L'odeur du café

L'odeur du café, Dany Laferrière, Zulma, 2016 .....
Dans ce roman, écrit en 1991 et publié à Montréal, puis au Serpent à plumes, en France en 2001, et enfin en poche en cette année chez Zulma, Dany Laferrière raconte l'été de ses dix ans, lorsqu'il s'est retrouvé freiné dans ses ardeurs de jeune garçon par une maladie et les conseils du médecin de se reposer pendant plusieurs semaines. Au côté de Da, sa grand-mère, il observe alors ce qui se passe autour de chez lui, écoute les histoires qui se racontent et les conseils de Da. Il ne résiste néanmoins pas à l'appel des copains pour aller faire quelques bêtises dans les rues de la ville de Petit-Goâve ; la fine équipe n'est jamais méchante mais farceuse. Lorsque les journées sont longues, le jeune garçon se rappelle quelques journées passées, à l'école notamment.
Comme tout le monde, je croyais avoir lu un livre de Dany Laferrière, et, à ma grande surprise, à la lecture des titres de ses ouvrages, je me suis aperçu qu'il n'en était rien. Quelle erreur, surtout que ça fait plusieurs fois que je le vois à des émissions de télévision et qu'à chaque fois, malgré ma volonté de ne pas m'éterniser, eh bien, je l'écoute jusqu'à la fin. L'odeur du café est donc mon premier roman de l'auteur. Essai largement transformé, je me suis régalé à ce récit d'enfance. D'abord, j'ai beaucoup aimé la construction : de courts chapitres formés de courts paragraphes qui se parlent, se répondent sans se suivre obligatoirement, comme lorsque reviennent des souvenirs par bribes, et tous en même temps, ou l'un appelant le début d'un autre avant de revenir au premier, pour en raconter l'entièreté. Loin d'être déroutante, cette disposition dynamise la lecture et l'ancre dans l'enfance dans laquelle on peut passer d'une idée à l'autre sans transition.
Ensuite, l'écriture est un plaisir si évident qu'il paraît même superfétatoire de le signaler. Beaucoup de bonne humeur, d'humour (un peu de culture chrétienne sera nécessaire pour comprendre le dialogue suivant) :
"- Que font les poissons à midi ?
- C'est l'heure de manger.
- Pour les poissons aussi ?
- Pour tout le monde.
- Et qu'est-ce qu'ils mangent ?
- Du poisson, me dit Willy Bony
- Mais on n'est pas vendredi." (p.140)
Même les événement tristes ne sont pas racontés de manière plombante, mais comme des choses qui devaient arriver, des fatalités ; le narrateur ayant dix ans, son insouciance prime, et tant mieux. Il est aussi très à l'écoute des histoires de son pays, des légendes que lui raconte Da. Et puis Dany Laferrière joue avec les notions de vérité donnant à plusieurs reprises différentes versions d'un même fait, vues par différents protagonistes, et là, on s'aperçoit qu'effectivement chacun voit avec ses propres filtres et que la vérité n'est pas toujours telle qu'on la croit être. Habile, très habile et excellent raconteur d'histoire, Dany Laferrière nous embarque totalement dans un sourire permanent. Promis, je le relirai, d'ailleurs un autre titre m'attend...