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Pas trop saignant

Publié le par Yv

Pas trop saignant, Guillaume Siaudeau, Alma, 2016.....

Joe travaille aux abattoirs. Il doit aussi régulièrement se rendre à l'hôpital pour une perfusion qui lui permet de reculer les effets de sa maladie. Un matin, il décide de ne pas aller travailler. Il fauche une bétaillère avec six vaches, bien décidé à les sauver de la mort et à les emmener à la montagne. En chemin, il s'arrête prendre son seul ami, Sam, un jeune garçon placé chez un couple plus habile aux coups qu'aux câlins. Très vite l'alerte est donnée et les flics du coin se mettent à la recherche du camion et de ses occupants.

Court et beau roman. Beau autant dans l'histoire que dans la manière de la raconter. Guillaume Siaudeau use souvent d'images, fait appel à notre imagination :

"La perfusion est composée de plusieurs couches distinctes de liquide, chacune de couleur différente. Elle ressemble à un arc-en-ciel qu'on aurait mis à plat, et c'est au tour du liquide jaune de faire son job. Chaque couleur est censée soigner un symptôme spécifique, et le jaune a pour vertu de redonner un peu de moral aux troupes. Il faudra attendre la verte pour que le nœud dans l'estomac soit complètement défait, et la rose pour que les pulsions suicidaires s'éteignent complètement. Il restera enfin aux couleurs orange, bleue et mauve à s'occuper des dernières instabilités physiques et psychiques, jusqu'à la dernière goutte." (p.20)

Ces images, nombreuses, donnent une poésie certaine à ce roman, de la mélancolie et un soupçon d'irréalité dans une situation pourtant bien réelle. Tout au long du livre, on y croit, mais reste en nous la sensation que Joe peut vivre un rêve...

Construit en petits chapitres, plein de belles phrases que je ne peux citer ici, il serait fort dommage de les sortir du contexte du chapitre entier, on en perdrait le sel et la poésie, cet ouvrage est un délice, une douceur à déguster ; ça ne prendra pas trop de temps, puisqu'il ne fait que 133 pages, mais restera en vous un sentiment d'avoir lu un roman qui bouscule et émeut. Pourtant, rien de larmoyant, il est mélancolique et joyeux, triste et plein d'espoir, sans oublier un zeste d'humour, notamment lorsque Guillaume Siaudeau parle des forces de l'ordre : "Dix tasses de café vides attendent d'être remplies près d'un panier de croissants. Qui s'est déjà risqué à travailler le ventre vide sait que c'est une belle connerie. Un homme bien nourri en vaut deux. Certains même parviendront peut-être à décupler l'effet d'un croissant, jusqu'à valoir trois hommes. Tout ça n'est qu'histoire complexe de morphologie et d'absorption des sucres." (p.98)

Une très belle plume que celle de Guillaume Siaudeau, j'aime beaucoup son roman, le ton de son écriture qui use de poésie et de considérations on ne peut plus naturelles dans une même phrase, voire même met de la poésie dans ces considérations naturelles. Il a écrit deux autres romans chez le même éditeur, Alma, aux titres qui me laissent en penser le meilleur, mais que je n'ai pas lus : Tartes aux pommes et fin du monde (2013) et La dictature des ronces (2015).

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S
La citation page 98 me parait mathématiquement discutable. N'oublions pas que décupler, c'est multiplier paf 10
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Y
Alors là, bien joué, ça fait un an que l'article est en ligne et tu es la première à t'en rendre compte, moi-même, je n'avais pas remarqué la boulette
N
Peut-être l'occasion de découvrir enfin Guillaume Siaudeau dont je n'ai pas lu les autres titres ;-)
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Y
oui, comme pour moi
E
j'ai entendu du très bon sur la dictature des ronces. si je le croise à la BM (mais l'an prochain vu ma pàl)
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Y
l'an prochain ? ça approche...
K
Un auteur bien 'noté' sur les blogs. La tarte aux pommes est à la bibli.
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Y
Une très très belle découverte pour moi
A
Je l'ai acheté les yeux fermés et je vais le lire au plus vite. J'ai beaucoup aimé les deux premiers, avec une petite préférence pour "la dictature des ronces".
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Y
Je ne connais que celui-ci qui m'a ravi, je pense que je vais découvrir les autres