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Le pèlerinage

Publié le par Yv

Le pèlerinage, Tiit Aleksejev, Intervalles, 2018 (traduit par Jean Pascal Ollivry).....

An de Grâce 1148, un vieux jardinier d'un couvent près de Montpellier raconte sa jeunesse et son départ pour Jérusalem, pour la première croisade voulue par le pape Urbain II. Tout jeune homme ignorant du maniement des armes, il se lie d'amitié avec un soldat aguerri, Dieter qui lui apprend les bases. 

Mais le jeune homme, malgré une bravoure récompensée, se pose des questions, ne se sent pas très fier de ses actions pourtant audacieuses. Dans ce monde viril, il tente de se rapprocher de Maria de Toulouse, la femme de feu son seigneur dont il est tombé amoureux, des mois auparavant lorsqu'il était chargé du service des vins à sa table.

Vous voulez du roman historique ? Ne cherchez plus, j'ai ce qu'il vous faut. Absolument génial, ce roman, écrit en 2010 par Tiit Aleksejev, écrivain estonien, est récompensé la même année par le prix de l'Union Européenne. Le travail est minutieux, documenté et extrêmement bien rendu, entre la réalité de la première croisade menée par Raymond de Saint-Gilles et son armée de Provençaux, et les personnages fictionnels dont le narrateur. Il y en a pour tous les goûts : de l'aventure, des actions d'éclat, des batailles, mais aussi de grands questionnements sur le bien-fondé d'une telle entreprise, sur la loyauté, sur l'amour, la mort, la liberté de penser, de croire et de pratiquer. Autant dire que bien que se déroulant au Moyen-Age, ce roman est d'une actualité brûlante. 

Tout au long de cette histoire, je n'ai pu m'empêcher de penser à l'intolérance des uns et des autres, à cette absurdité -à mes yeux- qu'est la religion qui pousse des hommes aux actes les plus insensés, les plus fous, et les plus meurtriers, toujours au nom de l'amour d'un dieu ; il y a là une contradiction terrible née d'on ne sait quel cerveau malade et qui perdure. 

Tiit Aleksejev raconte son histoire et l'Histoire sans diriger la pensée du lecteur, il l'aide à se poser des questions, à réfléchir. Son roman est passionnant parce que le contexte l'est bien sûr, mais aussi parce qu'il y introduit des personnages forts et en plein doute. Ils sont forts, car ils combattent dans des conditions effroyables des ennemis aussi violents qu'eux, et que le choix n'a pas lieu d'être : on tue ou on est tué. Ils doutent, notamment le jardinier-narrateur, parce qu'il est amoureux, parce que croyant il ne sait plus trop bien ou est la vérité et qui sont les infidèles, ses rencontres le font douter encore plus, même s'il continue de combattre loyalement aux côtés de son maître et seigneur. Il découvre également l'amitié virile, celle qui lie les hommes à mort dans des conditions de guerre et qui oblige à la confiance aveugle.

Un roman construit en courts paragraphes qui permettent des pauses fréquentes si besoin, car il est dense, se lit lentement pour s'en imprégner totalement. Admirablement traduite, la langue est belle et fluide, d'accès simple. J'adore ce genre de livres qui s'inscrivant dans une époque donnée, nous en apprennent beaucoup et dans un plaisir de lecture qui ne s'émousse pas du début à la fin. 

Admirable, inratable.

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T
Bien senti . Ce roman est envoûtant , j' ai hâte de disposer d' un peu de temps pour le retrouver .
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Y
il y a effectivement quelque choses de l'envoûtement
A
Admirable et inratable, rien que ça ?!
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Y
pas plus mais pas moins
M
Un roman qui me tente beaucoup et que tu nous présentes admirablement bien ! Merci
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Y
Franchement, excellent !
M
Des chrétiens du moyen-âge avaient su critiquer les croisades. Voir à Martin Aurell sur mon blog.
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Y
Oui, j'imagine bien que Tiit Alksejev n'est pas le premier à en faire part
M
Enfin, une histoire de croisades avec un héros qui doite de ses actions ! J’avoue que c’est bien la première fois que je vois ce genre de roman qui ne glorifie pas l’action et les exploits menés au nom d’un dieu. Et ta critique, pleine de passion, donne encore plus envie de découvrir ce roman. Merci !
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Y
C'est un excellent roman et s'il avait été trop "catho" je n'aurais pas apprécié, mon athéisme bouffeur de curé aurait pris le dessus.