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RIP. Eugène

Publié le par Yv

RIP. Eugène. Toutes les bonnes choses ont une fin (tome 6), Gaet's et Monier, Petit à petit, 2023

Eugène, c'est le balèze de l'équipe de nettoyeurs de maisons des morts. Raciste, grande gueule et un rien couard. Ses années de prison lui ont laissé un goût amer et un mode de survie où la violence est justifiée.

Il vit dans une caravane avec sa mère et en voisin de sa sœur, son beau-frère et son neveu, un garçon qu'il aime beaucoup et qui le lui rend bien.

dans ce tome, c'est lui qui raconte, l'étrange aventure de l'équipe des nettoyeurs : Derrick, Maurice, Ahmed, Alfred, Dédé, Mike et Fanette qui tient le bar où ils se retrouvent tous les soirs.
 

Tome 6 et ultime épisode de cette série originale et passionnante. Chaque tome raconte l'histoire de cette équipe du point de vue d'un protagoniste, ce qui nous permet à nous lecteurs, d'avoir une vue d'ensemble. Pourquoi une telle équipe existe ? Pourquoi nettoie-t-elle certaines maisons et que deviennent les objets collectés ? Pourquoi des flics la surveille-t-elle ? Et où est passée la bague de grande valeur qui a disparu d'un nettoyage de maison et qui est le grain de sable qui va enrayer puis rendre complètement folle la machine ?

Cet épisode répond à toutes les questions qui restaient encore en suspends et toujours de cette manière originale tant par le dessin que par le scénario. C'est une belle réussite et je ne cache pas que je quitte a regret ces losers troubles aux vies plus que cabossées, aux parcours parfois violents. Et la sortie de ce dernier opus est l'occasion pour relire toute la série et repérér ici ou à des détails, des éléments qui avaient pu m'échapper ou qui prennent un autre sens.

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Les larmes de Belle-Île

Publié le par Yv

Les larmes de Belle-Île, Jean-Paul Le Denmat, Palémon, 2023

2013, un très vieux prêtre est retrouvé, assassiné dans une église de Nantes. Ludovic Le Maout et son coéquipier surnommé Sans Sucre arrivent sur les lieux. Le tableau est macabre. Ludovic sort et a à peine le temps d'apercevoir une moto noire quitter les lieux rapidement.

Puis c'est au tout d'un juge de disparaître dans la presqu'île de Rhuys, près de Vannes. Les deux affaires semblent liées.

1933, Lucien, 13 ans, est envoyé dans la colonie pénitentiaire de Belle-Île pour des faits qu'il n'a pas commis. Sa mère, injustement accusée de vol est jetée en prison.

De nouveau Ludovic Le Maout entame une enquête qui le mènera très loin sur les chemins de l'enfer et de l'horreur. Tout remonte à la colonie pénitentiaire de Belle-Île, le Maison d’Éducation Surveillée de Haute-Boulogne, dans laquelle des enfants étaient envoyés pour des motifs souvent véniels, parfois même juste parce qu'ils étaient orphelins et pauvres. Là-bas la vie y était rude, infernale. Les pages sur le calvaire de ces jeunes gens sont terribles, violentes, à l'image de ce qu'ils subissaient : "L'Brisou et toute l'administration les voyaient comme des vauriens, des indomptables, des rebelles, des brutes avec des tares héréditaires visibles sur leurs visages fatalement destinés à la prison ou au bagne. Seul remède pour les arracher à leurs vices : les faire plier et les mettre dans le droit chemin. Haute-Boulogne. Bien plus dure que la prison. Pire que le bagne. L'enfer." (p.84) Ces pages m'ont immanquablement ramené à un autre polar lui, il y a quelques années, sur ces mêmes centres, mais à Lyon : De mal à personne d'Odile Bouhier. JP Le Denmat y consacre 120 pages, très documentées, que l'on lit d'une traite. Il s'inspire de faits réels et notamment une évasion, en 1934, de 56 jeunes gens tous repris, sauf un retrouvé noyé. 

Les thrillers de l'auteur sont toujours très denses, tourmentés -à l'image de son héros-, parfois jusqu'à une certaine difficulté à s'y retrouver, dans les différents personnages, les dates... On saute de surprise en rebondissement, de péripétie et coup de théâtre. Il est bien difficile de lâcher le livre. C'est encore plus vrai cette fois-ci grâce au contexte particulièrement fort et prégnant.

Et puis, il y a aussi Ludovic Le Maout, son flic récurrent, en proie à des angoisses, des peurs, des troubles de l'attachement avec Rita, rencontrée sur un tome précédent. Il doute de lui, d'elle, est particulièrement jaloux, peut passer d'une humeur dépressive pour un geste absent et remonter très vite dans une espèce d'euphorie après un mot doux. L'équipe qu'il forme avec Sans Sucre est efficace et c'est toujours un plaisir de la retrouver.

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Les 7 vies de Mlle Belle Kaplan

Publié le par Yv

Les 7 vies de Mlle Belle Kaplan, Gilles Paris, Plon, 2023

Belle Kaplan est une actrice adulée. Ses premiers films ont fait d'elle une star incontestée. Belle a caché son passé, ses multiples identités, et parvient encore à cacher sa vie privée. Rien d'elle ne transpire dans la presse ou ailleurs.

Lorsqu'elle reçoit des lettres anonymes d'un expéditeur qui semble tout savoir de sa vie mouvementée d'avant, Belle, loin de paniquer, se remémore son enfance et ses années de jeune femme, de Montréal jusqu'à Paris. Cependant, un tournage prévu à Hollywood pourrait bien changer la donne.

Nouveau roman de Gilles Paris, qui, s'il peut paraître plus léger, plus aéré dans la tonalité et la construction que ses derniers romans  (de courts chapitres, une écriture fluide qui coule doucement), dresse le portrait d'une femme pas banale.

J'aime en général les livres de Gilles Paris et j'aime celui-ci. Belle est une femme forte et fragile, qui cache cette fragilité sous une épaisse carapace -sous d'épaisses carapaces pourrais-je même écrire. L'on pourrait imaginer une star éloignée des petites gens, qui se flatte de son succès et méprise ceux qui n'ont pas réussi. Belle est plus complexe que cela. Elle s'éloigne pour se protéger, pour protéger sa vie d'avant qu'elle dévoile petit à petit dans ce monologue, entrecoupé de souvenirs,.

Gilles Paris fait preuve de beaucoup de tendresse pour ses personnages en général, nul besoin de rappeler Courgette, ou Marnie dans Le vertige des falaises -l'une de ses héroïnes que je préfère-, ou encore les personnages du Bal des cendres, et pour Belle en particulier. Et Belle se raconte en profondeur. Les blessures de l'enfance, les fêlures, la peur et l'impossibilité d'attachement, du lien. Tout cela est bien vu, et pour avoir assisté à des formations dans le cadre professionnel sur les troubles de l'attachement, sur le lien affectif, je trouve que le roman est très réaliste. Ce que j'aime dans l'écriture de l'auteur, c'est qu'il aborde des thèmes difficiles, les violences contre les enfants, la vie dans les foyers ou les orphelinats, la construction en tant qu'adulte, la quête d'identité... toujours avec beaucoup de justesse et de finesse et sans recherche de sensationnel. Il épargne à ses lecteurs des descriptions sordides. Les choses sont dites élégamment ou suggérées.

J'ai lu quasiment tous les livres de Gilles Paris, l'ai rencontré brièvement à deux ou trois occasions, j'ai pas mal discuté avec lui par mail, et de ces échanges est née la conviction de son humanité, de sa grande sensibilité, de son ouverture et de l'envie de rencontrer autrui dans ses différences et ressemblances. Et tout cela ressort dans ses livres et dans ce dernier roman, dans le personnage de Belle, qui cache sous des dehors froids, une envie de rencontre, de vivre pleinement une vie pourtant mal débutée :

"Je déteste devoir penser à tout, mais c'est la seule solution pour vivre en paix. [...] J'ai appris à me rendre invisible au fil des ans. [...] J'ai connu ce frère d'infortune [Ben] avant que ma vie ne commence. Je ne sais rien de mes parents, ni lui des siens. Une âme secourable nous a déposés à l'orphelinat Sainte -Croix des Enfants de Montréal. Nous sommes nés la même année, nous aurions pu être jumeaux. Nos mères ont préféré se débarrasser de nous pour des raisons inconnues. trop pauvres pour nous élever sans doute. La discipline, en ce lieu religieux, s'est révélée des plus strictes." (p.29/30)

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Les rescapés de l'île de Nantes

Publié le par Yv

Les rescapés de l'île de Nantes, Claude Picq, Palémon, 2023

Cicéron s'ennuie un peu dans sa nouvelle vie. Vanessa vient d'accoucher d'une petite Soledad, ils viennent d’emménager dans un pavillon à Thiais et l'agence d'enquêteurs privés ne lui donne pas assez de travail, tout juste de quoi se payer et payer Momo.

En rendant visite au commissaire Saint-Antoine, icelui lui annonce que le fils d'un ami vient de sa faire assassiner  d'une étrange manière : une balle de 22 long rifle dans chaque œil alors qu'il fumait une cigarette à sa fenêtre. Comme le défunt était vraisemblablement du milieu nantais, Saint-Antoine craint que la police ne fasse pas de zèle sur l'enquête. Il demande à Cicéron de tâter le terrain dans la cité des Ducs de Bretagne. Cicé s'y colle, accompagné de Vanessa, de Momo et des inévitables René et Paulette.

Me voici un lecteur heureux : Cicé est dans ma ville et Claude Picq son créateur et biographe se fend d'un prologue sympathique et réaliste sur ses pérégrinations nantaises. Je suis toujours content de lire que l'on aime la ville dans laquelle je me promène régulièrement, soit pour le travail, soit pour les loisirs. Un peu de chauvinisme sûrement, surtout lorsque sans aucune ambiguïté, on en parle comme d'une ville en Bretagne.

Voilà pour mon préambule, venons-en maintenant au roman qui, comme les tous les autres avec Cicé alterne le drôle, le décalé et le un peu plus sérieux, mais pas trop quand même. La touche comique vient évidemment du couple René-Paulette improbable, incroyable, inévitable écrivais-je plus haut. Inévitable parce que bruyant, de mensurations hors du commun et affublé de frusques dépareillées, inadaptées et voyantes, plus un langage très personnel pas très discret.

Le reste de la troupe enquête en douce pour ne pas éveiller les soupçons, ils ne sont officiellement que des touristes qui visitent la ville. Et Cicéron est bien secondé, par Vanessa, sa capitaine de police préférée en congé de maternité et par Momo son associé manchot. Et même, étonnamment, par René et Paulette.

Plongée dans le milieu nantais, celui de la prostitution, de la drogue et des lieux dans lesquels ces secteurs d’activités fructifient pour une intrigue originale et bien menée, très plaisante à lire, comme en général les aventures de Cicéron, même si celui-ci s'assagit. Cicé change, son environnement itou, et ses aventures restent distrayantes et bien menées. Tout pour plaire, avec cette fois-ci le petit plus nantais.

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Chasseur d'Invader

Publié le par Yv

Chasseur d'Invader. Comment des mosaïques ont changé ma vision du monde, Kéramidas, Casterman, 2023

"Qui ne connaît pas les Space Invaders, ces mosaïques que l'on peut croiser au hasard d'une promenade e ville ? En 2016, Nicolas Kéramidas découvre qu'il peut les chasser et les collectionner grâce à une application. Un monde nouveau s'ouvre à lui : une inlassable exploration urbaine qui va le conduire aux quatre coins de l'Europe, au Japon, et même dans l'espace !

Geek insatiable, il nous raconte avec gourmandise cette plongée dans le monde d'Invader, un des street artistes les plus célèbres et les plus secrets de la planète. Une chasse au trésor où se mêlent pop culture, randonnées urbaines, voyages dans l'espace, rencontres inattendues et l'histoire du street art." (4ème de couverture)

Lorsque je visite des villes ou même lorsque je marche à Nantes -ville peu visitée par Invader, l'ouest en général reste une terre de conquête pour lui-, j'aime flâner, marcher en levant les yeux, pour y dénicher là une enseigne, là un détail d'un immeuble... Je connaissais donc les mosaïques appliquées sur certains murs ou bâtiments des villes. Je ne savais pas qu'elles étaient le fait d'un seul créateur -même s'il faut maintenant compter avec des faux, des imitateurs- français : Invader, qui, pour information, signe la préface de cet album. Et je savais encore moins qu'une application créée en 2014, permettait de les photographier -les flasher en terme de chasseur d'Invader-, d'entrer ainsi dans un classement mondial des meilleurs flasheurs... et d'accéder à pas d'autres fonctions de l'application.

Nicolas Kéramidas explique cela dans son album et c'est suffisamment clair, même pour les plus rétifs à la technologie. Il raconte sa passion pour le flash des mosaïques et ses rencontres liées : les voyages organisés entre passionnées pour découvrir une ville : co-voiturage, colocation et randonnées urbaines entrecoupées de visites de bars et restaurants... "J'ai habité 11 ans à Paris, on peut dire que je connais. Depuis que je flashe, je peux enfin dire "je connais". Je veux dire, vraiment. Ça a complètement changé ma vision d'une ville. On l'appréhende totalement différemment, on ne regarde plus les mêmes choses." (p.57) Il visite des quartiers, pas toujours notés sur les guides. Les Space Invaders invitent à la découverte et, dans certaine villes, ils sont placés selon une forme particulière, représentent des endroits, des personnes liées aux lieux choisis.

L'album de Kéramidas est très coloré, vif. Il parle de street art : comment ce style est devenu incontournable avec des artistes tels Invader ou Banksy et comment, parfois, il ne plaît pas et se fait détruire ou parfois il plaît trop et se fait arracher pour le garder. Loin d'être collectionneur ou joueur, j'ai aimé le ton de la BD, l'envie de l'auteur de partager sa passion et ses découvertes de villes ou de lieux insolites, ses déboires, ses joies simples. Léger, drôle, c'est un récit de voyage original, poétique et artistique.

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J'ai mille ans...

Publié le par Yv

J'ai mille ans..., Jean-Marie Quéméner, Récamier, 2023

"Amal est née au milieu de nulle part, dans un village d'orpailleurs et de contrebandiers au nord du Soudan, à deux pas de rien, dans la Maison rose, tout à la fois bordel et prison, habitée par des femmes magnifiques. Dont sa mère, splendide candace, majestueuse et protectrice.

L'exil comme seule issue, mère et fille quittent leur village, et se lancent dans un voyage peuplé de rencontres, d'amis, de dangers et de prédateurs. De rires et de pleurs. La Méditerranée puis l'Europe en ligne de mire. Le désert, ses nomades et ses guerriers, en mirage." (4ème de couverture)

C'est Amal qui raconte cette histoire, ce terrible voyage : "Je viens de naître. J'ai mille ans.[...] Je n'ouvre pas encore les yeux, mais je ferme déjà mon cœur. La poudre aurifère cristallise les sentiments. L'âge d'or est de fer et de pierre. Rien de très nouveau, seulement la très ancienne alchimie humaine : une pincée de misère, une pleine poignée d'hommes et le goutte-à-goutte de la solitude transforment les lingots jaunes en plomb et l'homme en animal. Je sais. J'ai mille ans." (p.9/11)

La première chose qui me frappe dans ce roman c'est la langue dont use JM Quéméner : très belle, poétique, descriptive, qui sait s'attarder sur ce qu'il y a de beau dans les paysages, les personnes pour contrebalancer le sordide, l'inhumain, le violent. Certaines phrases résonnent comme des adages, des aphorismes : "J'ai mille ans et j'ai vu des milliers d'amulettes, il y a celles qui vous protègent et celles qui avivent le souvenir. Les deuxièmes sont bien plus efficaces que les premières. Et bien plus dangereuses pour ceux qui s'en servent, puisqu'elles vous font courir à reculons vers le passé." (p.137)

Et dans toute cette beauté, il y a Amal et sa mère et quelques belles rencontres. Amal avec ses mille ans sait les risques et comprend que des hommes et des femmes les prennent, qui aspirent à une vie meilleure, à la liberté, à fuir les violences, la torture, les humiliations, la guerre et qui espèrent beaucoup de l'Europe et qui ne savent pas vraiment que nous ne les accueillerons pas décemment. JM Quéméner décrit le parcours de tous ceux qui quittent leur pays pour continuer à vivre, pour se mettre à l'abri. L'exil est une décision difficile à prendre et personne ne le choisit à la légère.

C'est un roman puissant et fort, qui par tant de beauté et d'humanité fait monter les larmes et la honte d'être dans un pays qui malgré son histoire, ne sait ni ne veut accueillir ceux qui fuient l'horreur. Amal et sa mère sublimées par la superbe écriture de l'auteur, sont tellement belles, fortes et dignes que l'on resterait bien plus longtemps avec elles. J'ai été totalement emporté, subjugué par ce roman, qui tord le cou aux théories fumeuses des imbéciles qui osent prétendre que ceux qui quittent leur pays le font par confort. Nul n'est capable de supporter tout ce que décrit JM Quéméner par envie de confort, c'est déjà insupportable pour la survie. Les réfugiés qui bravent autant de dangers devraient avoir toute notre admiration, notre empathie et notre aide plutôt que le mépris et l'indifférence.

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La mort porte conseil

Publié le par Yv

La mort porte conseil, Hervé Paolini, Serge Safran, 2023

Félix Bernardini est un entrepreneur respecté qui dirige l'usine familiale, celle de son épouse. Lorsque celle-ci meurt d'un cancer, Félix se remarie avec Fabienne, l'infirmière de trente ans de moins que lui. Elle emménage dans la maison de Félix avec Stéphane son fils, un adolescent qui file tout droit vers la voyouterie, il en a déjà les fréquentations et les attitudes, d'autant plus que sa mère lui passe tout.

Ce n'est donc pas une ambiance saine et sereine qui règne au domicile, et rien ne va s'arranger.

Premier roman d'Hervé Paolini qui parvient sans violence dans son texte à décrire des situations dures, tendues. Finalement assez lent, ce livre installe une tension qu'il fait monter crescendo : "Quelle mouche avait pu piquer Stéphane ? Je ne me souvenais pas lui avoir sorti quoi que ce soit de blessant, d'avoir eu la moindre attitude déplacée. Pourquoi s'était-il mis à me détester d'emblée ? Et surtout, comment rectifier le tir maintenant ? Plus que de l'insolence gratuite, il m'arrivait de percevoir ses enfantillages comme l'expression d'une volonté délibérée de me détruire. [...] Il niait mon humanité et faisait rejaillir des incertitudes en moi que j'espérais enfouies depuis des lustres." (p.13)

J'ai beaucoup aimé ce roman qui nous fait entrer profondément dans l'esprit de Félix, dans ses interrogations, ses doutes, ses réflexions sur la vie, sur sa vie pourtant bien commencée et qui tourne mal avec ce beau-fils qui lui en veut et une femme qui défend son fils aveuglément. A quoi tient de réussir sa vie ? Hervé Paolini avance doucement mais sûrement dans la personnalité de son héros, il donne parfois une information et explique dans les lignes qui suivent comment Félix s'est retrouvé dans telle situation et quelles furent ses réactions. C'est bien fait, on a très envie de connaître la fin de l'histoire et c'est également très joliment écrit. Un langage certes oral, mais un oral châtié, d'un homme habitué aux discours et aux réunions importantes dans lesquelles ils faut trouver le mot juste. Inattendu et original. Une histoire percutante et sordide dans laquelle on rencontre des gens infréquentables et d'autres qui, devant des situations inédites et difficiles à vivre et après la sidération se décident à agir.

Un roman fort de la rentrée littéraire qui ne laissera aucun de ses lecteurs indifférents. On pourra aimer ou détester Félix, se laisser émouvoir ou être agacé par son comportement, mais aucunement indifférent.

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L'enquête inachevée

Publié le par Yv

L'enquête inachevée, Pierre Pouchairet, Palémon, 2023

Léanne Vallauri est plongée dans une enquête internationale concernant un vaste trafic de drogue. Partie de Bretagne, cette enquête, après l'avoir emmenée en Afrique, doit se conclure à Nantes pour interpeller les commanditaires. Mais tout ne se déroule pas aussi bien que prévu, un homme disparaît, puis son cadavre est retrouvé, et Léanne et ses collègues de la PJ vont découvrir un autre trafic, inattendu et aussi rémunérateur que la drogue, celui des civelles.

Les investigations se tiendront alors essentiellement en Brière, que Vanessa et Élodie, respectivement psychologue pour la police et médecin légiste et également amies de Léanne vont visiter.

Onzième aventure des Trois Brestoises, cette fois-ci sur un trafic local : celui de civelles. Je me souviens de mon enfance où mon père rapportait des seaux entiers qu'il achetait à vil prix directement aux pêcheurs de Nantes. A l'époque, il n'y avait aucune législation et la civelle n'était pas un plat de gourmets. Désormais, les quantités à prélever ont drastiquement baissé, les contrôles sont fréquents, et le trafic très juteux.

Comme à son habitude, Pierre Pouchairet écrit une histoire solidement bâtie qui traverse la Bretagne de Brest à Nantes et dans laquelle les différentes forces de l'ordre coopèrent pour une efficacité maximum. Les trois filles ne sont pas forcément au mieux de leur forme, Élodie se remet tout juste de son aventure passée (cf. De si jolies petites plages) et ses amies, bien qu'occupées par leur travail sont inquiètes pour elle. Très localement ancré, même s'il débute en Afrique, ce tome permet de prendre un bol d'air en Brière, une région tellement belle et tranquille, et de suivre une enquête originale sur le trafic des civelles.

Pas de temps mort, Léanne est survoltée et elle mène ses équipes à un rythme rapide. Mais lorsqu'on est sur ce rythme, le dérapage peut survenir à n'importe quel moment. Il faudra la vigilance et les conseils de ses collègues et de ses proches pour qu'elle reste dans les clous. Mais cela suffira-t-il ? Ah, quel suspense ! Et que vient faire Mary Lester, l'héroïne de Jean Failler dans cette histoire, pour ne pas dire dans cette galère ?

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Prof

Publié le par Yv

Prof. Une journaliste en immersion, Anna Benjamin, Goutte d'or, 2023

Anna Benjamin est journaliste. Elle a notamment travaillé dans la rubrique éducation du journal L'express. Un peu frustrée de ne pouvoir faire des reportages que de quelques heures dans les établissements scolaires, elle décide de devenir professeure contractuelle. Titulaire d'une licence en histoire, elle passe un entretien de trente minutes et trois jours plus tard, embauchée, elle a son premier remplacement dans un collège. Quelques semaines dans cet établissement plutôt tranquille avant d'enchaîner avec un remplacement de cinq mois dans l'académie de Versailles, dans un collège classé REP+, Réseau d’Éducation Prioritaire +.

Prêté par ma fille, elle-même professeure remplaçante d'histoire-géographie et français, contractuelle, dans un lycée professionnel situé dans un quartier difficile.

J'ai retrouvé dans le livre pas mal des inquiétudes, des doutes et des témoignages de ma fille. Les difficultés à faire cours dans des classes où les élèves ont des niveaux faibles, très disparates, où les conditions familiales empêchent de suivre en cours ou de travailler chez soi et au minimum perturbent suffisamment les adolescents dans  les apprentissages. Les difficultés à aborder certains thèmes ou plus exactement la subtilité pour les aborder sans choquer les croyances et éducations de chacun : la religion, la liberté d'expression, la place de la femme... Des débats, des exposés, des visites de lieux, d'expositions... Il faut faire preuve d'imagination, de patience et d'autorité. C'est un emploi fatigant, qui, contrairement aux idées reçues -que je pouvais moi-même avoir-, nécessite un investissement et beaucoup de temps de travail. Il faut en plus d'intéresser et d’apprendre aux élèves, tenter de mobiliser leurs parents pour que la scolarité soit la plus profitable et bénéfique possible, ce qui n'est pas toujours évident. La barrière de la langue, parfois, celle des horaires parce que ces parents peuvent cumuler des emplois...

La satisfaction vient toujours du fait que les élèves avancent, écrivent à Anna Benjamin, à la fin de son remplacement qu'elle a été la meilleure prof qu'ils ont eue, et ce malgré, les sanctions, les découragements, les cours ratés...

Alors, certes, les profs ont les vacances scolaires, mais là encore, une partie est souvent dédiée à des préparations de cours, des sorties. Elles sont aussi faites pour se reposer, se ressourcer avant de repartir "dans la fosse aux lions" comme dit un collègue d'Anna. Et comme le dit assez ironiquement l'autrice "Avis à ceux qui sont jaloux des vacances des profs ! Rejoignez-nous !" (p.164)

Un bouquin très facile à lire qui montre les changements de la société, les pauvres moyens mis au service de l'éducation (il y a quelques décennies, un prof gagnait 2,3 fois le SMIC, aujourd'hui, c'est 1,2 fois seulement). La France est un pays qui ne mise pas sur son avenir, sur sa jeunesse, qui se borne à tenter de limiter la casse. Plutôt que de lire des rapports faits par des technocrates loin des réalités, peut-être les décideurs devraient-ils s'inspirer de ce livre et d'autres écrits sur le même sujets et de la vie réelle des profs pour bouger et prendre des mesures en faveur de l'éducation et de l'enseignement ?

Bonne rentrée à tous.

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