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Le jardin des pleurs

Publié le par Yv

Le jardin des pleurs, Mohamed Nedali, Ed. de l'Aube, 2014...

Driss et Souad viennent de se marier et de s'installer ensemble dans un petit studio de Marrakech. Lui est infirmier, elle serveuse dans un restaurant de la ville. Tout va bien, jusqu'au jour où Souad est agressée par un client ivre, un commissaire de police. Ils portent plainte, mais la justice marocaine n'est pas prompte à juger un fonctionnaire de police au bras très long. Pour le jeune couple, un parcours semé d'embûches, un labyrinthe juridique commence alors. Entre intimidations, extrême lenteur de la justice, corruption, le procès se déroulera-t-il un jour ? 

Mohamed Nedali s'empare d'un fait divers, d'une histoire tristement vraie pour construire son roman. Il en fait un récit très précis. On connaît quasiment tout de la vie de Driss, le narrateur, dans les moindres détails : le piston pour entrer à l'école d'infirmiers, un autre pour être nommé à Marrakech, son installation et la déco de son studio et évidemment la procédure, les reculades de la justice. Une écriture chirurgicale, rien n'est laissé au hasard. Mohamed Nedali écrit presque un témoignage sur le fonctionnement du système judiciaire marocain. Et le résultat n'est pas joli et ferait froid dans le dos. Compromission et corruption, passe-droits aux "dignitaires de l'état", c'est dire si Driss et Souad ont peu de chances de voir leur dossier aboutir : "... les magistrats [ont] des consignes leur interdisant formellement de traîner les dignitaires de l'Etat devant la justice, quel que soit le chef d'accusation pour lequel ils sont poursuivis. [...] Pour [...] ne pas entamer ce qu'ils appellent l'hiba, l'aura ou l'intouchabilité dont jouit tout haut commis de l'Etat au sein de la société." (p. 160). Un avocat ami de Driss lui explique comment fonctionne la justice, un réseau de relations et d'échanges de services : "J'ai moi aussi appris à collaborer avec mes collègues avocats, à courtiser juges et magistrats, à leur faire des courbettes, à leur graisser la patte... Qu'est-ce que tu veux, notre système judiciaire est ainsi fait : l'avocat doit s'y soumettre ou se démettre !" (p.199) L'administration en général est gangrenée par le bakchich généralisé, pour obtenir tel ou tel papier plus rapidement, un résultat d'analyse, éviter une contravention, les billets de dirhams passent vite d'une main dans une autre dans le livre.

Mohamed Nedali critique sévèrement, sans aucune concession la société marocaine, tout s'achète, se négocie, jusqu'aux prières pour un enterrement ! Néanmoins, on sent dans ce qu'il écrit tout l'amour qu'il a pour son pays et ses habitants qui vivent ces situations au quotidien. Ce n'est pas une critique gratuite pour médire, je l'ai pris plus comme une critique pour appeler à une prise de conscience et surtout à un changement radical des mentalités et pratiques, de manière descendante : que les élites commencent et ensuite, la société suivra !

Malgré la dénonciation virulente, le livre arbore plutôt un ton ironique, sarcastique et caustique. On ne se dit pas qu'il en fait trop, que là, c'est bon, basta. Non, on compatit aux malheurs du jeune couple, on espère qu'ils vont s'en sortir, et on espère surtout, que plus généralement, le Maroc deviendra un jour un pays démocratique qui permet aux pauvres d'être défendus face à des nantis ou des hommes puissants. Un bouquin fort et très accessible, absolument pas déprimant malgré le thème abordé. 

Mohamed Nedali est un auteur reconnu -bon, perso, je ne le connaissais pas- qui à reçu divers prix, celui du Grand Atlas (présidé par JMG Le Clézio) et celui de la Mamounia (présidé par C. Orban), pour des ouvrages précédents.

 

 

rentrée 2014

 

Commenter cet article
A
Le Stephan Zweig marocain ? Quel titre !
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Y
<br /> <br /> Ouais, ça c'est pas terrible !<br /> <br /> <br /> <br />
L
Ah bon , Sweig est marocain ?
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Y
<br /> <br /> La recherche avance, on en apprend tous les jours<br /> <br /> <br /> <br />
Z
Libfly m'a fait découvrir la littérature maghrébine et je n'ai jamais été déçue. Ce bouquin me parait intéressant
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Y
<br /> <br /> Il l'est...<br /> <br /> <br /> <br />
D
Bonjour Yv, je l'avais repéré chez mon libraire, je le note. Merci du conseil et bonne après-midi.
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Y
<br /> <br /> Bonjour Dasola, c'est un livre intéressant, pas un coup de coeur, mais il y a du bon en lui...<br /> <br /> <br /> <br />
A
Du même avis que les copains, "c'est quoi ce bandeau??!!??"!!<br /> <br /> Sinon je me note cette lecture!<br /> Tes avis sont dangereux pour ma carte bleue, ma PAL, mon temps libres... ;-)
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Y
<br /> <br /> En fait, je bosse en sous main pour une gigantesque bopite qui chapeaute toutes les maisons d'édition et je touche 5% à chaque livre que je fais acheter, c'est la raison pour laquelle tu dois<br /> dire au libraire que c'est de ma faute... ;))<br /> <br /> <br /> <br />
M
C'est curieux mais j'ai ressenti le même sentiment d'agacement en lisant le bandeau. Ceci dit, ce que tu dis de ce livre m'incite à le rechercher, ne serait-ce que pour un peu mieux connaître la<br /> vie quotidienne au Maroc!
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Y
<br /> <br /> Le bandeau est une pharse tirée d'un avis de Christine Orban, bon, je n'ai pas vu de Stefan Zweig là-dedans...<br /> <br /> <br /> <br />
S
Qu'est-ce que je déteste ce genre de bandeau!! C'est un truc à ne jamais lire le livre, ni même le prendre en main. Une telle sottise dans l'annonce! On a beau faire, ça rebute.:-(
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Y
<br /> <br /> Je déteste aussi, en général, la première chose que je fais c'est de l'enlever et de le jeter à la poubelle, dans le recyclable évidemment !<br /> <br /> <br /> <br />
K
Je ne connais pas du tout. Mais c'est quoi ce bandeau, "Stefan Sweig marocain"?
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Y
<br /> <br /> Ce n'est même pas un bandeau qu'on peut retirer, il est imprimé sur la couverture...<br /> <br /> <br /> <br />