtres et de la Trinité" (p.41) Kate vient de découvrir son don de médium, et l'esprit qui l'habitera toute sa vie, elle le nomme "Mister Splitfoot". Le reste de l'histoire est l'enchaînement qui emmènera les sœurs Fox sur les grandes scènes, dans la belle société étasunienne de l'époque ; leur ascension est fulgurante, ce qui excite les jalousies et les conversions de certains flairant le bon filon pour se faire de l'argent ; c'est l'avènement des médiums et spirites en tout genre, charlatans et autres (si tant est qu'on ne croie pas déjà que tous sont des charlatans)

Hubert Haddad ne se contente pas de tirer le portrait des sœurs, il les replace dans leur époque et décrit l'Amérique de la seconde moitié du XIXe siècle. Le rattachement du Mexique à l'Union, la guerre de sécession, les luttes pour les droits des noirs, ... On croise quelques personnalités connues et d'autres beaucoup moins ou oubliées comme Frederick Douglass, né esclave, qui deviendra homme politique et conseiller de A. Lincoln, abolitionniste convaincu et convaincant qui militera également pour les droits des femmes, le premier homme noir à atteindre d'aussi hautes fonctions (il conclura l'un de ses discours par : "Right is of no sex- Truth is of no colour- God is the father of us all, and we are all brethren !" (p.274) 

Ce qui a fini de me convaincre et qui est pour moi la plus grande qualité du bouquin -parmi toutes celles qui l'habitent-, c'est l'écriture de Hubert Haddad. De longues ou très longues phrases, dans un langage châtié, aux tournures élégantes, empli de mots rares mais néanmoins connus ("furibonderie", "séditieuse", "méjuger", "impécunieux", pour n'en citer que quelques uns) et d'autres nettement moins courants. Je me dois d'avouer ici en public que je n'aime pas trop les textes dans lesquels trop de mots que je ne connais pas sont inscrits, j'ai la flemme d'ouvrir un dictionnaire et j'oublie leur existence et a fortiori leurs définitions peu après. Mais maintenant que grâce à Liliba, j'ai un dico tout neuf, je me fais un plaisir de l'ouvrir, et second aveu ici même, jamais je n'ai autant cherché avec plaisir des définitions de mots que dans ce livre ; j'attendais même avec gourmandise le moment ou j'allais en trouver un inconnu de moi : "canitie", "liliale", "stertoreux", "égrotant", "épigone", "cachectique", "cippe", "amaurose", "cariatide", "valétudinaire", "herméneutique" (je connaissais ces quatre derniers, mais point leurs significations)

Vous l'aurez compris, ce roman est une vraie réussite, un de ceux que l'on ne quitte qu'avec regret, un de ceux qui instruisent et distraient les lecteurs simultanément, un de ceux dont on se dit que là, on a lu un grand roman et que tout le monde devrait le lire, un de ceux dont on aimerait que notre enthousiasme à son propos soit communicatif !

Plus de renseignements sur le site de l'éditeur Zulma.

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