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Risque zéro

Publié le par Yv

Risque zéro, Olga Lossky, Denoël, 2019...,

Milieu du XXI° siècle, l’informatique est au cœur de tout. Le système Providence régit la vie de ses adhérents : sécurité, santé, régime alimentaire, … Victorien Carmini est l’un des concepteurs de ce projet dont le point d’orgue est la plume d’ange, puce sous-cutanée qui, à chaque instant de la vie des implantés, donne leur état de santé, les risques, et les dirige vers la clinique privée la plus proche lorsqu'elle le juge nécessaire. Agnès Carmini, la femme de Victorien, anesthésiste,  a décidé de travailler dans l’hôpital public, soigner ceux qui n’ont pas accès à Providence. Un soir, une urgence, une adhérente de Providence, accidentée tout prêt de l’hôpital. Elle décède des suites de ses blessures et bientôt Agnès est accusée de négligence, mise en garde à vue puis relâchée dans l’attente de son procès. 

Un roman qui pousse jusqu'au bout l'ambiance actuelle du risque zéro, du parapluie ouvert dès qu'une goutte tombe, de ce que l'on a un temps appelé le principe de précaution, de peur de prendre des risques. On peut rêver d'un monde aseptisé dans lequel tout est calculé pesé, géré par des algorithmes, on peut imaginer qu'il nous débarrassera de toutes les tâches rébarbatives qui seront déléguées à des robots, c'est ce monde que décrit Olga Lossky. Qu'elle oppose à celui qui ose encore, qui parie sur l'humain plus que sur la technologie. D'aucun pourrait lui reprocher un certain manichéisme, sauf qu'elle fait bien ressentir le dilemme de ses personnages, Agnès en tête, qui se pose beaucoup de questions et pense aussi à la sécurité de ses enfants. Ceux qui ont refusé Providence, comme Horace le centenaire bougon ne le regrettent pas et n'en rêvent pas secrètement. Providence ne me fait pas rêver mais les bondieuseries des grands-parents d'Agnès réfractaires au système, encore moins. Tout monde a ses avantages et ses inconvénients.

Olga Lossky montre son héroïne qui, seule, dans la cellule de garde à vue, peut enfin réfléchir à sa vie et à ses relations avec autrui, biaisées par Providence. Elle a envie d'humanité : "Elle éprouvait de façon quasi physique ce lien d'humanité qui la reliait à ses semblables, malgré son isolement, et lui mettait le coeur en joie. Il avait fallu venir dans ce lieu improbable pour faire une telle découverte. Agnès aurait souhaité mettre un mot sur son expérience, mais cela échappait à toute définition." (p.125/126) C'est le coeur et tout l'intérêt du roman : la remise en question d'une femme au travers des évolutions techniques de nos sociétés qui la déshumanisent en y apportant des améliorations et avantages indéniables. Doit-on sacrifier l'humanité, les relations, l'entraide, tout ce qui fait que nous sommes des Hommes au profit d'une espérance de vie plus longue en très bonne santé, sécurisée, sans surprise (mauvaise il va sans dire, mais sans doute les bonnes aussi) ?

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K
Je suis en train de le lire/dévorer. Bonne surprise. De l'auteur j'avais lu Requiem pour un clou (il y a fort longtemps)
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Y
Très bon roman, je comprends que tu ne puisses en sortir
M
Une belle question. Moi non je ne sacrifierai pas l'humain pour plus de sécurité ou une vie plus longue, quel ennui ! Il me plairait celui-là aussi :) Merci pour cette nouvelle suggestion...
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Y
Belle découverte qui permet de pousser la réflexion
A
Quelle question de fin de billet.....
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K
Intéressant, je le note pour la bibliothèque.
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Y
un roman très contemporain qui plaira