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Tais-toi et meurs

Publié le par Yv

Tais-toi et meurs, Alain Mabanckou, Éd. La Branche, 2012

Julien Makambo quitte son Congo natal et arrive en France sous un autre nom, José Montfort. Aidé par Pedro, membre du milieu africain de Paris, il va se faire une place au sein de cette société et vivre de divers petites combines plus ou moins prolifiques. Un jour, un vendredi 13, Pedro lui propose un gros coup. Coup qui le mènera en prison, là où il écrit son histoire, celle qu'Alain Mabanckou rapporte

Je classe ce bouquin dans la catégorie polar eu égard à la collection vendredi 13 de l'éditeur. Ce n'est pas à proprement parler un roman policier. Alain Mabanckou décrit le monde de la SAPE (Société des Ambianceurs et des Personnes Élégantes) et le milieu africain de Paris. Celui des petites magouilles. Son (anti)héros est un pauvre garçon qui tombe dans un environnement qui le dépasse et qui l'amène à avoir des comportements répréhensibles bien que plutôt bénins. On découvre également la suspicion des uns par rapport aux autres selon leurs pays d'origine voire même selon la région s'ils sont du même pays. La solidarité africaine existe, certes, mais avec une certaine méfiance entre ethnies et nationalités. L'auteur montre aussi les appartements partagés à plusieurs, la promiscuité et la difficulté de vivre ensemble, parfois comiquement comme cette fois où Julien ramène une fille à l'appartement et que pris d'une envie pressante, il part aux toilettes et que :

"De retour dans le studio, j'ai entendu Bijou hurler de plaisir :

- Continue, chéri ! Continue, mon amour ! Ne t'arrête pas ! Défonce-moi, chéri ! Défonce-moi !

J'ai allumé la lumière. Il y avait quelqu'un sur elle. C'était Bonaventure. Bijou a vite ramassé ses affaires et s'est enfuie, tandis que Bonaventure et moi nous chamaillions sous les éclats de rire des autres colocataires, tous réveillés." (p.83)

Toute l'aventure de Julien se passe dans les quartiers de Paris dans lesquels la population d'origine africaine est nombreuse, dans les restaurants, les cafés. Alain Mabanckou excelle dans les alternances de moments graves et de moments plus drôles, comme des discussions oiseuses entre plusieurs protagonistes, ou des descriptions physiques, notamment des rois de la SAPE. C'est vrai que le costume vert diabolo-menthe de Julien, associé à une cravate et des chaussures bordeaux, doit valoir le coup d'oeil.

Et puis, plus largement, l'auteur décrit la pègre africaine et plus particulièrement, la pègre congolaise, entre les faux-papiers, les vols de chéquiers, les changements d'identité et une véritable économie parallèle -ou souterraine- de contrefaçons de marques, de billets de train, de métro. Bref, un monde qui m'est totalement inconnu sur lequel A. Mabanckou met le viseur. Un monde dans lequel un service n'est pas gratuit. Contrepartie sera demandée, mais personne ne sait encore quand ni sous quelle forme.

Il parle aussi de tous ces hommes et femmes venus d'Afrique pleins d'espoir et qui se retrouvent confrontés à la triste et dure réalité de la vie quotidienne en France : plus de travail, pas d'argent, logements insalubres, ...

Je vous le disais pas vraiment un polar, même si l'aventure qui va mener Julien en prison est suffisamment bien racontée, l'auteur sachant réserver quelques surprises et effets et les servir aux bons moments.

Encore un très bon titre de cette collection, décidément excellente et un très bon livre de Alain Mabanckou qui ne me déçoit jamais (bon, un tout petit peu sur Demain, j'aurai vingt ans, mais c'est oublié). Quels talents !

Merci Léa de chez Gilles Paris.

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