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Le goût de la viande

Publié le par Yv

Le goût de la viande, Gildas Guyot, In8, 2018.....

Hyacinthe Kergourlé survit aux tranchées de 14/18. Profondément marqué dans son corps, puisqu'il revient amputé d'un bras, et dans sa tête après divers faits profondément bouleversants. A l'armistice, à pieds d'est en ouest, il revient à la ferme familiale proche de Saint-Malo. L'accueil est breton : fort, sincère et taiseux, comme s'il n'était jamais parti. Hyacinthe va tenter de vivre le plus normalement possible avec ce passé douloureux et traumatique.

Comment dire que ce roman est d'une part formidable et d'autre part ultra original et troublant voire par moments dérangeant ? C'est cru, violent, ironique, dur, l'humour est -pléonastiquement, comme disait P. Desproges- noir, très noir, désespéré, désabusé. Néanmoins et aussi dérangeant et dans certains -rares- passages difficile à lire soit-il, il n'est pas de ces livres qui dépriment ou mettent le blues pour le reste de la journée. Gildas Guyot réussit le tour de force de parler d'un homme détruit qui tente de passer outre ses démons pour vivre, qui parfois n'y parvient pas, qui donc vit des choses violentes, sans jamais plomber son roman. C'est le ton adopté entre gravité et humour, toujours au détour d'une phrase un peu dure, un mot, une expression qui force le sourire et détend un peu l'ambiance. "Physiquement, et en dehors de mes désordres digestifs, je reprenais du poil de la bête. La mort m'évitait à un point tel que le doute n'était plus possible quant à ses intentions de me nuire." (p.49), ou encore cet extrait que j'aime beaucoup, s'agissant des débuts de la seconde guerre mondiale (mais qu'on peut sans doute élargir) : "Heureusement, il est une tradition dans ce pays qui consiste à remplacer un incompétent par un irresponsable et en juin 40, Reynaud démissionna pour que Pétain le supplante." (p.176)

Dans l'écriture de Gildas Guyot, tous les mots comptent et il est souvent utile de lire entre les lignes ou entre les mots pour saisir encore mieux les double-sens ou les appuis fins, des sortes d'images subliminales. C'est très bien vu et très maîtrisé, surtout pour un premier roman. 

Je me suis régalé dans ce roman très inventif, glauque et noir, avec cet homme franchement bizarre, intérieurement torturé, un personnage original et fort comme on en voit peu en littérature, de ceux qui marquent. Ajoutons une écriture particulièrement soignée, travaillée pour que chaque mot ait un sens -voire un double-sens- et alors vous aurez en mains -parce que ce sera inévitable- un véritable coup de coeur. 

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K
Lu, grâce à ton article, et vraiment bien aimé ! Original et drôlement bien écrit.
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Y
Tant mieux, ça me fait plaisir que mon article donne envie. Gildas Guyot sort son deuxième roman en septembre Maktaaq
K
Actuellement j'en suis au tiers, j'ai donc survécu aux tranchées... ^_^ Un roman conseillé par une bibliothécaire, dérangeant, incroyable, quelle écriture. Mais faut avoir le cœur bien accroché (en plus j'ai déjà lu la fin ^_^)
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Y
Un bon conseil, je me souviens encore assez précisément des images que ce livre a provoquées après plusieurs mois. Mais c'est vrai qu'il faut parfois s'accrocher un peu
A
Tout ce que tu en dis est très tentant, et notamment de découvrir comment l'écriture peut décrire tout ça.Merci pour ton coup de coeur !
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Y
J'espère qu'il saura l'être pour d'autres
A
A lire à tête reposée et bien concentré, donc.
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Y
oui, mais c'est tellement bien...
K
J'aime bien les extraits et ce que tu en dis me tente beaucoup. Je le note.
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Y
très belle lecture, originale, assez loin de ce que l'on peut voir habituellement
Z
Tu me tentes beaucoup. L'humour noir, j'aime
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Y
alors tu vas être servie
C
Sûrement trop glauque pour moi.
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Y
peut-être mais diablement intéressant