Juste pour le plaisir, Mercedès Deambrosis, Buchet-Chastel, 2009 Ce roman est très confus. Beaucoup de personnages interviennent dès le début du livre, à différentes dates et différents lieux, sans qu'on ait beaucoup de repères pour savoir qui est qui. Je n'ai rien contre cette structure de roman, sachant que toutes ces histoires doivent se rejoindre à un moment, mais ici, page 200, on n'en sait toujours guère plus qu'au départ et ça devient long et lassant. Ajoutez à cela une certaine platitude de l'écriture et vous comprendrez, je l'espère, mon abandon de lecture aux alentours de la page 220, sur un livre qui en compte environ 500. Le même roman, en plus condensé, m'eut agréé davantage.
Prenez l'avion, Denis Lachaud, Actes Sud, 2009 Un avion s'écrase. Sortent de la carlingue éventrée, Lindsay et Emmanuel tous deux blessés, seuls survivants sur les 351 personnes embarquées, ne se connaissant pas. Secourus, il seront rapatriés, Emmanuel, dans le comas, à Paris et Lindsay, à Cardiff. Les souvenirs de l'accident et les images des corps mutilés l'assaillant, Lindsay décide de partir à la rencontre d'Emmanuel le considérant comme le seul homme à aimer, désormais. Roman intéressant et original dans le fond et la forme. Souvent, dans les romans, on suit deux personnages parallèlement jusqu'à leur rencontre. Ici, l'auteur commence par la rencontre, puis par flash-backs, nous dresse les portraits de ses héros. Lindsay, sympathique, volontaire et opiniâtre va tout faire pour revoir Emmanuel, pour surmonter sa peur liée à l'accident, pour se reconstruire, pour aimer et se faire aimer. Le doute quant au sexe de Lindsay m'a titillé jusqu'à la fin du livre. J'ai d'abord cru que c'était un garçon, puis, j'ai cru que c'était une fille. Enfin, au final -merci In Cold Blog pour ta remarque-, je ne sais plus quoi penser à ce sujet, mais ce n'est finalement pas le plus important, ça reste une histoire d'amour originale et plaisante à lire. Le style est fluide, très agréable à lire, et l'histoire et les personnages nous tiennent jusqu'à la fin -j'ai senti un "p'tit coup de mou" aux deux tiers du bouquin, largement contrebalancé par les qualités évidentes de ce roman.
Jeu, set et match, Jean-Pierre Brouillaud, Buchet-Chastel, 2009 Fan de Guillermo Vilas, célèbre joueur de tennis argentin des années 80, le narrateur se lance dans une collection concernant son idole. L'arrivée d'Internet chez lui, lui ouvre des perspectives jusqu'ici inespérées. D'abord modérée, sa fièvre d'acquisition de revues, vidéos ou objets ayant appartenu à Vilas monte sérieusement jusqu'à l'isoler des siens et du monde. Premier roman très documenté sur le tennis et sur Vilas en particulier. On assiste à la montée de la folie chez ce collectionneur, à son isolement affectif et social. Intéressant même si prévisible. Pas exceptionnel, mais pas désagréable, même pour les non-initiés au tennis, dont je fais partie. Rapide à lire -quelques heures d'insomnie cette nuit. A noter une belle couverture couleur court de tennis en terre battue côtés extérieurs et couleur vert Rolland Garros côtés intérieurs.
Une femme sans qualités, Virginie Mouzat, Albin Michel, 2009 Le livre est une lettre qu'une femme écrit, pour se raconter, à un homme qu'elle vient de rencontrer. Cette femme est stérile, sans ovaires et avec un utérus d'une jeune fille de douze ans. Elle est belle, attire les hommes, mais ne ressens rien, ni dans leurs bras ni dans leurs lits. C'est un roman direct, percutant. Une femme "différente" se raconte. Sans tabous. Sans rien omettre. J'aime beaucoup l'écriture de Virginie Mouzat, directe, franche, crue parfois. Je suis plutôt tenté par son histoire et les personnages qu'elle décrit. Et pourtant, je ne sais pourquoi, à part quelques passages que je peux qualifier de passionnants voire géniaux, je suis resté en dehors. Un peu comme la narratrice qui reste absente de sa vie et de celle des autres, je suis resté en survol de ce livre malgré les évidentes qualités qu'il recèle. Le côté répétitif et larmoyant -si, si, ne serait-ce que le titre du livre- de l'explication de l'origine du mal être de cette femme m'a un peu agacé. Régulièrement, l'auteure nous ré-explique que le malheur de la narratrice est dû à sa "différence". Le récit aurait pu gagner en profondeur et en légèreté avec plus d'allusions et moins de rappels.
Le capitaine et l'ennemi, Graham Greene, Robert Laffont, 1989 Un garçon d'une douzaine d'années, pensionnaire en Angleterre, est "gagné" au Backgammon par un personnage étrange qui se fait appeler Le Capitaine. Il l'emmène chez Liza, qu'il lui demande d'appeler "mère". On comprend que cette jeune femme, stérile et en mal d'enfant est la compagne épisodique du Capitaine. Épisodique, car celui-ci est toujours par monts et par vaux, pour gagner quelques sous. Escroc ? Bandit ? Grand voyageur ? Le narrateur est ce jeune garçon, dix ans plus tard, qui raconte donc son histoire, ayant quitté et Liza et le Capitaine. Voilà une histoire originale, étrange et tellement bien racontée. La quatrième de couverture parle de ce roman de Graham Greene -son dernier, il est décédé en 1991- comme d'un testament, d'un prodigieux raconteur d'histoires. J'acquiesce et applaudis des deux mains. Je croyais avoir déjà lu un ouvrage de cet auteur, mais aucun de ses titres ne me rappelle quoi que ce soit. Maintenant, cette erreur est réparée et je pense même sérieusement à continuer à combler mes lacunes greeniennes. Merci à Sébastien de m'avoir envoyé ce livre pour avoir participé au concours organisé pour l'anniversaire de son blog.
L'assassinat, Christophe Dufossé, Buchet-Chastel, 2009 Un jour d'inauguration d'un salon par le Président, un homme, anonyme, attend, un colt dans la poche. Il veut tuer le Président. Ce livre est le compte à rebours de l'heure qui précède son geste. Pendant cette heure, l'homme passe en revue très rapidement sa vie avec sa femme et sa fille, son travail et les raisons de son acte. Certes, ce roman, n'est pas situé, ni dans le temps, ni géographiquement. Certes, il montre un régime et un Président excessifs par rapport aux nôtres, mais tous les ingrédients sont là pour une comparaison évidente et certainement voulue avec ce qui se passe en France depuis 2007 : la crise, le chômage, le surendettement, le pouvoir d'achat en baisse, les bénéfices des actionnaires en hausse , le côté clinquant -ou bling-bling- du président. Ce livre se veut l'écho de ce qui peut se dire et se ressentir par les déçus de l'action politique de notre gouvernement. Car, de mémoire, et sans connotation politique de ma part (analyses politiques lues et entendues régulièrement depuis quelques temps), jamais président n'a autant déçu -pas même F. Mitterrand, malgré les énormes attentes suscitées par son élection-, n'a engendré autant de malaise et de sentiment d'injustice. Livre politique, intéressant, mais qui restera probablement anecdotique. Pour ma part, je reste un peu sur ma faim, car le personnage de l'homme qui en veut à la vie du Président est trop peu fouillé. On peut comprendre les raisons de son acte, mais j'aurais préféré une description plus dense de cet homme.
La maison des lumières, Didier Van Cauwelaert, Albin Michel, 2009 "Jérémie Rex, boulanger à Arcachon est entré dans un tableau de Magritte. Là, il a retrouvé pendant quatre minutes trente la femme de sa vie, au temps où elle l'aimait encore." Reprenant connaissance, sa seule envie est de retourner dans ce tableau, pour "recréer le bonheur". Il y a très longtemps que je n'avais pas lu de livre de Didier Van Cauwelaert. J'en avais gardé le souvenir d'un livre flirtant avec le surnaturel, l'expérience extra-corporelle. Et bien, dans celui-ci, c'est pareil. Oserais-je dire que c'est le fond de commerce de l'auteur ? Pour ce que j'en connais, oui ! Malgré tout, cette histoire n'est pas déplaisante, loin de là. L'idée d'entrer dans un tableau, d'y trouver des réponses à ses questionnements est plutôt bien vue. Pour qui ne lit pas Van Cauwelaert tous les jours -comme moi-, je trouve que c'est une lecture distrayante et bien menée -j'avoue même avoir eu une forte envie d'arriver au bout. Las, c'est dit ! Finalement, parti avec un léger a priori, je ressors de cette lecture plutôt satisfait, pas enthousiaste, mais ça m'a bien plu.
A l'angle du renard, Fabienne Juhel Ed. Le Rouergue, 2009 Paysan breton, Arsène Le Rigoleur vit seul dans sa ferme, héritée de ses parents. Viennent s'installer en face de chez lui, des citadins, les Maffart, avec leurs deux enfants, Juliette et Louis. Arrivée propice à l'émergence de souvenirs pour Arsène. Tout tourne autour du renard, animal symbolique, de la famille Le Rigoleur et de la ferme, leur tanière. Fabienne Juhel utilise "un parler populaire, plein de verdeur, ironique et violent" (4ème de couverture). Son roman, construit comme une succession de souvenirs -jamais banals, toujours forts et parfois violents- d'un paysan breton est surprenant, empreint des mystères et croyances tournant autour des renards - chaque titre de chapitre contient ce mot, renard ou un synonyme. C'est assez difficilement résumable. J'en ressors avec la sensation d'avoir lu un livre original, très bien mené de bout en bout. Ce n'est pas un polar, les secrets se dévoilent tout au long de l'histoire et on a hâte d'en connaître l'issue. Une belle découverte. La 4ème de couverture se finit par : "La singularité de Fabienne Juhel a été remarquée dans ses précédents livres" . Ses précédents livres, je ne les connais pas, mais j'adhère au propos pour celui-ci.
Avec tes mains, Ahmed Kalouaz, Ed. Le Rouergue, 2009 Ahmed Kalouaz retrace la vie de son père, Abd el-Kader, né en Algérie aux alentours de 1917, combattant de la seconde guerre mondiale en France et de retour dans ce pays, en 1952 pour y travailler. Il y restera jusqu'à sa mort. Il lui rend hommage à travers ce petit livre. Une belle écriture que l'on sent parfois pleine de ressentiments envers l'accueil que la France a fait à ces étrangers, et qu'elle continue de faire de nos jours. Ce récit explore les relations père-fils de la même manière que n'importe quel exercice de ce style, si courant chez les écrivains : l'absence de tendresse physique courante pour les gens de cette génération, beaucoup de non-dits, de moments passés et vécus intensément bien qu'il ne s'y soit rien déroulé d'exceptionnel, regrets de fils de n'avoir pas parlé plus avec son père -et regrets éventuels du papa. Mais dans ce livre, en plus de tout cela, on y trouve toute la difficulté pour un Algérien de s'installer en France, d'y faire venir sa famille dans les années 50 -rare à cette époque où l'on ne parlait pas encore de rapprochement familial-, de traverser la guerre d'Algérie, les années 80 et la montée du racisme et de la xénophobie -cf. la montée en puissance du Front National-, l'inévitable installation dans une cité et l'arrivée des prêcheurs islamistes dans celle-ci. Ahmed Kalouaz écrit et dénonce tout cela avec force, rage et pudeur. Il évoque tout cela, n'occulte rien ni les bons moments passés avec son père, ni les mauvais côtés de celui-ci, ce qui les rend tous les deux profondément humains et proches de nous.