Le guerrier solitaire
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Le guerrier solitaire, Henning Mankell, Seuil, 1999 (traduit par Christofer Bjurström)
En plein été caniculaire de 1994, alors que Kurt Wallander espère profiter de se dernière semaine de travail avant ses vacances pour expédier les affaires courantes, il est appelé parce qu'une jeune fille erre dans un champ de colza depuis plusieurs heures. Alors qu'il tente de s'approcher d'elle, elle s'immole par le feu.
Le lendemain, c'est un ancien ministre de la justice qui est retrouvé assassiné et scalpé, un homme retiré de la vie publique depuis deux décennies. Kurt Wallander sent que c'est un meurtre qui en appelle d'autres. Une course contre la montre macabre démarre dans la ville d'Ystad.
Cinquième tome des enquêtes de Kurt Wallander et, étrangement, deuxième titre traduit et paru en français. Passionnant et haletant, on comprend encore mieux le fonctionnement du flic, ses questionnements incessants :"Chaque pas impliquait un risque, une nouvelle position, une discussion avec lui-même sur une idée qu'il venait d'avoir. Il se déplaçait autant dans sa tête que sur le lieu du crime." (p.399) Il fonce sur une piste, et dirige ses collègues sur d'autres, n'en négligeant aucune, chaque détail compte et comptera au final : "En fin de compte, se dit-il, le travail de policier consiste à ne jamais abandonner avant qu'un détail important ne se trouve confirmé sur un morceau de papier." (p.448). 550 pages de tâtonnements, de recherches laborieuses et minutieuses, de réflexions, d'hypothèses et finalement une évidence qui survient après que tout le reste a été écarté. 550 pages de travail acharné, car lorsqu'il est dans ce genre d'enquêtes Kurt ne dort qu'à peine, mange à la va-vite et ne sait rien faire d'autre que de travailler. L'enquête et ses intervenants sont à l'intérieur de lui.
Et dans ces pages, Henning Mankell n'oublie jamais de raconter l'homme Kurt, celui qui tente de préserver sa relation avec Baiba même si leurs vacances ensemble semblent compromises ; celui qui voit son père vieillir et avec lequel les relations restent difficiles et celui qui apprécie retrouver une certaine complicité avec sa fille Linda.
De même, Henning Mankell parle de la société suédoise qui change, de la violence qui augmente ou qui s'intensifie et de ce pays longtemps considéré comme un modèle qui n'en a plus la stature. Le monde change, la Suède aussi.
La force des romans policiers de Mankell tient à ce mélange : un constat sociétal et social, des meurtres et des situations violents, des intrigues ficelées et déficelées magistralement et des flics réalistes avec Kurt en tête qui font ce qu'ils peuvent pour endiguer la violence.