Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Il reste la poussière

Publié le par Yv

Il reste la poussière, Sandrine Collette, Denoël, 2016....

Patagonie, début XX° siècle ou toute fin du siècle précédent, la mère élève seule ses quatre fils : les jumeaux Mauro et Joaquin, puis Steban le débile, et Rafael le petit, le mal-aimé car né après la disparition du père. Malmené par ses frères, il trouve son équilibre auprès de son cheval, des chiens et dans les travaux à la ferme : s'occuper des bovins, des moutons. Le terrain est aride, pauvre et la vie très dure, tandis que les voisins engraissent leur bétail sur des terres grasses et riches. -Tu f... f'ras quoi, plus tard ? demande un jour Steban à Rafael. Le début des interrogations : rester à la ferme, dans ce milieu dur et violent ? Partir, couper le lien avec la seule manière de vivre qu'il connaisse ?

Que voilà un roman sombre, dur, violent, noir et en même temps passionnant et avec quelques lueurs d'espoir. En Patagonie, la mère a hérité d'une estancia dans un milieu désertique, hostile. Elle rapporte peu, même pas de quoi payer les dettes accumulées du temps du père et du grand-père, alcooliques. C'est une femme forte, au caractère d'acier qui élève ses fils à la dure. Aucun ne se rebelle ni même ne moufte. Durs à la tâche, ne gagnant rien, pas un peso pour aller à la ville de San Léon boire une bière ou voir les filles. Ils grandissent ne semant pas le moindre amour entre eux et ne récoltant donc rien, d'autant plus que leurs cœurs sont aussi secs que leurs terrains. La haine, la jalousie, la domination et la soumission par la force et puis le travail, l'abrutissement au travail, et encore du travail, sept jours sur sept. Rafael et Steban sont ceux dont on pense qu'ils pourront s'en sortir, plus sensibles, plus rabroués, tabassé même pour le petit. On sent qu'il pourrait faire quelque chose, mais osera-t-il quitter cette terre et sa famille ?

"- Les gars disent que ton estancia, c'est l'enfer sur terre. Joaquin se tourne vers les troupeaux sans répondre, perplexe. L'enfer. Merde, d'où ça sort, ça, qu'ils connaîtraient la ferme et la mère, qu'ils parlent de chez lui comme d'un abîme - ou alors certains sont venus pour les saisons, il ne les remet pas, c'était il y a longtemps car la mère a décidé depuis des années que ses fils suffiraient à la peine, mais tout de même, il a bonne mémoire lui Joaquin, surtout les visages, est-ce qu'ils étaient là pour les tontes ? L'enfer." (p.104)

Roman à multiples voix, tous les garçons, tour à tour, puis la mère et quelques autres personnages en fonction de leur arrivée dans l'histoire, ce qui nous donne plusieurs points de vue pour un même événement, ou des explications lorsque la mère remonte dans le temps. Une histoire âpre, sèche, dure, pas dans les mots mais dans les faits décrits, les personnages. Un roman sous tension, ce n'est pas pour rien que Sandrine Collette est connue pour ses romans au suspense très soutenu -comme Six fourmis blanches. Les paysages sont à l'avenant, rudes, secs, on les imagine très bien similaires à la couverture du bouquin (très belle, gris métallique, brillante). Pas vraiment de temps mort dans ce livre même s'il n'y a pas beaucoup d'actions, le rythme de travail est élevé, mais répétitif, la vie à l'estancia est répétitive, les mêmes gestes quotidiennement, Sandrine Collette en profite pour nous faire entrer dans les têtes de ses personnages, dans leurs questionnements, leurs doutes, leurs peurs, leurs faiblesses. Un texte aux phrases parfois sèches, courtes et d'autres passages aux phrases plus longues, très ponctuées, ce qui donne des rythmes différents tant dans l'histoire que dans la lecture. Une belle surprise, je m'attendais à une écriture moins travaillée, plus taillée pour un polar dans lequel -parfois, mais heureusement pas toujours- les auteurs s'attachent plus à l'intrigue qu'au style.

Vraiment bien vu, ce roman entre le noir et le western, étouffant, suffocant, ne vous lâchera pas.

Commenter cet article
L
Tout à fait d'accord avec ton billet : personnellement j'ai adoré !
Répondre
Y
Oui, un roman très beau
D
Bonjour Yv, moins "flippant" que Noeuds d'acier, j'espère. Je ne m'en suis pas encore remise. Bon dimanche.
Répondre
Y
Bonjour Dasola, oui ce n'est pas un roman flippant, c'est un western noir et sombre mais pas un thriller. <br /> A bientôt
E
Je l'ai vu l'année dernière, elle m'avais parlé de la sortie de celui-ci et j'étais très tentée. Par contre, il a l'air très dur, j'espère qu'il n'est pas plus dur que Des noeuds d'acier déjà très très noir ?
Répondre
Y
C'est un roman noir, dur, la violence est présente (mais supportable), mais la vie à l'époque et à l'endroit devait être dure, surtout dans ces conditions.
V
tous les ingrédients sont réunis pour que ça me plaise! Je vais voir ça de plus près.
Répondre
Y
un très bon roman, je te le conseille
L
Une des meilleures auteures de romans (plus que) noirs.<br /> le Papou
Répondre
Y
Je suis bien d'accord avec toi
S
Tout à fait d'accord avec le côté répétitif c'est peut être d'ailleurs pour ça que je n'ai pas bcp aimé...
Répondre
Y
c'est vrai que la vie de la famille est répétitive, mais le roman ne l'est pas, enfin, je ne l'ai pas trouvé ennuyeux
S
J'ai lu tous les précédents et lirai donc celui-là car c'est un grand plaisir de lire Sandrine Collette
Répondre
Y
Exact, même s'il paraît différent des autres
Z
Pas encore découvert cet auteur, pourtant, quelque chose devrait m'attirer !
Répondre
Y
Essaie avec ce dernier roman, moins stressant que les autres
E
J'ai vu un chroniqueur littéraire totalement emballé par ce roman et je découvre qu'il s'agit d'un western et là ça me tente bien, car j'adore ce genre. Je n'ai jamais lu cet auteur. Je vais attendre qu'il soit dispo à la BM
Répondre
Y
un western en Patagonie... Un roman qui vraiment vaut le coup d'être découvert et partagé
A
Une auteure que j'aime beaucoup. Ce roman ne m'a pas déçu.
Répondre
Y
Moi non plus et pourtant je m'attendais plutôt à un thriller, mais j'ai finalement préféré cette ambiance western lourde
H
J'ai lu un seul roman de cette auteure "six fourmis banches" et si j'avais trouvé ça très bien c'était aussi très glauque, je ne tiens pas à réitérer l'expérience...
Répondre
Y
c'est moins glauque, plus western et la violence inhérente au genre (mais pas d'hémoglobine à flot)
K
Alex a réussi déjà à me convaincre, pour ce titre (les autres de l'auteur me font peur)
Répondre
Y
oui, celui-ci fait moins peur, elle a raison
G
Auteur déjà repérée chez toi je crois... Y a plus qu'à...
Répondre
Y
oui, j'en avais déjà parlé pour son roman qui se déroule en montagne Six fourmis blanches
A
Déjà plusieurs billets tentateurs sur ce roman. Pourtant, je n'étais pas sûre de relire Sandrine Collette (trop noir et flippant) mais là, je sens que je me craquèle ...
Répondre
Y
Noir certes, sans doute moins flippant celui-ci