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Le gardien de Téhéran

Publié le par Yv

Le gardien de Téhéran, Stéphanie Perez, Plon, 2023

1979, Cyrus Farzadi, 25 ans, se retrouve, par les circonstances, gardien du musée d'arts de Téhéran, musée construit très peu de temps auparavant, volonté de Farah Pahlavi, femme du Shah. Issu des bas quartiers de la ville, rien ne le prédestinait à entrer un jour dans un musée.

En ce mois de mars 1979, la révolution islamique menée par l'ayatollah Khomeini n'est plus qu'une question d'heures. Cyrus s'attend au pire face à l'ignorance et à la morale des mollahs. Il ferait tout pour que les toiles de grands maîtres ne soient pas détruites, mais pourra-t-il les sauvegarder de la destruction ?

Le roman débute par ce mois de mars 1979, puis revient en arrière pour nous faire assister à la construction du musée, puis à l'embauche de Cyrus, en 1977 comme chauffeur chargé du transport des œuvres achetées partout dans le monde, à des prix exorbitants. Le règne du pétrodollar.

J'ai eu peur un moment que l'autrice ne laisse de côté la pauvreté du pays, la censure et la répression contre les opposants au profit de la description des œuvres et de l'occidentalisation de la société iranienne. Mais que nenni, très vite, elle s’attelle à montrer l'énorme différence entre les très riches et les très pauvres. Le faste de l'empereur, pour son couronnement, pour fêter les 2500 ans de l'empire perse, les fêtes où le champagne importé de France coule à flots... pendant que les pauvres ne parviennent pas à se nourrir, vivent dans des taudis et que les opposants sont emprisonnés, torturés par la Savak, la police politique du pouvoir : "Cyrus pense à cette blague qui circule dans toutes les familles : dès lors qu'au moins trois Iraniens sont réunis, l'un d'eux fait forcément partie de la Savak." (p.33)

Bref, tout cela est dit, parfois trop, un peu comme si Stéphanie Perez voulait à chaque fois qu'elle parle du musée érigé à coups de millions de dollars, évoquer la pauvreté pour s'excuser. Ce n'est pas toujours habile si subtil, cela rajoute des pages, certes, mais superflues.

Nonobstant ces remarques, le roman a des qualités comme cette montée de l'islamisme dans le peuple fatigué du régime du Shah et l'aveuglement du Shah et de sa cour : "Mais l'Iran danse sur un volcan. La terre gronde, de plus en plus fort, la secousse menace, l'éruption n'est qu'une question de jours, les flots de colère vont se répandre inexorablement, un magma révolutionnaire et fumant qui menace de recouvrir le pays." (p.108). Les hommes jusqu'alors assez ouverts se referment, obligent leurs femmes à porter le voile, se réunissent à la mosquée. On sent au fil des pages que le mouvement prend de l'ampleur et qu'il sera difficile d'échapper à un changement radical.

Malgré mes réserves, ce roman fluide se lit aisément et il permet d'apprendre sur l'Iran, sur les raisons de la révolution de 1979 qui amènent un régime sans doute pire encore que celui du Shah et sur un homme né dans les quartiers pauvres qui va consacrer sa vie à protéger des œuvres d'art inestimables. Ce roman s'inspire d'une histoire vraie.

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Je suis le châtiment

Publié le par Yv

Je suis le châtiment, Giancarlo de Cataldo, Métailié, 2023 (traduit par Anne Echenoz)

Manrico Spinori della Rocca est un aristocrate d'une vieille famille romaine ruinée, par les dettes de jeux de sa mère, Elena. Manrico, portant beau sa cinquantaine est aussi substitut du procureur, chargé de l'enquête sur la mort de Mèche d'or, un chanteur qui eut son succès quelques années plus tôt, toujours populaire et amateur de jeunes chanteuses. Un milieu que ne connaît pas Manrico, amateur très avisé d'opéra : il est d’ailleurs convaincu que toute expérience humaine, crime compris, a déjà été racontée dans un opéra. Aidé par un trio d'enquêtrices, il va de surprise en surprise.

Après quelques romans noirs dont deux très connus que je n'ai pas lus Romanzo criminale et Suburra, puis un autre chroniqué sur le blog Alba nera, très sombres, Giancarlo de Cataldo livre ici un roman policier plus léger et même parfois assez drôle. Manrico est un substitut atypique qui ne jure que par l'opéra et fait des liens permanents entre l'enquête et les divers œuvres (je rassure les béotiens comme moi, il les met à notre portée). C'est un espèce de dandy, aristocrate désargenté, qui ne se met pas à dos les suspects, il les ménage pour les mettre en confiance et parvenir à leur soutirer des informations. Ce son les trois policières dont la nouvelle Deborah Cianchetti qui foncent et piaffent d'impatience.

Tout cela rend ce polar original. Giancarlo, par ailleurs magistrat à la cour de Rome, outre les opéras dont il parle fréquemment, écrit sur le système judiciaire italien, sur son délitement, la fatigue qui s'empare de ceux censés la rendre et sur le très enviable monde de la télévision. Et tout cela, malgré pas mal de choses abordées et dites, en peu de pages, car l'un des grands talents de l'auteur est d'aller au plus court, hormis les quelques écarts lyriques. Et puis, cette fois-ci, il ajoute pas mal d'humour, dans son personnages principal, dans le duo explosif avec Deborah, dans la relation avec sa mère ludopathe, avec Camillo le maître d'hôtel. Cette fois-ci Giancarlo de Cataldo a décidé de s'amuser avec nous, pour notre plus grand plaisir.

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Gloria

Publié le par Yv

Gloria, Almudena Pano, Rue de l'échiquier, 2023

"Gloria est une jeune femme apparemment insouciante et pleine de vie, qui se consacre à une tâche essentielle : prendre soin d’enfants et d’adolescents traumatisés par des violences ou des accidents de vie. Assistante sociale dans un centre d’accueil, elle est l’une de ces "aidantes" qui, malgré le peu de reconnaissance dont elles bénéficient, ont fait de leur travail une véritable mission." (4ème de couverture) Peu payée, elle vit chez ses parents, sort, rencontre des copines qui lui disent qu'elle doit trouver un travail plus rémunérateur. Mais Gloria tient trop aux enfants dont elle s'occupe.

Tons pops et acidulés pour cette bande dessinée qui traite de sujets sérieux et durs. On pourrait se dire que ces couleurs vives devraient être réservées à des albums plus légers, mais personnellement j'aime bien être surpris et là où, bien nourri de tous mes codes et a priori, je pensais tomber sur un livre mièvre voire gnangnan -j'avoue je ne lis pas les quatrièmes de couverture, ou très peu-, me voici avec du lourd. Car Almudena Pano traite la question de la schizophrénie pour un garçon que Gloria rencontre et de deux cas d'inceste. Son récit est à la fois lourd et dur, mais je le trouve très précis, très détaillé -pas sordide-, notamment dans la difficulté à déceler l'inceste, puisque l'incesteur se cache, se tait et menace l'enfant, dans la culpabilité de l'adulte qui ne l'a pas vu, dans les signes qu'un enfant peut montrer... Il est également très instructif et pédagogique. Bâti sur Gloria et son travail, les enfants abusés sont le centre de l'album. Encore une fois, précis et détaillé, il montre le travail fait avec eux pour dire l'abus, pour apprendre à vivre avec. Et il met en exergue le formidable travail des assistants sociaux, éducateurs, psychologues et tous les professionnels qui écoutent, aident l'enfant et son entourage, souvent mal rémunéré, pas vraiment socialement considéré. Le travail social traverse en ce moment une grave crise : beaucoup de départs et peu d'arrivées, et le nombre de victimes ne baisse pas. Qui peut croire qu'un travailleur social qui a entendu, écouté, vu des enfants violentés, abusés, abîmés pendant quarante années tiendra jusqu'à 64 ans ?

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Chroniques décalées d'une famille ordinaire et vice versa

Publié le par Yv

Chroniques décalées d'une famille ordinaire et vice versa, Séverine Tales, Payot graphic, 2022

Lorsque Servane et Séverine annoncent qu'elles vont avoir un bébé ensemble, c'est l'incompréhension autour d'elles. On est avant le mariage pour tous, avant une relative acceptation par la société des couples homoparentaux. Louis naît, puis quatre ans plus tard, des jumeaux Paul et Simon. Et les deux femmes tentent d'organiser une vie de famille, entre les biberons, les couches, l'école, les rendez-vous le travail DRH pour l'une et assistante sociale en protection de l'enfance -tiens, une collègue !- pour l'autre.

La bande dessinée de Séverine Tales est une suite de saynètes à chutes qui, je dois le confesser, m'ont souvent attiré une éclat de rire. Beaucoup d'humour donc, d'auto-dérision avant tout et pas mal de légèreté malgré les remarques sexistes et homophobes. Tout chez l'autrice est prétexte à rire : les remarques concernant leur couple, leur manière d'élever leurs enfants -la fameuse éducation positive- qui surprend -c'est un euphémisme- sa mère plutôt adepte d'un cadre plus strict, les blagues des enfants, leurs bons mots ou leurs vacheries entre eux et parfois contre leurs mères. Bref, tout y passe et l'on est, comme le titre l'indique, tout à fait dans une chronique familiale ordinaire. Le fait qu'elles soient deux femmes n'a pas plus d'importance que le fait d'avoir trois enfants dont des jumeaux. A ce propos, ils sont hilarants, mais je n'aurais sans doute pas aimé les avoir à la maison, ils sont également fatigants. Mais j'ai ri et même partagé quelques dessins pour faire rire.

J'aime beaucoup cet album, qui tranche par un dessin original -l'autrice dirait malhabile- dans lequel par exemple seuls les contours des visages sont exprimés -peut-être une difficulté à faire le reste ? Les décors y sont minimalistes. en fait, c'est le mot c'est de la BD minimaliste avec des textes décalés et drôles. Très réussi.

Si vous aussi vous voulez rire, lisez cet album et rendez vous sur le compte Instagram de Séverine tales, elle partage plein de dessins.

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Environnement toxique

Publié le par Yv

Environnement toxique, Kate Beaton, Casterman, 2023 (traduit par Alice Marchand)

Originaire de Cap-Breton, une île de Nouvelle-Écosse à l'est du Canada, l'un des coins les plus pauvres du pays, Kate, part travailler à l'ouest, là où l'on extrait le pétrole des sables bitumeux. Elle n'a pas le choix, elle doit gagner de l'argent pour rembourser son prêt étudiant.

Elle se retrouve dans un univers très masculin, sexiste, machiste. Les remarques, la drague plus que lourde, le harcèlement sont son quotidien.

Très gros roman graphique dans lequel Kate Beaton raconte son parcours : elle arrête ses études à 21 ans et se retrouve dans ce monde inconnu et brutal. J'ai beaucoup appris sur les sables bitumeux, je n'y connaissais rien. Extraction particulièrement anti-écologique, qui empoisonne les populations autochtones sans aucun scrupule, par profit. J'ai aussi appris sur la dure vie des gens qui bossent dans ces mines : des longues, très longues journées, du repos qui ne permet pas de rentrer chez soi, car beaucoup de travailleurs viennent de l'est du Canada. Ils restent donc sur place, ne voient que rarement leurs familles.

Kate Beaton raconte le harcèlement quotidien, qui commence par des petits noms dont certains l'affublent, puis par des remarques, des réflexions, des allusions voire carrément des demandes directes "Tu baises ?". Être une femme dans ce milieu est éprouvant d'abord parce que le travail l'est et ensuite parce qu'il faut subir tout cela et être constamment en alerte. Toujours s'opposer est exténuant, donc, elles laissent passer, laissant la porte entrouverte à des brutes qui la poussent violemment.

Malgré le thème difficile, le dessin de Kate Beaton est doux, dans les tons gris-bleutés, bicolores, mais aussi dans les traits de ses personnages. L'autrice n'est pas manichéenne, elle ne dit pas que tous les hommes l'ont harcelée ou embêtée, elle s'est très bien entendu avec certains qui ont su l'écouter, la soutenir. La dureté du travail, l'éloignement des familles, la connerie humaine peut expliquer sans excuser le comportement de certains, c'est une des théories qu'avance Kate pour tenter de vivre normalement. Elle témoigne dans cet album très fort de deux ans de sa vie (entre 2005 et 2008), de deux ans de souffrances au travail, celle qu'elle a vécu et celle dont elle a été le témoin.

Il paraîtrait que ce serait le roman graphique préféré de Barack Obama en 2022, je ne sais pas si c'est un critère qui fait vendre, mais force est de constater que cet homme à bon goût. 435 pages passionnantes, édifiantes et un peu flippantes quand même sur le comportement de certains hommes, sur ce qu'ils se permettent vis-à-vis des femmes, simplement parce qu'elle sont femmes. "Un témoignage rare, porté par une voix profonde" (4ème de couverture). Absolument !

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Le poulain

Publié le par Yv

Le poulain, Jessica Knossow, Denoël, 2023

2011, lorsque Emmanuelle, arrive à la Pitié-Salpêtrière pour son dernier semestre d'internat, elle veut absolument travailler avec le professeur Renavand, un ponte, de ceux qui peuvent faire des carrières. Elle le veut pour progresser mais aussi par ambition professionnelle. Emmanuelle s'investit à fond pour le rencontrer, fait garde sur garde. Son sérieux et sa compétence finissent par attirer l’œil de celui qu'elle nomme R., et elle devient enfin son poulain. Malgré cela, le parcours qu'il lui reste à faire est long et pénible, semé d’embûches.

Très tenté par ce roman et à la fois sur la réserve tant je ne suis pas attiré par le monde médical, je me suis fait totalement prendre et, heureusement qu'il est court, parce que je n'ai pas pu le lâcher. Tout d'abord et avant tout, j'ai beaucoup aimé l'écriture de Jessica Knossow, sèche, directe. Phrases courtes ou phrases longues très ponctuées, style rapide qui va au plus court : "Les urgences de la Pitié. Pleines. Pléonasme. Ici, la grande salle des urgences, on l'appelle la "Cour des miracles". A cause du monde, à cause du bruit. Mais les miracles, à l'hôpital, je n'en ai jamais vu. Ni ici ni ailleurs. Tous jouaient leur peau, tous voulaient survivre. Les patients à la maladie, les soignants à la nuit." (p.25) On est avec elle dans l'urgence, dans les journées à rallonge, les lieux parfois sordides, et elle nous y aide même avec un plan annoté de sa main (l'organigramme du service de chirurgie viscérale est drôle, dans l'image et dans la description)

Les lieux et l'état de l'hôpital en général sont au centre du livre : l'autrice parle des services qui perdent de l'argent, car les opérations ne sont pas rentables dixit M. Chiffre qui mène un audit. Le mot d'ordre est l'argent : travailler mieux pour moins cher. Optimiser, comme si la santé avait un prix... "Le pire, c'est que bientôt, on va trier les patients : rentable, pas rentable..." (p.94)  fait-elle dire à l'un des médecins. Et l'hôpital prend l'eau, soignants et soignés s'y noient. Et l'on a bien vu comment la crise COVID a exacerbé les difficultés et les manques de moyens. La santé est devenu un bien comme un autre.

Et puis il y a Emmanuelle, qui sacrifie tout à son ambition, qui veut absolument réussir, être reconnue de ses pairs. R. est celui qui le lui permettra. Une jeune femme forte qui doit s'imposer. Elle doute, elle a peur même lors de ses premières consultations "Pourtant j'avais la théorie avec moi, je connaissais par cœur les indications chirurgicales, les risques de complications, j'avais la tête pleine d'organigrammes, de diagrammes, de cases, de listes, de tableaux, de flèches, mais ces connaissances ne parvenaient pas à m'apaiser -et pour cause : les patients ne rentraient dans aucune case." (p.78)

Ce très beau roman, très équilibré, se lit d'une traite. Il m'a bluffé de bout en bout par sa concision et sa précision, j'allais écrire chirurgicale, son rythme. Il décrit les conditions de travail du personnel médical et donc d'accueil des patients, la dégradation d'icelles pour cause de rentabilité exigée en haut lieu et un très beau portrait de femme. Bref, un excellent roman pour lequel ma recension est sans doute un peu confuse tant j'ai l'impression de n'avoir dit que la moitié de ce que j'avais à en dire.

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Sillon rouge

Publié le par Yv

Sillon rouge, Hugo Buan, Palémon, 2022

1804, Bonaparte, Premier Consul laisse la place à Napoléon 1er, Empereur. Louis Darcourt, commissaire de la toute nouvelle police de l'arrondissement de Saint-Malo, assisté de Joseph Tocagombo dit Lieutenant Joseph, un ex-esclave affranchi avec lequel Darcourt a combattu pour la République et Henri Girard un ami d'enfance de Louis, doivent, sur les ordres du chef de la sûreté surveiller les probables et attendus débarquements de royalistes, Chouans, Vendéens, exilés 10 ans plus tôt, en passe de revenir pour remettre un roi sur le trône de France.

Deux affaires vont également occuper le trio de policiers : l'enlèvement d'un député, ami de Danton et la découverte d'un squelette dans des dunes.

Ce tome 2 de la série Les âmes noires de Saint-Malo, à la très belle couverture met en scène et implante davantage le trio de policiers au sein de Saint-Malo. L'on arpente les rues de la ville et de ses alentours, l'on visite les tavernes, les débits de boissons, les lieux de débauche, mais aussi les landes, les marais, au fil d'une plume très documentée. Cela pour le contexte géographique. Pour l'historique, force est de dire que pareillement, l'auteur est fort bien documenté et qu'il sait faire vivre aux lecteurs l'époque troublée : "Louis Darcourt avait connu la Monarchie royale, la République révolutionnaire avec la Constituante, la Législative, la Convention, le Directoire, le Consulat et désormais l'Empire, il fallait s'adapter, il s'adaptera." (p.28/29)

Et puis, il y a les intrigues qui vont contraindre l'équipe à remonter le temps d'une dizaine d'années et se replonger dans la triste époque de la Terreur, celle où les exécutions étaient courantes, qu'elles rougissaient le Sillon de Saint-Malo. Époque à laquelle Justine, la sœur de Louis a disparu et qu'il a toujours espoir de retrouver, espoir en berne lorsque le squelette retrouvé pourrait correspondre à Justine.

Hugo Buan a bâti une équipe de policiers pas banale, entre Louis, un orphelin (parents guillotinés en 1794) recueilli et adopté par un aristocrate et revenu incognito dans sa ville de naissance, Joseph, un mulâtre de l'ex-île Bourbon et Henri avant d'être policier, surtout connu pour ses combines. Et surtout, sur des intrigues et des bases historiques et géographiques sérieuses, il écrit un polar décalé empli d'humour, notamment dans les dialogues et en particulier lorsque Louis interroge des témoins, notamment une prostituée :

"- Non... Il s'est jeté dans son puits à Saint-Coulomb ! Tout le monde pensait que c'était impossible à cause de ses cornes... Rapport à la largeur du puits, vous comprenez ? minauda-t-elle.

- Madame Malavoine n'était pas très fidèle ?

- Pas fidèle du tout ! C'est le genre de femme qui enlève le pain de la bouche des filles comme nous.

- Je vois... C'est une sorte de concurrence déloyale.

- A ce niveau-là, ç'n'est plus de la concurrence, c'est de l'acharnement !" (p.291)

Bref, ce fut donc un vrai plaisir que de retrouver le trio de policier de Saint-Malo, de s'instruire, car Hugo Buan raconte l'histoire de la Bretagne, tout en souriant aux réparties et aux sarcasmes voire à l'ironie des uns et des autres. Si j'étais de nature impatiente, je crierais : "Vite, la suite !... ", mais je me contenterai de dire très fort : "La suite, vite !"

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Le sang de nos ennemis

Publié le par Yv

Le sang de nos ennemis, Gérard Lecas, Rivages noir, 2023

Marseille, juillet 1962, après les accords d’Évian mettant fin à la guerre d'Algérie, les pieds-noirs arrivent en masse dans la ville. Souvent mal vus par les habitants, soupçonnés de créer le désordre. A cette période trouble, la pègre locale se déchire pour le contrôle du trafic de drogue, les coups bas sont légion.

Louis Anthureau, fils de résistants communistes et Jacques Molinari adhérent du SAC qui sous prétexte de protéger de Gaulle, flirte avec l'extrême droite viennent d'être nommés à la brigade criminelle et doivent faire équipe. Ils enquêtent sur le meurtre de deux ressortissants algériens exsangues, la totalité de leur sang est dans un jerrican à côté de leur cadavre.

Excellent polar dans lequel Gérard Lecas décrit une ambiance lourde : tous les coups sont permis, les malfrats et les parrains locaux font feu de tout bois pour garder voire augmenter leur empire. La politique, la mairie notamment dirigée par l'ancien résistant Gaston Defferre, n'est pas exempte d'accointances avec le milieu. Plus les actions de l'OAS qui n'accepte pas l'indépendance de l'Algérie, le SAC qui s'immisce dans les différents combats pour discréditer certains, bref Marseille est un panier de crabes venimeux dans lequel le moindre geste est interprété comme une agression. C'est donc lourd, mais jamais le lecteur n'est perdu, car l'auteur explique les rôles des uns et des autres ; personne n'est épargné, ni les parrains de la pègre, ni les politiques mouillés jusqu'au cou voire davantage, ni les communistes encore assez forts mais qui ne supportent que l'un de leurs ne suivent pas la ligne du parti... Le contexte étant posé, il va falloir une intrigue forte pour qu'elle ne s'y noie pas.

Et Gérard Lecas la trouve : le meurtre des deux Algériens, totalement vidés de leur sang et l'enquête menée par deux flics aux idées opposées. Molinari résistant décoré, membre du SAC qui doit rendre quelques services à des hauts placés en guise de remerciement et Anthureau, fils de résistants communistes, lui même adhérent du parti, orphelin de père depuis ses quatorze ans et sans nouvelle de sa mère depuis. C'est électrique entre les deux hommes et l'enquête poussera chacun des deux à s'interroger sur leur passé et leur avenir. Ils devront faire face à leurs démons, à leurs doutes, leurs craintes...

Du polar, du bon, du qui tient la route, du consistant tant dans l'intrigue que dans le contexte, du qui ne déçoit pas bien au contraire !

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Les Trois Mousquetaires. D'Artagnan

Publié le par Yv

Les trois mousquetaires. D'Artagnan, Cédric Tchao, Néjib, Casterman, 2023

C'est l'histoire de la reine Anne d'Autriche qui aurait comme amant le duc de Buckingham auquel, en gage d'amour elle aurait laissé des ferrets offerts par le roi que celui-ci, sur les conseils avisés de Richelieu et Milady, lui demande de porter le jour du mariage de Gaston, frère du roi. Les mousquetaires vont donc devoir aller les chercher en Angleterre déjouant les pièges machiavéliques de Milady.

A l'occasion de la sortie du film de Martin Bourboulon, Les trois mousquetaires, avec Eva Green, Romain Duris, Vincent Cassel, François Civil et Pio Marmaï, les éditions Casterman sortent deux versions décalées du livre d'Alexandre Dumas. La première, j'en ai déjà parlé, c'est une BD humoristique de Fabrice erre et Gilles Rochier. La seconde, et bien c'est ce manga français -qui se lit de gauche à droite, classique pour nous- de Cédric Tchao aux dessins et Néjib au scénario.

C'est toujours intéressant de voir les différentes adaptations dune œuvre colossale, sans doute l'une de celles qui en a suscité le plus (plus de 600 films dans le monde entier). Le manga, ce n'est pas trop mon dada et j'avoue que les scènes de combat, si elles plairont au public ciblé, les jeunes gens, m'ont laissé froid voire m'ont agacé, en fait je les trouve confuses, mais c'est sans doute ce que recherchent les lecteurs de mangas.

Les jeunes lecteurs de la maison vont le dévorer, le lire et le relire et même, me demandent déjà : "Il sort quand le deuxième tome ?". Preuve que l'objectif est atteint !

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