188 mètres sous Berlin

188 mètres sous Berlin, Magdalena Parys, Agullo, 2017 (traduit par Margot Carlier et Caroline Raszka-Dewez).....
Année 2000, Berlin, Klaus, qui a aidé beaucoup de personnes à passer de l'est à l'ouest avant la chute du mur est assassiné. Dix années plus tard, Peter, l'un de ses amis tente de comprendre les raisons de ce meurtre. Tous les deux étaient dans l'équipe qui, en 1980, a creusé un tunnel de 188 mètres de long sous Berlin. Peter est persuadé que le meurtre de Klaus est en rapport avec le tunnel. Alors, un à un, il rencontre les acteurs de l'époque, ceux qui ont aidé à creuser et tous ceux qui étaient dans le secret.
Peter sert de fil rouge à cette histoire, c'est lui qui relie les différents témoignages, c'est par lui que le lecteur comprendra cette histoire rocambolesque. C'est un roman choral fort bien mené. J'aime beaucoup la manière dont tous les intervenants sont liés entre eux, pas seulement par le tunnel mais aussi par d'autres liens, familiaux, amicaux, amoureux, d'affaires, d'espionnage, de chantage, ... Parfois certains liens sont connus de tous, d'autres fois uniquement de certains qui se gardent bien de les divulguer, même les relations les plus intimes. Magdalena Parys tricote un roman dans lequel elle fait avancer ses lecteurs à petits pas. Ligne après ligne ou rang après rang si l'on veut rester dans le tricot, ils découvrent la vérité sur tel ou tel point, et toujours en recoupant les informations de plusieurs témoins. Le procédé m'a plu. L'histoire itou. Et le contexte pareillement : Berlin et plus largement, l'Europe de l'est de la seconde guerre mondiale à nos jours. La guerre, je l'ai souvent lue, mais vue à travers nos yeux de "vainqueurs" et/ou d'occupés, plus rarement il m'a été donné de lire à travers les yeux de ceux qui, peu après avoir été occupés par les nazis seront sous le joug de l'URSS, et ce point de vue est passionnant, il permet de regarder cette période sous un autre angle. C'est aussi le roman de l'émigration forte à cette époque pour fuir les différents régimes totalitaires, notamment les gens qui fuient la Pologne et ceux qui tentent de fuit la RDA.
En plus de tout cela, Magdalena Parys fait intervenir pas mal de personnages, tous très particuliers, tous très bien décrits. Ils révéleront dans les difficultés leurs caractères, pas toujours pour le meilleur. Ils sont attachants ou franchement antipathiques, courageux ou veules, des faquins ou des généreux, des altruistes, des combattants d'une cause, la liberté, ou des combattants d'une cause inverse travaillant pour la Stasi... La galerie est vaste, sept narrateurs (cinq hommes et deux femmes) qui vont raconter leur vision de ces années-là. Cela peut paraître beaucoup de personnages pour un seul roman, car il faut ajouter en plus ceux qui n'interviennent pas comme témoins mais qui sont cités. En fait, tout va bien. Moi qui n'aime pas les romans avec de multiples entrées où les nombreux personnages vont et viennent, je ne me suis pas perdu (bon, un peu parfois parce que la romancière fait des allers-retours dans le temps, mais toujours un indice, un mot, une phrase m'a situé), chacun apparaît et est bien décrit et identifiable, aucune confusion ou arrachage de cheveux de ma part (et c'est mieux, parce que, c'est une denrée qui se raréfie).
Je me suis régalé avec ce roman des éditions Agullo, qui, encore une fois ont fait un choix judicieux, audacieux et excellent. Magdalena Parys, polonaise qui vit en Allemagne a écrit ce roman en 2011 et c'était son premier.