Une vie entière

Une vie entière, Robert Seethaler, Éd. Sabine Wespieser, 2015 (traduit par Élisabeth Landes)....
Egger naît en Autriche vers 1898. Orphelin dès quatre ans, il est recueilli par un vague parent qui vit en montagne et qui le bat régulièrement le rendant boiteux encore enfant. Egger se construit seul, dans ce paysage aride qu'il aime tant. Un matin de février 1933, il descend la montagne avec un homme agonisant sur le dos. Pour se reposer de son effort, il s'arrête à l'auberge du village et Marie la nouvelle serveuse le frôle de son corsage. Une décharge électrique pour Egger qui courtisera Marie dans les us de l'époque et demandera sa main. Marié, Egger travaillera pour la société qui construit le "premier Téléphérique du massif des Dômes".
Une vie, tel aurait pu être également le titre de ce roman ou Une vie simple, tant il raconte celle d'un homme sans éducation, qui s'est construit seul, un homme ordinaire. Egger traverse les deux tiers du vingtième siècle, un peu comme un spectateur. Non pas qu'il fuie le progrès ou les avancées technologiques et sociales, mais ils ne le concernent que peu, isolé dans sa montagne ou dans la vallée. La télé, il n'en a pas l'envie ni les moyens. Le téléphérique, il aide à son implantation, mais ne le prendra quasiment jamais préférant de loin les marches sur les sentiers. La voiture, n'en parlons même pas, tout au plus le car, et encore, juste pour voir du paysage.
Un très beau roman qui m'a fait penser à ceux de Mario Rigoni Stern, écrivain italien des petites choses et des grands espaces montagneux. L'écriture est simple, épurée, et procure beaucoup d'attachement aux personnages et aux lieux. L'émotion est au rendez-vous, dans toutes les pages. Pas de mots superflus, pas de grandes théories. Tout est sobriété, calme et ascétisme. Le silence domine et la montagne l'impose. Egger est taiseux et ça fait un bien fou, un roman loin des tumultes, des cris et de la fureur.
Pas grand chose à dire de plus sur ce court roman (157 pages) qui se lit lentement, qui imperceptiblement trace sa route dans l'esprit des lecteurs et y laisse des marques, une sorte de paix intérieure, de calme, et de respect pour Egger qui aura construit sa vie courageusement et honorablement. Un brave homme. Un type bien. Ce qui pour moi est un double compliment.