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Zao, un mari

Publié le par Yv

Zao, un mari, Myriam Dao, Des femmes-Antoinette Fouque, 2023

En Indochine, dans les années 40, une jeune femme française, lycéenne, fréquente un indigène, plus âgé qu'elle, riche. Elle est enceinte. Leurs parents les marient et les envoient à Paris pour que la honte d'une telle mésalliance qui ne prend pas la même forme des deux côtés, ne rejaillisse par sur eux.

A Paris, Zao, le mari, est confronté au racisme qui augmente encore au moment de la guerre d'indépendance de la colonie française. Et sa jeune femme qui pensait mener une vie libre et socialement reconnue, se retrouve bloquée à domicile, à élever leur fille, en proie à la misogynie de Zao. Le couple va mal.

Très court texte de Myriam Dao qui réussit l'exploit dans ces très belles 145 pages de parler du racisme, de la misogynie, d'un couple qui s'étiole, de la différence de classe sociale, de la difficulté d'être une femme dans les années 50 lorsqu'on ne peut travailler et dépenser de l'argent qu'avec l'accord de son mari, du lien marital difficile à rompre, de la difficulté d'être un immigré qualifié lorsque les Français ne voient que l'immigré donc nécessairement un tâcheron. "A mesure que Zao traçait sa misérable trajectoire, assujetti, pour ne pas dire aliéné, à des industries automobiles ou textiles ayant grassement tiré bénéfice du colonialisme par la production de caoutchouc ou du coton, son pays écrivait une nouvelle page d'histoire, celle de l'indépendance. L'ironie de la situation lui laissait un goût amer. Se retrouver larbin dans des usines qui avaient exploité sa terre natale." (p.57)

Myriam Dao va au plus court, au plus direct sans s'étendre sur des détails superflus. A coups d'anecdotes, de faits, de mots que les époux s'écrivent après une dispute, de descriptions de photos au fil des années, le lecteur reconstruit la vie du couple et bientôt de la famille, le lent effritement, puis l’inexorable éloignement des deux conjoints voire la détestation. Et tour à tour, on peut trouver la femme injuste quand elle ne soutient pas son mari attaqué pour ses origines ethniques et penser que Zao est dur, misogyne lorsqu'il l'empêche de sortir. Aucun des deux n'est blanc ou noir.

Myriam Dao élague, épure son texte duquel émane une poésie et une grâce certaines. Un premier roman très réussi, très beau, très juste.

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A
Merci pour cette mise en lumière, je note.
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Y
ça devrait te plaire
M
Des sujets qui m'interpellent vraiment et tu me donnes envie de découvrir très vite ce roman. Merci
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Y
il le mérite, il est très bon
L
Tout ce qui est évoqué dans ce billet sonne tres juste et donne envie de lire ce livre
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Y
merci, c'est un livre très beau et malheureusement réaliste