Un bruit étrange et beau

Un bruit étrange et beau, Zep, Rue de Sèvres, 2016.....
Don Marcus est chartreux depuis vingt-cinq ans. Une vie consacrée à la prière, au silence et à la solitude à la Chartreuse de La Valsainte. Jeune homme, sa vocation fut mal comprise par son entourage, par sa tante notamment qui ne l'a jamais acceptée. Lorsque celle-ci, très riche, décède, Don Marcus, William de son prénom de naissance, doit quitter le monastère pour Paris, pour assister à la lecture du testament, l'argent pouvant servir à la restauration du lieu dans lequel il vit depuis un quart de siècle. William sort alors de sa solitude et fait la connaissance dans le train de Méry, une jeune femme atteinte d'une maladie incurable.
Bande dessinée assez sobre en paroles évidemment, un peu moins lorsque Méry entre en scène. Elle plonge William, isolé depuis 25 ans dans le monde de 2016, futile, violent, abreuvé de nouvelles, d'images, de sons, de technologie. William détonne et surtout a du mal à s'adapter. Puis il réalise que tout ce qu'il tentait d'oublier revient à la surface. Vingt-cinq années d'oubli remises en cause par quelques jours entouré d'autres humains.
Le propos est profond sur la croyance, la foi, sur l'isolement, la solitude et le silence, mais aussi sur la difficulté de vivre avec une échéance fatale à court terme, sur les choix que l'on fait qui impliquent notre entourage. Parfois quelques phrases, des regards, des attitudes -même dessinés- en disent plus longs que de longs discours.
Zep est surtout connu pour Titeuf ou l'excellent Captain Biceps -que j'avoue préférer au gamin à mèche blonde-, des BD rapides, drôles, pleines de couleurs, de mots, de conneries parfois proches du troisième ou quatrième -voire pire- degré -j'adore. Son ouvrage précédent ici chroniqué était Une histoire d'hommes, déjà très différent de ses autres travaux. Il reprend ici le travail des couleurs : les cases brunes, les vertes, les bleues, les violettes, en fonction des lieux, de l'heure, des personnages, des dates... Certaines cases sont vraiment magnifiques, qui pourraient sans doute faire l'objet de sorties en grand format, seules. Tout cela donne un album très classe, sobre.
Une belle histoire avec des personnages forts, qui, dessinés, risquent de rester un moment en tête. Zep épure, je ne serais pas étonné qu'il se dirige lentement mais sûrement vers un ouvrage muet ou quasi muet -comme le fait admirablement son confrère Chabouté.
Rue de Sèvres enrichit son catalogue et Zep nous propose un très bel album, tout en nuances et finesse. A lire au calme, en prenant son temps pour en apprécier chaque détail.