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Madoff, l'homme qui valait cinquante milliards

Publié le par Yv

Madoff, l'homme qui valait cinquante milliards, Mark Seal, Ed. Allia, 2010 (traduction : Hélène Frappat)

"Sous le titre : Madoff, l'homme qui valait cinquante milliards, le présent ouvrage regroupe trois articles de Mark Seal, publiés initialement dans Vanity Fair en 2009 : "Madoff's world" en avril, "Hello Madoff" en juin, avec la collaboration d'Eleanor Squillari, et "Ruth's world" en septembre." (Avant-propos, p.6)

Le premier article explique les prémices de l'escroquerie, comment Bernard Madoff en est venu à bluffer tous ses clients, tous issus de son cercle d'amis, de ses relations, de sa famille et de celle de sa femme Ruth. Comment ce fils d'une famille plutôt modeste du Queens a réussi à fréquenter tous les gens de la "bonne société états-unième" qui se battaient pour rentrer dans son fonds de placement.

Le second article est écrit en collaboration avec Eleanor Squillari, la secrétaire personnelle de Madoff pendant 25 ans. Elle raconte les derniers jours avant l'arrestation de son patron, ses relations avec lui, avec ses fils, son frère, sa femme, tous travaillant chez Madoff, entreprise familiale.

Le dernier article est une "enquête sur la nature de leur mariage [celui de Bernie et Ruth Madoff] qui durait depuis 49 ans, depuis l'engagement profond de Ruth dans les affaires de son mari jusqu'aux démons dissimulés sous sa façade d'épouse parfaite, et à la vie bizarre qu'elle a mené depuis l'arrestation de Bernie." (p.127)

Très intéressant petit livre. Malgré certains passages un peu techniques, il se lit facilement. Comme un roman a-t-on l'habitude de dire. Mais il paraît être plus romanesque qu'un vrai roman, tellement les personnages semblent fictionnels. Quel romancier un peu attaché à la crédibilité de ses personnages aurait pu en créer d'aussi incroyables ? Madoff a escroqué des gens riches, très riches, extrêmement riches. Ils voulaient tous investir chez lui. A lire Mark Seal, on peut s'apercevoir que la richesse ne rend pas raisonnable, même et surtout lorsqu'il est question de faire fructifier son argent. Jalousies, envies, besoin d'avoir toujours plus ; si l'un d'entre eux place son argent à haut taux de rendement -chez Madoff par exemple- les autres veulent "en être" aussi, pour accumuler encore plus.

Mark Seal doute tout au long de ses enquêtes que Madoff fût le seul au courant de sa chaîne de Ponzi. Lorsqu'il s'est livré au FBI, il a endossé l'entière responsabilité d'une des plus énormes escroqueries jamais imaginées. Ruth, sa femme, était-elle au courant ? Certaines questions resteront sans réponses, car seul le couple Madoff détient les clefs.

J'ai parfois eu l'impression de lire : "Les malheurs de nos amis les gens riches". Toute compassion de ma part est exclue, puisque pour investir chez Madoff, il fallait déjà avoir plusieurs millions de dollars et que ce n'est que cette envie "d'en faire partie " qui a poussé les arnaqués à se livrer eux-mêmes à leur bourreau. Par moments, j'ai même eu envie de sourire devant tant de naïveté et de cupidité, mais ce n'est bien sûr, vous l'aurez compris, que de la jalousie de cette jet-set new-yorkaise qui ne sait quoi faire de son argent, mais qui en veut tout de même davantage, je devrais d'ailleurs dire qui ne savait quoi faire de son argent, puisque Madoff leur en a pris énormément.

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Le sang et la mer

Publié le par Yv

Le sang et la mer, Gary Victor, Ed. Vents d'ailleurs, 2010

Hérodiane, très belle jeune femme noire haïtienne quitte son village natal, avec son frère Estevèl. La mort de leurs parents les contraint à s'installer dans un bidonville de Port-au-Prince, appelé Paradi, parce sis au flanc d'une montagne et "[qu'il faut] cheminer vers le ciel pour y accéder" (p.47). Spoliés de leur héritage par un sénateur, "ce sénateur, responsable de la mort de mon père, était un voyou, présenté partout, par ces aberrations mentales dont nous étions coutumiers, comme un modèle de citoyen". (p.42) Les deux jeunes gens espèrent sortir de la misère, Estevèl en trouvant des petits boulots et en protégeant sa sœur, tel qu'il l'a promis à leur mère, et Hérodiane en étudiant.

Souvent, dans nos billets, nous parlons de livre fort, à raison, mais là, j'aimerais trouver un qualificatif autre, plus... fort. Quel livre ! Quels personnages ! Hérodiane et Estevèl forment une fratrie soudée. L'une est jolie, convoitée par les hommes, jalousée par les femmes, mais elle sait ce qu'elle veut, et surtout ce qu'elle ne veut pas. Mais quand elle rencontre son Prince Charmant aux yeux clairs, les barrières tombent. L'autre, le frère, est protecteur, attentif, fait preuve d'abnégation pour que sa soeur puisse vivre une vie de jeune fille.

Le contexte est terrible : la vie à Paradi, bidonville de Port-au-Prince où une jolie jeune fille est soit mariée, soit plus probablement, vit de ses charmes, certaines sont prostituées par leur propre famille dans le but de trouver un mari ou de rapporter l'argent qui fait vivre tout le monde.

Gary Victor, dans un style simple, direct et franc décrit sans détour le passage à la vie adulte des deux jeunes gens, la découverte de leur pays, de la pauvreté, de l'extrême dénuement des habitants des bidonvilles et de la vie facile des riches, qui s'enrichissent encore sur le dos des plus pauvres : Yvan, le Prince Charmant d'Hérodiane, héritier d'une des plus riches familles du pays lui raconte : "Paradi, c'est le nom qu'ont donné au bidonville ses premiers habitants. Mais le terrain sur la montagne nous appartient. Essaie de comprendre. Plus de mille habitations de fortune louées à l'année en moyenne à quinze mille gourdes, cela fait quinze millions de gourdes, soit trois cent soixante-quinze mille dollars américains environ chaque année sans redevance fiscale. Nous nous arrangeons pour faire croire que nos terres sont occupées illégalement et ainsi, nous gardons la possibilité de nous faire dédommager par le gouvernement. Nous plantons de la misère, nous cultivons de la misère et nous récoltons de l'or." (p.130)

Dès lors, comment croire à la possibilité des Haïtiens de se sortir de leur misère ? Ajoutez à ce constat, des catastrophes climatiques récurrentes, et la situation devient inextricable. Rodney Saint-Eloi, dans Haïti kenbe la ! dit que son peuple est fort, courageux et qu'il saura reconstruire son pays. C'est tout le mal qu'on lui souhaite, mais quel travail à faire !

Gangoueus, sur son blog écrit : "Le surnaturel n'est jamais absent des textes de Gary Victor. Ici, il prend une forme poétique rare incarnée par Estevèl." Je découvre pour ma part Gary Victor et cette dose de surnaturel rajoute du dépaysement venu tout droit des croyances haïtiennes.

Pour finir, je préfère vous prévenir que ce livre est formidable -il faudrait que je trouve mieux comme adjectif, plus fort, plus accrocheur- et que dès que vous l'aurez ouvert, il vous tardera de le finir. La plus belle preuve -en toute modestie bien sûr- serait que vous puissiez voir ma tête ce matin, après un coucher tardif pour absolument terminer Le sang et la mer (mais bon, là, je vais éviter, je ne suis pas forcément à mon avantage.)

Oh, j'allais oublier, ce livre a fait l'objet d'un partenariat B.O.B/Vents d'ailleurs. Merci, merci.

 

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Geluck se lâche

Publié le par Yv

Geluck se lâche, Philippe Geluck, Casterman, 2009

Sous-titré : "Textes et dessins impolis", ce livre porte bien son nom. Contrairement aux livres concernant le héros fétiche de l'auteur, Le Chat, cet ouvrage est plein de textes. Quelques dessins, pas toujours bien pensants voire franchement politiquement incorrects et tellement drôles. J'avoue un penchant -très honorable- très fort vers Geluck et son chat : j'ai tous les exemplaires dans ma bibliothèque et j'adore les rouvrir de temps en temps.

En lisant ce dernier livre, je ne suis pas vraiment surpris du ton général, parce que Le Chat est parfois méchant, parfois dérangeant et met le doigt là où ce n'est pas toujours bon de le mettre.

Dans Geluck se lâche, ce qui peut surprendre, c'est la succession des vacheries et autres méchancetés, mais que "c'est bon de rire parfois",comme disaient Les Nuls. Enchaînant anachronismes, détournements, réécritures de grands textes, métaphores, néologismes, horreurs, loufoqueries, "absurderies", extravagances, inventions, bizarreries, Geluck écrit des textes drôles, absurdes juste comme j'aime : "Mettons-nous quelques instants à la place d'un glaçon dans le congélateur (en n'oubliant pas d'enfiler un bon pull pour ne pas attraper froid, ah ! ah ! ah !). C'est quoi, la vie d'un glaçon ? Durant toute la gestation, c'est-à-dire depuis la conception (l'instant où le papa-robinet féconde la maman-moule-à-glaçons en la remplissant d'eau) jusqu'à la naissance (le moment où le volume d'eau froide devient glace), le glaçon aura sans doute vécu la plus belle partie de son existence."(p.51) Je vous conseille d'ailleurs la lecture de cette histoire absurdo-comique du glaçon jusqu'à sa fin : "Il [le glaçon] s'endort et se dilue, un peu pété, en voyant défiler toute sa vie, c'est-à-dire surtout de l'obscurité avant d'y plonger définitivement."

Dans d'autres textes, il aborde des thèmes plus actuels, tragiques et réels, mais toujours par l'angle de l'humour, par exemple lorsqu'il parle du traitement médiatique des morts plus ou moins important selon qu'ils sont riches ou pauvres, jeunes ou vieux, connus ou inconnus : "Mais tous les vieux qui sont morts depuis [la canicule], ça n'intéresse plus vraiment. Sauf s'ils étaient connus. Aaaaah, là, je ne dis pas ! Du vieux qui décède à Monaco ou à Rome, ça c'est intéressant ! Ça madame, ça se trouve tout en haut du classement. C'est de l'occidental, du très connu et du très vieux et ça mérite qu'on s'en gave. Mais de l'enfant esclave en Amérique du Sud ou en Asie de Sud-Est, ça vit et ça meurt sans que ça nous concerne vraiment. Le jeune bougnoule de là-bas ne fait pas le poids face au people bien gras d'ici. Que voulez-vous, c'est la loi des médias." (p.111)

Et puis, au milieu de toutes ses bétises, Geluck glisse un petit texte, une parabole racontée par un vieux Chinois, racontant qu'une année est comme un mur que l'on monte, même si l'on y met des fenêtres, on ne pourra plus le franchir pour revenir en arrière : on pourra éventuellement  regarder son passé, mais le plus important est de penser au prochain mur, celui que l'on commence le 1er janvier à 00h01 et qui nous permettra d'avancer.

Qu'on se le dise, Geluck a des talents multiples et n'est pas un gentil, un béni-oui-oui, un dessinateur mièvre !

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Des hommes et des dieux

Publié le par Yv

Des hommes et des dieux, Xavier Beauvois, 2010

Adaptation libre de l'histoire des moines de Tibéhirine, en Algérie, enlevés et tués, probablement par le Groupe Islamiste Armé, qui dans les années 1990 (pour eux, ce fut en 1996) semait la terreur dans la population algérienne, égorgeant, apeurant Algériens et étrangers.

Film coup de cœur pour certains. Chef d'oeuvre pour d'autres. Une quasi unanimité pour ce film de Xavier Beauvois. Sauf pour moi ! Et oui, au risque de déplaire, j'ose dire que je n'ai pas aimé ce film. Très lent. Trop lent. J'ai failli sortir de la salle avant la fin de la première partie. (Bon, je dois dire aussi que la salle de mon petit cinéma de quartier était pleine et que ma voisine s'était aspergée d'un parfum lourd, capiteux et très gênant pour mon odorat fin !) Et puis, la seconde partie est un peu mieux. Mais malgré ce qu'en j'avais lu et ce qu'on m'en avait dit, c'est un film trop centré sur la religion et pas assez sur les rapports entre les moines et les habitants du village. Beaucoup de questions sont abordées : l'engagement dans la religion, jusqu'où peut aller un moine sans se renier ? Le martyr est-il nécessaire et important ? Si oui, dans quel but : pour les moines eux-mêmes, pour un "coup de pub" pour la religion ou pour défendre les plus malheureux ?

J'eusse préféré qu'au premier plan ces moines se préoccupassent beaucoup plus du sort des Algériens du village et qu'ensuite arrivassent  leurs questionnements certes légitimes, mais qui à mon sens prennent une trop grande importance dans le film.

Mention très bien quand même aux acteurs, tous très bons -même si Lambert Wilson en fait un peu trop-, Michael Lonsdale, parfait en médecin, profond et malicieux et Olivier Rabourdin, excellent en moine qui doute.

En résumé, pour moi, pas assez d'humanité et de fraternité entre les moines et les villageois et trop d'émotion facile ; pas assez de vivre ensemble et trop d'interrogations nombrilistes.

La scène de trop : pour moi, il y en a beaucoup, notamment les prières, les messes fort abondantes, mais le summum du ridicule est atteint lorsque Xavier Beauvois filme les 9 moines en gros plan, puis très gros plan, lors de ce qu'ils savent être leur dernier repas ; le vin qu'ils ne boivent pas d'habitude est apporté par Frère Luc et, sur Le lac des Cygnes de Tchaïkovsky, ils dînent en riant et pleurant : la Cène. Gros et inutile.

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Le tueur en pantoufles

Publié le par Yv

Le tueur en pantoufles, Frédéric Dard, Ed. S.E.P.O, 1951, (Fayard, 2003, et Points, 2008)

Jango est un tueur qui mène une petite vie tranquille entre sa mère, bonne-maman, et son jeune fils, Zizi. Il a sa méthode : une piqûre dans la nuque, et hop le corps est plongé dans une cuve d'acide. Sa "rabatteuse" est Barbara, prostituée et de temps en temps petite amie. Il vit bien de son commerce, ne demande pas trop cher, pour s'adapter aux moins riches. Jusqu'au moment ou Maurice, un jeune homme, lui demande de supprimer son oncle, un colonel à la retraite.

Polar qui fleure bon les années cinquante,  le Paris des truands sympathiques avec un code d'honneur. Contrairement aux San-Antonio, la langue est classique, sans effet argotique ou mots triturés. Frédéric Dard rend son récit drôle plus par les situations que par des bons mots. On ne peut s'empêcher, en lisant ce livre de penser aux films de truands des mêmes années cinquante, ou même d'en voir des images défiler : les rues de Paris, les flics faisant copains-copains avec les bandits d'honneur et méprisant les tueurs gratuits, les terrasses des cafés, ...

Barbara est une prostituée au grand coeur, aux clients sélectionnés qui s'attachent à elle et auxquels elle s'attache. Jango est un tueur menant une vie de banlieusard tranquille, sa bonne-maman lui mitonnant de bons petits plats, dont la blanquette, comme la Félicie de San-A. Il ne se sent pas du tout un assassin, et, lorsque Barbara lui propose d'éliminer un gêneur qui pourrait lui causer du tort, il refuse catégoriquement, un brin offusqué, puisque personne ne le paie pour cela. C'est un artisan du crime.

Un petit plus de l'intrigue est d'y inclure une mini dose de para-normal, en la présence du fantôme ou de l'esprit du colonel : assez en avance lorsque l'on sait que c'est désormais chose courante chez des romanciers gros vendeurs que je ne citerai pas parce que je ne voudrais pas en oublier si je ne nomme que Didier Van Cauwelaert ou Marc Lévy !

Voilà, voilà, voilà ! En ai-je dit assez ? Ah non, si Daniel Fattore, m'y autorise, je mets son "label" : http://storage.canalblog.com/48/04/583285/48240345.jpg et j'offre donc là mon second roman de Frédéric Dard à son défi San-A 2010 !

Je vous souhaite une bonne lecture de ce petit roman qui s'intercalera très bien entre deux lectures plus conséquentes, ce qui fut mon cas et qui m'a permis de m'alléger un peu l'esprit.

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