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La mort embrasse mal

Publié le par Yv

La mort embrasse mal, Philippe Vourch, Lunatique, 2016.....

Quentin, onze ou douze ans, passe l'été après la fin de l'école élémentaire avec ses copains Anton, Yan et Alban à faire des courses à vélo, à chasser les lézards, à embêter le vieux qui passe ses journées dans son jardin, ... Mais cet été-là, sur sa fin, lui réservera des surprises. D'abord le vieux vient demander des comptes aux parents de Quentin et la punition ne sera peut-être pas si terrible que cela. Et surtout, la rentrée en sixième et le croisement du regard d'une jeune fille dans le car, puis cette jeune fille qui s'assoit à côté de lui en classe et dont il tombe amoureux. Elle s'appelle Lilly, lui annonce qu'elle a une leucémie et qu'elle sera morte avant la fin de l'année.

Philippe Vourch m'avait déjà charmé avec Les genoux écorchés. Il récidive avec ce récit de la pré-adolescence et de la confrontation avec le monde des adultes jusqu'ici un peu éloigné des préoccupations de Quentin. C'est Quentin devenu adulte qui raconte cette année de sa vie, dans les images qu'il évoque, on sent une enfance dans les années d'avant les technologies actuelles qui briment les inventions et créations d'activités entre copains. Courses et balades à vélo, après-midis à la plage, concours de plongée, de vitesse, surtout pas de fille, sauf Framboise, une des gens du voyage installés dans un terrain abandonné et avec qui les gars passent du temps allongés sur une carcasse de voiture à rêver et raconter des histoires (les quatre garçons qui aimeraient bien voir les seins de Framboise, étonnamment développés à douze ans). Aussi lorsque Lilly débarque et que Quentin veut passer du temps avec elle, Alban,Yan et surtout Anton ne sont pas ravis. Ils s'éloignent. La vie de Quentin bascule alors dans le monde des adultes entre la maladie de Lilly, la perte de l'amitié de ses copains, ses parents qui s'engueulent -il est question de chômage, d'alcool.

Philippe Vourch a le talent de ne pas infantiliser son texte puisque Quentin se raconte des années après, l'écueil de la facilité et des grosses ficelles du roman du point de vue de l'enfant est donc évité. C'est avec beaucoup d'humour, de tendresse, d'amour, d'émotion et de drôlerie que le romancier parle d'enfance. Beaucoup de pudeur également même s'il va au plus court, sans artifice, sa langue est directe et n'use pas d'images abstruses ou de tournures de style absconses pour parler des sentiments et de la difficulté à les exprimer -sans doute plus pour nous les garçons. Il y a le père trop absent mais à la présence rassurante et fortifiante, la mère sur qui Quentin est sûr de pouvoir compter, le vieux et la vieille (Jean et Janine) qu'il apprend à connaître : le bougon au grand cœur et la bonté incarnée, et Lilly avec qui il ne sait pas toujours comment se comporter : doit-il l'embrasser ? doit-il lui dire qu'il l'aime ? ... "Le lien qui s'est créé entre Lilly et moi est délicat, aussi délicat qu'un piaf encore aveugle, à peine sorti de sa coquille, qui tente de redresser une tête trop lourde. Je le considère fragile et précieux, et j'aimerais le cacher au fond de mes poches." (p.97/98) Des enfants touchants, des adultes qui essaient d'être au niveau de leurs fonctions parentales, mais ce n'est pas toujours aisé. L'amitié entre les quatre garçons est forte, mais résistera-t-elle à un amour naissant prometteur ? 

Un très beau texte qui saura toucher les plus durs d'entre nous et faire naître une ou plusieurs larmes aux plus émotifs et sensibles. Mais pour autant, il n'est pas triste et/ou plombant, au contraire c'est une très belle chronique de l'enfance délicieusement racontée avec tout ce que j'ai dit plus haut du talent de l'auteur, toujours juste.

Commenter cet article
L
Je vais avoir la bonne excuse de l'offrir à ma fille ;-)
Répondre
Y
Dis que c'est de ma faute, je prends sur moi... ;)
V
Le titre pourrait être assez glauque mais après avoir lu ton billet, je me dis qu'il est beau.
Répondre
Y
Oui le titre est beau et le livre aussi.